Par Ray McGovern – Le 7 Octobre 2020 – Source Consortium News
La bataille en cours a commencé il y a une semaine lorsque le directeur du renseignement national a lâché une bombe devant la commission judiciaire du Sénat.
Seul chez lui hier soir, et apparemment enhardi par les stéroïdes qu’il prend actuellement, le président Donald Trump a envoyé une tempête de Tweets qui lançaient un défi sans précédent au FBI et à la CIA pour qu’ils arrêtent de traîner les pieds et déclassifient les documents relatifs au Russiagate et à Hillary Clinton.
C’est probablement la chute des sondages autant que les stéroïdes qui expliquent sa forte rhétorique, mais Trump a maintenant ouvertement lancé la bataille contre l’État de sécurité nationale.
Oui, c’est le président, mais il a très peu de chance de l’emporter.
Ce que le président élu ne savait pas le 3 janvier 2017, lorsque le leader de la minorité au Sénat, Chuck Schumer, a publiquement averti que la communauté du renseignement « a six façons de s’en prendre au président », il le sait maintenant.
Trump comprend que s’attaquer au FBI et à la CIA est intrinsèquement risqué. Ses réprimandes publiques et les instructions qu’il leur a données sur Twitter doivent être considérées comme un signe de désespoir.
Il est probable que Trump se montre impulsif et impuissant dans les semaines qui précèdent les élections, car, si le passé est une leçon, les agences de sécurité vont probablement redoubler d’efforts pour traîner les pieds face à ses demandes de déclassification.
Les enjeux sont élevés pour les hauts fonctionnaires du FBI, de la CIA et du ministère de la justice. Souvenez-vous : ils s’attendaient à ce qu’Hillary Clinton gagne en 2016 ; ils ont pris des libertés avec la loi pour s’assurer que ce soit le cas et, comme cela n’a pas été le cas, ils ont dû se dépêcher de cacher les traces de leur méfait.
Instructions tweetés
Mardi soir, Trump a tweeté :
« J’ai autorisé la déclassification totale de tous les documents relatifs au plus grand crime politique de l’histoire américaine, le canular sur la Russie. De même, le scandale des courriels d’Hillary Clinton. Rien ne doit être caché ! »
Dans un tweet ultérieur (maintenant apparemment supprimé), le président ajoutait :
« Toutes les informations sur le scandale du canular russe ont été déclassifiées par moi il y a longtemps. Malheureusement pour notre pays, des gens ont agi très lentement, d’autant plus qu’il s’agit peut-être du plus grand crime politique de l’histoire de notre pays. Agissez !!! »
« Il y a longtemps ? » Un président, bien sûr, a le pouvoir de déclassifier pratiquement toutes les informations classifiées liées au renseignement. Des membres républicains du Congrès l’ont supplié à maintes reprises d’utiliser cette autorité.
Lors d’une interview télévisée dimanche, par exemple, le républicain Devin Nunes, membre de la commission des renseignements de la Chambre des représentants, visiblement agité et en colère, a déclaré :
« Chaque sénateur et membre du Congrès républicain devrait dire… nous voulons toutes les preuves que toutes les agences de renseignement possèdent ou il serait peut-être temps de fermer ces agences. »
A l’inverse de tweets de Trump
Ces dernières années, la pratique courante a vu les dirigeants du FBI et de la CIA prendre tranquillement leur temps pour se conformer à la loi, d’autant plus quand les données à déclassifier se présentent sous un jour négatif, voire criminel.
Les chefs de la bureaucratie de la sécurité nationale ont fait preuve d’une grande habileté pour trouver des moyens de retarder ou simplement de ne pas s’y conformer (comme lorsqu’ils invoquent leurs droits au titre du cinquième amendement concernant l’auto-incrimination).
S’ils devaient vraiment « suivre la règle », le décret 13526, section 1.7, prévoit que les informations qui constituent la preuve d’un crime ne doivent pas rester classées secrètes.
Le 21 octobre 2017, Trump tweetait, conformément à une loi adoptée par le Congrès,
« Je vais permettre, en tant que président, l’ouverture des dossiers sur Kennedy, toujours classifiés et bloqués. »
Six jours plus tard, un titre paraissait dans le Washington Post : « Dossiers JFK : La promesse de révélations empêchée par la CIA, le FBI ».
La décision de Trump de reporter de six mois la publication de 30 000 dossiers potentiellement les plus sensibles a frustré les historiens. La question devait être réexaminée 180 jours plus tard, mais on n’en a plus entendu parler.
Ainsi, 54 ans après l’assassinat du président John F. Kennedy, la CIA et le FBI ont demandé plus de temps pour décider des secrets à cacher – et un président Trump châtié s’est incliné devant leur pouvoir.
Traîner des pieds
Il faudra plus qu’un tweet présidentiel pour amener des acteurs récalcitrants comme le directeur du FBI, Christopher Wray, et la directrice de la CIA, Gina Haspel, ainsi que les puissantes institutions qu’ils dirigent, à obéir.
Wray a été une pierre d’achoppement majeure et restera enclin à donner la priorité à la protection de ses anciens collègues. Haspel, qui aurait été directement impliquée dans les opérations off-shore du Russiagate, depuis son perchoir de chef de poste de la CIA à Londres, a son propre derrière, ainsi que celui de ses collègues, à protéger.
