Le Québec tarde à prévenir les personnes infectées par le coronavirus

Le Québec tarde à prévenir les personnes infectées par le coronavirus

La Santé publique est engagée dans une course contre la montre pour retrouver les contacts des personnes atteintes de la COVID-19. Mais dans plusieurs régions, les autorités tardent à contacter les gens dépistés pour leur transmettre les résultats de leur test. Le délai peut s’étirer jusqu’à huit jours, selon des témoignages récoltés par Le Devoir.

Karine Boissonneault attend depuis sept jours le résultat de son test de dépistage ainsi que celui de son fils. Ils ont été en contact étroit avec un cas positif à la COVID-19. « Pendant deux semaines, trois amis de mon fils sont venus dîner tous les jours à la maison avec leur lunch, raconte la mère, qui habite à Saint-Augustin-de-Desmaures, dans la région de Québec. J’étais présente. »

L’un des jeunes, asymptomatique, a appris qu’il était atteint de la COVID-19. « Un autre a eu son résultat positif, six jours après avoir passé le test, dit Karine Boissonneault. De notre côté, nous n’avons eu aucun appel de la Santé publique jusqu’à présent. Ça se passait quand même dans ma maison. »

En données | Nos contenus sur la COVID-19

Karine Boissonneault et son garçon se sont confinés. Mais son conjoint et son autre fils — qui n’ont aucun symptôme — continuent de travailler et de vaquer à leurs occupations. « Si on avait notre résultat plus rapidement, ça stopperait la transmission communautaire », dit-elle. Karine Boissonneault dit avoir ressenti un léger mal de gorge dans les jours suivant son test.

Annie-Kim Allard, une citoyenne de Joliette, a dû patienter huit jours avant d’obtenir son résultat. Elle vient d’apprendre que son résultat est négatif. Elle demeurera tout de même en isolement jusqu’au 8 octobre. Son conjoint a été déclaré positif à la COVID-19.

« J’ai contacté à plusieurs reprises le CISSS de Lanaudière et j’ai laissé des messages dans la boîte vocale, dit Annie-Kim Allard. Pas moyen de parler à personne. Avec ce délai extrême, leur enquête publique n’aurait servi à rien si j’avais été positive. »

Sarah (prénom fictif), elle, est atteinte de la COVID-19. Elle l’a appris grâce à une amie médecin, qui a consulté son dossier médical, le lendemain du dépistage. Ce n’est que trois jours plus tard qu’une infirmière d’un CLSC de la Montérégie, puis un employé de la Santé publique l’ont contactée pour lui annoncer qu’elle était infectée.

« Je trouve ça ridicule », dit Sarah, qui veut garder l’anonymat afin de ne pas mettre son amie dans le pétrin (les médecins ne peuvent consulter le dossier Santé Québec que dans le cadre de leurs fonctions et non à des fins personnelles). « J’avais vu des gens durant la fin de semaine d’avant [le test]. » Sarah dit avoir informé ses contacts dès qu’elle a appris le diagnostic de la bouche de son amie.

Le système de dépistage connaît aussi des ratés en Outaouais. Valérie est sans nouvelle du résultat du test de son fils, réalisé il y a sept jours. « Ce que je trouve un peu inquiétant, c’est que nous, nos vies continuent, dit la citoyenne de Gatineau. Je ne suis pas en isolement. »

L’intervenante dans les services essentiels n’a pas de symptôme. « Je porte le masque et je suis le protocole, dit Valérie, qui préfère taire son nom de famille pour ne pas inquiéter sa clientèle. Mais il n’y a jamais de risque zéro. » Son garçon de 10 ans, qui tousse encore un peu, est contraint de faire des travaux scolaires à la maison. « Il n’a pas droit à l’école virtuelle », rappelle-t-elle.

Du dépistage accru

Le CISSS de l’Outaouais confirme que le délai d’attente pour un résultat est de sept jours dans sa région. Une portion des tests sont analysés dans un laboratoire à Montréal, indique-t-il.

« Nous avons actuellement une grande demande au niveau du dépistage de la COVID-19, écrit le CISSS dans un courriel. Le nombre de tests effectués dépasse la capacité du laboratoire. Nous avons un corridor de service avec le laboratoire national qui est lui-même très sollicité. »

Le CISSS de l’Outaouais se dit en attente d’un « nouvel appareil de laboratoire qui sera sous peu en fonction ». Quelque 1100 analyses additionnelles, par jour, pourront alors être réalisées.

Sur son site Internet, le CISSS de Lanaudière signale pour sa part que « les laboratoires responsables de l’analyse des tests de dépistage accusent un retard dans le traitement des prélèvements depuis le 20 septembre ». « La direction du CISSS suit la situation », ajoute-t-on.

Au CIUSSS de la Capitale-Nationale, on souligne que les tests de dépistage sont acheminés au CHU de Québec — Université Laval, où les analyses sont effectuées. Le CIUSSS assure contacter les personnes atteintes de la COVID-19 dès que le laboratoire lui transmet un résultat. Quant aux cas négatifs, ils reçoivent un appel dans les 24 heures, indique le CIUSSS.

Nous avons actuellement une grande demande au niveau du dépistage de la COVID-19, écrit le CISSS dans un courriel. Le nombre de tests effectués dépasse la capacité du laboratoire.

 
Selon le CHU de Québec — Université Laval, un délai d’attente de sept jours est exceptionnel. « Dans 97,1 % des analyses, ça nous prend un maximum de quatre jours pour transmettre le résultat », dit la conseillère en communication Lindsay Jacques-Dubé.

Karine Boissonneault estime qu’il faut trouver des solutions pour réduire les délais. Elle tenait à partager son histoire, « pas pour chialer, mais dans un esprit constructif ».

« Est-ce que nos pharmaciens ou nos médecins pourraient avoir nos résultats de test et aider à la communication ? demande-t-elle. Est-ce que tous ceux qui vont perdre leur emploi, on pourrait les rémunérer pour qu’ils fassent des téléphones à la Santé publique ? »

Former du nouveau personnel est nécessaire, selon le Dr Quoc Dinh Nguyen, qui a présidé un comité d’experts ayant pour mission de conseiller Québec dans sa lutte contre la COVID-19 au sein des milieux de vie pour aînés. « On a fait appel à l’armée dans les CHSLD au printemps, dit le gériatre. On pourrait former rapidement des gens pour accomplir ces tâches très spécifiques et assez simples. »

Il y a une semaine, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a lancé un appel à divers professionnels afin qu’ils s’inscrivent à Jecontribue et participent aux efforts de dépistage et de recherche de cas. Plus de 4000 volontaires se sont manifestés.

« Les enquêtes efficaces, c’est le nerf de la guerre pour permettre une réouverture de la société », souligne le Dr Quoc Dinh Nguyen.

À voir en vidéo

À propos de l'auteur Le Devoir

Le Devoir a été fondé le 10 janvier 1910 par le journaliste et homme politique Henri Bourassa. Le fondateur avait souhaité que son journal demeure totalement indépendant et qu’il ne puisse être vendu à aucun groupe, ce qui est toujours le cas cent ans plus tard.De journal de combat à sa création, Le Devoir a évolué vers la formule du journal d’information dans la tradition nord-américaine. Il s’engage à défendre les idées et les causes qui assureront l’avancement politique, économique, culturel et social de la société québécoise.www.ledevoir.com

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Recommended For You