Par Communia (Spanish) Traduction-Commentaires:
En Espagne, avec un nombre record d’infections et plus de 239 morts par jour, de même en France et en Italie il est clair que les confinements et les couvre-feux ne suffiront pas à arrêter la courbe ascendante des cas, la surcharge des hôpitaux et les décès.
Et pourtant, les médias ont encouragé les manifestations et les plaintes des hôteliers et des hommes d’affaires nocturnes tout en évitant d’amplifier les voix appelant à des confinements plus rigoureux. La stratégie était évidente. Les seules voix discordantes publiées étaient censées renforcer la politique principale face à la pandémie: sauver les entreprises (leurs profits) et l’activité économique (l’accumulation du capital), quoi qu’il arrive.
(Communia commet ici une erreur en faisant l’amalgame entre le capital des services de proximité et leurs sbires – casseurs de diverses origines – et les travailleurs ainsi que les chômeurs et les pauvres qui s’opposent au confinement qui les prive de tout revenu – de tout pouvoir d’achat et qui dégrade leurs conditions de vie et de travail en prévision de la reprise économique quand le grand capital réintégrera ces travailleurs disqualifiés. Le lecteur retrouvera cette erreur tout au long du texte. Nous y reviendrons. NDT).
Heurts, négationnistes et petite bourgeoisie lumpen
Mais la petite bourgeoisie, surtout celle du commerce, et plus encore la partie qui se confond aux frontières du lumpen – comme celle qui contrôle les boîtes de nuit et les commerces illégaux qui y sont associés – est une créature dangereuse lorsqu’elle est poussée à bout.
En Italie, la transition de la manifestation aux émeutes a été presque immédiate. En France, le passage de manifestations symboliques à la résistance aux fermetures et l’opposition passive indique une évolution similaire. En Espagne, il y a eu deux nuits d’affrontements dans une demi-douzaine de villes.
Les affrontements à Barcelone ont également pris un tour nouveau et relativement inhabituel par rapport aux normes locales: des manifestants ont pénétré par effraction dans un magasin Décathlon et ont volé des vélos. On ne pouvait pas attendre autre chose d’une mobilisation qui mettait au premier plan les lumpens organisés par les propriétaires de boîtes de nuit. Les hommes de Bannon, qui cette fois-ci ont à peine rassemblé une centaine de personnes dans les principales villes allemandes, peuvent être fiers. Mais ils ne peuvent pas s’en attribuer tout le mérite. Cette fois-ci, même s’ils sont intervenus dans une mêlée de droite classique et de propriétaires de clubs, leurs arguments n’étaient que l’assaisonnement de l’événement.
Le slogan commun de la petite bourgeoisie européenne
«Sauvons la restauration». Affiche exposée ce soir à Logroño par les propriétaires de boîtes de nuit. Les arguments dominants dans cette vague d’émeutes sont partagés dans toute l’Europe du Sud et pour toute la petite bourgeoisie d’affaires: les morts par Covid seraient équivalentes aux morts économiques de leurs entreprises. Il faudrait équilibrer la lutte entre certains décès et d’autres.
(Communia se range ici du côté de la faction du Grand capital «humaniste» qui profite de la pandémie pour écraser ses concurrents par l’entremise de ses larbins de gouvernance; et pour mettre au pas les factions de la bourgeoisie qui refusent d’assumer le coût de la crise économique qui s’approfondit. Le Grand capital «qui veut sauver des vies» profite de la pandémie pour saquer des millions de travailleurs plongés dans la misère désespérante que ce Grand capital veut briser avant de les réintégrer sous conditions dans la chaîne de production internationale reformater après le «Grand Reset». NDT).
La barbarie morale est évidente, quoique la formulation soit identique, même si elle est un peu plus crue dans l’argumentation, aux positions publiques des grandes entreprises de biens de consommation et de distribution. Il y a moins d’une semaine, Juan Roig, propriétaire de l’une des principales chaînes de supermarchés espagnols, a déclaré que «nous avons fortement dévié vers la santé et très peu vers l’économie.» En d’autres termes, sauver des vies est un écart de l’objectif principal, les profits, et devrait être compensé.
