Personne ne contredira Guy Chevrette quand il affirme qu’aucun des quatre candidats à la chefferie du PQ n’est du calibre de René Lévesque ou de Jacques Parizeau. À ce compte, il y a belle lurette que le PLQ n’a pas eu un chef de l’envergure de Jean Lesage ou de Robert Bourassa. Ici comme ailleurs, les grands leaders ne courent pas les rues.
Qui plus est, la pandémie a créé un contexte particulièrement impropice à une course, comme en témoigne le petit nombre de sympathisants que le PQ a réussi à attirer et la faible écoute des trois débats diffusés sur Internet. À compter de mardi prochain, les militants péquistes n’en devront pas moins élire un successeur à Jean-François Lisée.
Pour la première fois de son histoire, le nouveau chef prendra la direction du parti à un moment où il recueille moins de 20 % des intentions de vote, la prochaine élection générale ayant lieu dans deux ans. Rien ou presque n’est impossible en politique et il est clair que le deuxième mandat du gouvernement Legault sera tout sauf facile. Il n’en demeure pas moins que les chances d’une victoire péquiste en octobre 2022 semblent bien minces.
La question est donc moins de savoir lequel des candidats ferait le meilleur chef de gouvernement que de déterminer lequel pourrait empêcher le PQ de sombrer définitivement dans la marginalité en ravivant la flamme souverainiste. Cela devient moins une question d’analyse que d’intuition.
Le dernier sondage Léger, effectué du 17 au 21 septembre auprès de 1002 membres et sympathisants du PQ, annonce une course à deux serrée entre Sylvain Gaudreault (31 %) et Paul St-Pierre Plamondon (26 %), qui nécessitera vraisemblablement plus d’un tour, comme ce fut le cas en 2016.
Le député de Jonquière est celui qui a la plus longue expérience. Les douze années qu’il a passées à l’Assemblée nationale, aussi bien au gouvernement que dans l’opposition, lui assurent une meilleure connaissance des dossiers, comme cela est clairement apparu dans les débats, mais il fait terriblement technocrate. Favori de l’establishment du parti, il est aussi le candidat d’une continuité avec laquelle le PQ doit précisément rompre. Avec lui, il n’y aura aucune surprise, alors qu’il semble urgent d’en créer une.
M. St-Pierre Plamondon est le plus pétillant du groupe et rappelle Jean-François Lisée à bien des égards. Il a démontré la même aptitude à multiplier les propositions originales et son discours sur la souveraineté a été tout aussi sinueux au fil des ans. Il y a six ans, il la qualifiait même de « trou noir ». Après avoir proposé au PQ de « valoriser un nationalisme civique inclusif » dans son rapport de 2017, lui-même est devenu plus insistant sur l’identité. Avec son air d’éternel adolescent, même s’il est politicien jusqu’au bout des ongles, M. St-Pierre Plamondon a trouvé un certain écho auprès de la jeune génération, mais les plus âgés ont mal digéré son commentaire de 2017, quand il avait qualifié de « figé, conservateur et vieillissant » le parti auquel ils ont consacré une partie de leur vie.
À le voir multiplier les scoops exigeant de sérieuses recherches, on se prend à penser que Frédéric Bastien aurait fait un formidable journaliste d’enquête. Son envie d’en découdre avec Ottawa ne fait aucun doute, mais il a trop souvent donné l’impression que son programme tenait presque uniquement dans une réouverture de négociations constitutionnelles qui démontrerait l’impossibilité de réformer le fédéralisme à la satisfaction du Québec. Il a peut-être raison de penser qu’un nouveau choc comparable à l’échec de l’accord du lac Meech remettrait l’indépendance à l’ordre du jour, mais qui au PQ a envie de rejouer dans le film du « beau risque » ?
Guy Nantel n’a pas la même culture politique que ses adversaires. Quand il a proposé, lors du troisième débat, de construire un monorail entre toutes les grandes villes du Québec, on pouvait se demander s’il avait bien les pieds sur terre. En revanche, il a l’ardeur du néophyte et il a démontré qu’il était capable de rendre coup pour coup. Il jouit certainement de la plus grande notoriété à l’extérieur des cercles péquistes, mais on pouvait dire la même chose de Pierre Karl Péladeau. Son élection serait un véritable coup de dés.
Choisir un chef n’est pas évident quand il n’y a ni René Lévesque ni Jacques Parizeau sur les rangs. Les péquistes n’ont pas toujours fait le meilleur choix, mais ils n’ont plus droit à l’erreur. Certains vont peut-être se surprendre à envier les libéraux de ne pas avoir eu à se poser de questions.