Trump aurait déjà pu les virer tous les deux pour divulgation trop lente de preuves. Il pourrait encore les virer immédiatement, bien sûr, mais il est douteux que, même sous stéroïdes, il ait la témérité de le faire.
« Grand causeux, petit faiseux »
L’affaire en cours a commencé il y a une semaine lorsque le directeur du renseignement national, John Ratcliffe, a lâché une bombe en réponse à la demande permanente d’informations du président de la commission judiciaire du Sénat, Lindsay Graham, concernant la gestion par le FBI de son enquête sur le Russiagate.
Ratcliffe a fourni les informations déclassifiées suivantes à la commission :
Fin juillet 2016, les services de renseignement américains ont obtenu des informations provenant d’une analyse des renseignements russes disant que la candidate à la présidence des États-Unis, Hillary Clinton, aurait approuvé un plan de campagne visant à susciter un scandale contre le candidat à la présidence des États-Unis, Donald Trump, en le liant à Poutine et au piratage du Comité national démocrate par les Russes. La Communauté des renseignements ne connaît pas l’exactitude de cette allégation ni la mesure dans laquelle l’analyse des services de renseignement russes peut refléter une exagération ou un montage.
Selon ses notes manuscrites, l’ancien directeur de l’Agence centrale de renseignement, Brennan, a ensuite informé le président Obama et d’autres hauts responsables de la sécurité nationale de ces renseignements, notamment de « l’approbation présumée par Hillary Clinton, le 26 juillet 2016, d’une proposition de l’un de ses conseillers en politique étrangère visant à diffamer Donald Trump en suscitant un scandale alléguant une ingérence des services de sécurité russes ».
Le 7 septembre 2016, les services de renseignements américains ont transmis une demande d’enquête au directeur du FBI, James Comey, et au directeur adjoint du contre-espionnage, Peter Strzok, concernant « l’approbation par la candidate à la présidence des États-Unis, Hillary Clinton, d’un plan concernant le candidat à la présidence des États-Unis Donald Trump et de pirates informatiques russes entravant les élections américaines comme moyen de détourner l’attention du public de son utilisation d’un serveur de messagerie privé ».
Ratcliffe ajoutait que « une déclassification et une divulgation publique de renseignements connexes restent à l’étude ».
Ceux qui espéraient une divulgation plus complète ont été déçus mardi lorsque Ratcliffe a publié des notes prises par le directeur de la CIA, John Brennan, pendant un briefing au président Barack Obama concernant un prétendu complot d’Hillary Clinton visant à salir la campagne Trump en la reliant au DNC Hack/Russie. Ces notes ont été fortement édulcorées et ne jettent aucune lumière nouvelle sur ce que Ratcliffe avait publié il y a une semaine.
Bien que cette « déclassification » particulière ait eu lieu avant que Trump ne commence sa douche de Tweets mardi soir, l’expérience passée suggère qu’elle pourrait être un signe avant-coureur des choses à venir, même si Trump vient de dire : « Rien ne doit être caché ! »
Voir, c’est croire. Les dé-classificateurs devront faire un bien meilleur travail pour satisfaire les demandes de Nunes et d’autres pour la publication d’autres documents « fumants » qui contiendraient des détails des renseignements russes se référant à l’autorisation donnée par Hillary Clinton de lier le président Trump à une « ingérence » du Kremlin dans les élections de 2016.
Hillary Clinton a-t-elle tout manigancé ?
Si les Américains avaient lu plus que ce qui se trouve dans le New York Times, ils ne seraient pas surpris de cette possibilité. Ne savent-ils pas que le New York Times ne diffuse pas toutes les informations qui peuvent être imprimées ?
S’ils avaient regardé au-delà du Times, ils auraient peut-être appris qu’il y a exactement cinq mois, le 7 mai 2020, le président de la Chambre des représentants, Adam Schiff, a été contraint de publier le témoignage sous serment d’un ancien fonctionnaire du FBI, Shawn Henry, directeur de la société de cybersécurité CrowdStrike, disant qu’il n’existe aucune preuve technique que les courriels du DNC publiés par WikiLeaks ont été piratés – par la Russie ou par qui que ce soit d’autre.
Cerise sur le gâteau, Schiff a pu cacher le témoignage de Henry du 5 décembre 2017 au 7 mai 2020. Vite ! Que quelqu’un dise au Times qu’il n’y aura pas de délai supplémentaire de cinq mois.
Si vous ne saviez pas que l’accusation de piratage des e-mails du DNC par les Russes, qui s’est révélée infondée, s’était effondrée, rappelez-vous que le directeur du FBI de l’époque, James Comey, s’était adressé à CrowdStrike pour faire l’expertise sur le soi-disant « piratage russe » du DNC.
Il n’y a pas eu d’enquête. CrowdStrike n’a même pas fourni de rapport au FBI.
De plus, si vous reconstituez les événements de la fin juillet 2016 et remarquez comment Clinton et les Démocrates ont rejeté la faute sur Trump et les Russes avec le soutien de la communauté des renseignements, en particulier le FBI et la CIA – sans parler du soutien inconditionnel des médias de l’establishment – vous n’auriez pas besoin d’un rapport des renseignements russes pour savoir qui pourrait être derrière le Russiagate, et pourquoi.
Alors, Monsieur le Président, allez-y, déclassifiez et ne cachez rien. Mais la plupart des informations sont déjà disponibles, mais pas sur les « grands médias ». Vous pourriez commencer par faire une recherche sur Consortiumnews.com.
Ray McGovern
Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone
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