(Communia devrait nous expliqué pourquoi il se fait le propagandiste de la faction du Grand capital international et de ses larbins politiciens qui, sous le slogan de l’austérité, ont détruit les services de santé dans la totalité des pays capitalistes comme s’en indignent les professionnels de la santé qui réclament des investissements depuis des années: https://les7duquebec.net/archives/259554 . Il paraît évident que les gouvernements de fantoches qui imposent le confinement aux masses populaires servent l’agenda d’une faction du Grand capital international sous couvert de «sauver des vies» qui les indiffèrent. LA QUESTION demeure : que doit faire le prolétariat coincé entre ces deux factions en guerre commerciale, bactériologique et sanitaire puis militaire ? NDT)
Cela étant dit, l’on peut s’attendre à une attitude négative vis-à-vis des grèves et des protestations des travailleurs, même contre les prestataires de soins de santé qui réclament davantage de ressources. Et ce, à l’échelle mondiale. Au Canada, nous assistons cette semaine à une véritable campagne médiatique d’attaques contre les grèves des travailleurs de la santé. Il y a un peu plus d’un mois, nous avons vu quelque chose de similaire en Corée du Sud et en France. https://les7duquebec.net/archives/259317
Pour résumer: nous avons une classe qui se rebelle contre les conséquences de la crise, mais elle le fait sous un slogan qui est une version grossière de la ligne la plus antihumaniste de tous ceux qui expriment les besoins du capital; dont la morale considère qu’il est plus important de maintenir ses comptes commerciaux en chiffres positifs que d’éviter le massacre de centaines de personnes par jour; et qui, comme il ne pourrait en être autrement, dégage une violente hostilité envers les mobilisations des travailleurs.
(Communia accrédite les mensonges que colportent la faction du capital, via ses sous-fifres politiques, qui d’une main coupent les services de santé et pressurent les travailleurs, et de l’autre main leur imposent de plus grands sacrifices et les jettent à la rue sous prétexte de «sauver des vies», alors qu’il paraît de plus en plus évident que le confinement n’a aucune incidence sur les taux de mortalité Covid-19 : https://les7duquebec.net/archives/259317 NDT).
Idéalisme et illusion d’une classe intermédiaire
Ce qui est intéressant, c’est qu’entre ces approches et celles de la gauche postmoderne identitaire, il y a une parfaite continuité. Nous sommes déjà habitués à écouter le féminisme, Podemos ou le mouvement BLM aux États-Unis, nous dire l’important est que chacun puisse se construire son propre récit. Des récits et des termes de langage qui – par différents moyens – configurent la réalité : l’utilisation du jargon appelé langage inclusif réduirait la discrimination des femmes, en resignifiant et disputant le mot patrie on transformerait la défense de l’économie nationale en un objectif propre des travailleurs et ainsi de suite…
Dans les mots de Errejón (un politicien de Podemos), la politique, qui pour lui est une forme de construction narrative, ne serait pas surdéterminée par ce qui se passe dans des domaines antérieurs et supérieurs à elle tels que l’économie ou les relations sociales. Pour le dire de manière plus compréhensible: le pouvoir est disputé par des identités et des idées qui peuvent être conditionnées par la réalité, mais qui, en fin de compte, prennent forme en marge de la matérialité.
En fait, la réalité serait transformée et construite à partir de discours et d’identifications. La politique consisterait en l’organisation et la représentation de majorités hétérogènes basées sur des récits, et ne refléterait pas la force des intérêts économico-matériels. Cet argument est la définition de l’idéalisme. Les idées, l’idéologie sont ce qui expliquerait le changement historique plutôt que l’inverse.
La version de gauche est certainement plus sophistiquée, mais elle n’est pas du tout différente de choses comme le négationnisme de la pandémie, le catastrophisme eschatologique annonçant l’extinction de l’espèce humaine, ou les théories plus délirantes du trumpisme.
L’idée de vérités alternatives n’est pas nouvelle et apparaît sans cesse liée aux expressions culturelles et politiques de la petite bourgeoisie. Le Gramscisme, cette variante de l’idéalisme qui fascine tant Iglesias, Errejón ou Mélenchon, n’est que l’insinuation de l’existence de modes politiques et médiatiques capables d’établir une vérité alternative comme vérité sociale hégémonique. En fin de compte, si en principe tout récit peut devenir une vérité politique, étant donné que les tendances dialectiques de la réalité matérielle sont toujours contradictoires, il suffirait de valoriser les tendances existantes, mais secondaires qui s’alignent sur un désir ou un intérêt collectif pour que le principe du désir s’impose à la réalité. C’est ce qui résume le célèbre slogan de Gramsci : contre le pessimisme de l’intelligence, l’optimisme de la volonté. Le subjectivisme volontariste de l’anarchisme serait simplement une autre façon de l’exprimer.
