Par Andrew Korybko − Le 8 octobre 2020 − Source cgtn.com
L’élection présidentielle qui approche aux États-Unis suscite un débat sur de nombreux sujets, mais aucun n’a plus d’importance que le confinement du pays en réponse à la pandémie de Covid-19. Tout, des émeutes raciales, de la corruption supposée, des préoccupations économiques, et même jusqu’aux sujets de politique étrangère converge sur la question de savoir si oui ou non il fallait verrouiller une grande partie des États-Unis pour répondre à cette pandémie.
Le tweet par Trump le plus lu de l’histoire est tout récent, c’est celui qui affirme : « N’ayez pas peur de la Covid-19. Ne la laissez pas dominer votre vie », juste avant qu’il sorte du centre hospitalier Walter Reed lundi dernier.
Après qu’il a contracté la maladie, beaucoup se sont mis à craindre pour sa vie, sachant que le compteur de décès mondial poursuit son augmentation jour après jour, et tout particulièrement aux États-Unis, qui ont passé récemment la barre des 200 000 décès, et constituent de loin le pays le plus touché à cet égard.
Mais voici que le président minimise publiquement cette maladie, en la traitant comme un sujet mineur. Le sous-entendu est facile à comprendre : il réaffirme ce faisant que le confinement n’était pas une bonne décision. Mais cette fois-ci, il s’exprime par expérience personnelle.
Étant le président des États-Unis, Trump a accès à un cocktail de médicaments expérimentaux que la plupart des personnes infectées par ce virus n’ont pas pu essayer, que ce soit aux États-Unis ou ailleurs dans le monde. Il s’ensuit évidemment que son rétablissement miraculeux — lorsqu’on pense à son âge avancé, son obésité patente, et ses préférences douteuses pour la nourriture de type fast food, entre autres sujets de santé personnelle — n’est en aucun cas représentatif ou répétable aux gens normaux qui contractent la même maladie.
C’est la raison pour laquelle les Démocrates affirment que la rhétorique désinvolte qu’il déploie à présent met des vies étasuniennes en danger.
Il est difficile d’évaluer dans quelle mesure Trump est sincère quand il minimise la maladie qu’il a attrapée, mais il est néanmoins indiscutable qu’il s’emploie à présenter le confinement comme principal sujet des élections qui approchent.
Et cela constitue un liant pour tous les autres événements qui se sont produits cette année. On peut ainsi affirmer que le 3 novembre prochain, c’est principalement sur un référendum concernant le confinement que les Étasuniens vont se prononcer.
Le confinement a en effet fortement perturbé l’économie étasunienne, que Trump avait jusqu’alors portée à son niveau le plus élevé de l’histoire. Cette mesure sanitaire a amené à une forte hausse du chômage dans tout le pays, ce qui a fait baisser le niveau de vie de tous les Étasuniens, et particulièrement les minorités.
L’incident George Floyd de la fin mai avait constitué l’étincelle qui a rallumé les agitations raciales qui croupissaient juste sous la surface de la société étasunienne depuis un bon moment.
Faisant montre d’hypocrisie, certains Démocrates avaient alors soutenu les manifestations violentes qui s’en étaient suivies, tout en continuant d’exiger qu’en dehors de ces manifestations, chacun devait continuer de respecter des mesures de distanciation sociale.
Ce deux poids, deux mesures avait suscité des doutes dans l’esprit de nombreux Étasuniens quant aux vraies raisons sous-jacentes au confinement, car en toute logique, les dirigeants du parti d’opposition n’auraient pas dû soutenir cette forte assemblée de manifestants si la maladie était vraiment aussi dangereuse qu’elle était décrite par les dirigeants du système de santé.
Ces doutes ont nourri les récits de Trump et de ses représentants, pour qui les confinements étaient prononcés pour des raisons politiques, visant à perturber l’économie, à tenir les soutiens du président à domicile loin de tout rassemblement, et accordant de ce fait l’avantage à Biden dans l’élection.
Sur le front de la politique étrangère, Trump a accusé la Chine pour cette pandémie, et certains de ses soutiens sont allés jusqu’à accuser ce pays d’avoir suivi une conspiration consistant à libérer dans la nature ce qu’ils décrivent à tort comme « la peste » pour manipuler l’environnement électoral et faire perdre le candidat sortant.
Rien de tout cela n’est avéré, mais tout ceci n’en a pas moins fortement résonné dans l’esprit de nombreux électeurs étasuniens qui ont peur, ne savent pas à quoi s’en tenir, et sont donc susceptibles d’accepter les explications les plus farfelues à ces crises apparemment liées entre elles.
Trump veut tirer parti de ces événements, afin de regagner des points, dont il apparaît qu’il a bien besoin, face à Biden. Il espère ainsi canaliser la colère grandissante vers tout ce que le confinement a engendré, dans les faits et dans les récits (respectivement, les conséquences socio-économiques et les sujets de politique étrangère), dans le but de sortir en tête le mois prochain.
Quoiqu’on puisse penser moralement de ce procédé, particulièrement dans les dangers potentiels qui résident derrière la minimisation par Trump de sa maladie, il est important de comprendre la « méthode de sa folie » pour pouvoir la parer.
Andrew Korybko est un analyste politique américain, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.
Traduit par José Martí, relu par Wayan pour le Saker Francophone
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