Son illustration politique la plus proche serait Ayuso disant qu’il n’existe pas d’études soutenant l’évidence ou les négationnistes et anarchistes affirmant que l’utilisation de masques n’est rien d’autre qu’un exercice autoritaire incapable de protéger quiconque de la contagion d’une maladie que beaucoup d’entre eux vont même jusqu’à nier.
Tout cela pour comprendre comment les pertes d’une entreprise peuvent être considérées comme équivalentes à la mort de centaines de personnes en un jour, ou comment un massacre peut devenir invisible.
(Communia devrait nous expliquer comment le confinement de centaines de millions de travailleurs réduira la mortalité chez ces millions de sacrifiés sans salaires, incapables de payer leurs factures et qui demain seront forcés de réintégrer leur emploi aux conditions des patrons. Pourtant, il semble que le confinement n’a aucune incidence sur la létalité du coronavirus : https://les7duquebec.net/archives/259563 NDT).
Mais il y a quelque chose de plus. La réalité est en effet contradictoire, il n’y a pas de tendance qui n’ait son contrepoint. Mais cela ne signifie pas que toutes les tendances ont le même poids dans la dialectique de la réalité ou qu’elles pointent toutes vers le même endroit. En fait, ce qui compte, c’est le sens et le fondement de ces tendances. Dans toutes les luttes des travailleurs en tant que classe et pour leurs propres intérêts, nous percevons – à différents degrés et sous différentes formes – des besoins humains universels.
Aujourd’hui : arrêter la contagion, assurer l’approvisionnement des familles, prendre soin et protéger tout le monde de manière égale… est progressiste parce qu’il vise à surmonter un certain mode d’organisation de la production et de la société qui finit par opposer la vie humaine à la continuité d’une ruse de comptabilité du capital qui cache l’exploitation et qui, en cours de route, continue à détruire les forces productives et les capacités de la société de mille manières différentes: crise, guerre, suicides, solitude, violence, discrimination…
D’autre part, en essayant de figer l’histoire à un point où le petit entrepreneur, les académiques ou la classe moyenne corporative sont reconnus par les grands fonds, choyés par l’État qui leur est lié, où ils réaffirment leur statut vis-à-vis des travailleurs et ne sont pas accablés par les crises du système ou la pandémie, cela peut prendre des formes apparemment anticapitalistes mais est profondément réactionnaire. Que ce soit dans sa version d’ultra-droite, dans sa version négationniste, dans sa version écologiste, ou dans sa version libérale ou identitaire de gauche.
Tous ces mouvements petits-bourgeois affirment, sans pouvoir la contredire, la vérité matérielle capitaliste qui rend toutes leurs manifestations actuelles réactionnaires. La petite bourgeoisie explose parce qu’elle a de plus en plus de mal à exploiter le travail des autres de manière rentable et craint la prolétarisation. Ses slogans, l’appel à sauver les entreprises avant les gens exprime la dévaluation de ces vies humaines qu’elle ne peut pas rentabiliser dans ses comptes d’exploitation.
(De tout temps, les opportunistes et les réformistes, de gauche comme de droite, ont présenté comme «progressistes» et révolutionnaires les luttes sectorielles pour «surmonter un certain mode d’organisation de la production et de la société», laissant entendre qu’il est possible de transformer – de réformer pas à pas – le mode de production capitaliste décadent jusqu’à le forcer à servir les «besoins humains universels». Cela est totalement impossible et c’est notre tâche de prolétaire révolutionnaire que de contribuer à hausser notre conscience de classe jusqu’à ce degré de compréhension – le capitalisme ne peut être réformé et il doit être éradiqué. Dans cette guerre de classe, dont la pandémie n’est qu’une péripétie, nous ne devons pas accréditer le mythe qu’une faction du capital défend la santé et la vie des prolétaires alors qu’une autre faction du capital défend ses profits. Ils sont tous pareils malgré la multiplicité de leurs tactiques et seul le prolétariat défend les intérêts du peuple en défendant ses conditions de vie, de santé et de travail contre les assauts sanitaires ou militaires du Grand capital. NDT).
Source: Lire l'article complet de Les 7 du Québec