TOUS ENSEMBLE, AVEC NICO HULOT ET FRED LENOIR, POUR UN « CAPITALISME FONDÉ SUR LA COOPÉRATION ET LE JUSTE ÉCHANGE » !
D’abord, un rappel. Certains le comprennent, d’autres non : parce qu’il me semble bien plus sensé de chercher d’abord (ou surtout) à parler à ceux qui se sentent déjà quelque peu concernés, plutôt que de chercher, avant tout, à l’instar du CNNR des néo-gauchistes, à « rassembler le plus grand nombre », je considère, comme le Marx en son temps, que
« Notre tâche consiste à proposer une critique impitoyable, et de nos prétendus amis bien plus que de nos ennemis manifestes. Nous renonçons avec plaisir, en adoptant cette attitude, à une facile popularité démagogique[1]. »
Bernard Charbonneau le comprenait également, écrivant, lui, que :
« Pour progresser sur une route qui sera brumeuse et ardue, le mouvement écologique devra s’exercer à la critique de soi et de ses pseudo-alliés ; et pour ce travail de dépollution intellectuelle et morale, les matériaux ne manqueront pas[2]. »
Nicolas Hulot et Frédéric Lenoir, de concert avec de généreuses maisons d’édition, toujours avides de propager la bonne parole, nous fournissent un tel matériel en abondance (encore et encore et encore, Hulot et Lenoir ont déjà chacun plus de 20 livres à leur actif, sans doute tous aussi lumineux les uns que les autres). Leur dernier ouvrage commun, Le Temps des consciences, nous permet de mettre en lumière en quoi ces « pseudo-alliés » sont autant de nuisances. Le voici résumé en quelques citations :
- « Le système capitaliste libéral et les bouleversements technologiques qui l’ont accompagné ont apporté d’indéniables bienfaits à l’humanité. Mais force est de constater qu’aujourd’hui ce système est à bout de souffle et produit plus d’effets pervers qu’il ne génère de bienfaits. »
- « Cette forme-là de capitalisme doit être éradiquée, car ses excès sont insupportables. »
- « Pour autant, je ne considère pas que c’est le capitalisme en soi qui est en cause – car il est un modèle moins pire que d’autres –, mais ses excès. Quand les êtres humains parviendront à se fixer des limites, ils pourront enfin répartir équitablement les richesses, au lieu de les centraliser, pour l’essentiel, sur des comptes bancaires offshore. »
- « Sans tomber dans la caricature de rejeter entièrement le capitalisme, il est important d’en corriger tous les excès. »
- « En effet. Un capitalisme fondé sur la coopération et le juste échange doit avoir des normes environnementales et sociales dont on se sert comme d’un levier : “Vous voulez commercer avec nous ? Ok, voici nos règles et vous vous y pliez.” Il ne s’agit pas de faire du protectionnisme, mais de saisir l’opportunité de profiter de ces échanges pour imposer des règles sociales et environnementales à ceux avec qui nous commerçons. »
Voilà. Une formidable compilation de mythes et d’apologies progressistes de mise, d’euphémismes, de platitudes pseudo-critiques, de souhaits vagues, contradictoires et, selon toute probabilité, parfaitement chimériques. Le capitalisme pose problème mais un bon capitalisme existe. Le Progrès, c’est ambivalent, et puis y a‑t-il vraiment eu Progrès ? Oui, et non à la fois. Quoi qu’il en soit, un bon Progrès existe. La technologie pose aujourd’hui problème, certes, mais elle a grandement amélioré nos vies, et puis, un bon système technologique existe. Tout ce qu’il nous faut, somme toute, c’est une révolution de l’esprit, « nous lancer dans cette indispensable révolution de la conscience humaine ». Aucun diagnostic clair, cohérent, aucune analyse sérieuse, et des préconisations (solutions) à l’avenant. Aucune chance qu’un discours aussi inepte contribue à la formation d’un mouvement écologiste digne de ce nom. Au contraire, on voudrait paralyser ou parasiter sa formation, on ne s’y prendrait pas autrement. L’écologisme médiatique dans toute sa splendeur. Un livre de plus pour ne rien dire du tout, pour permettre à l’insignifiance, à la confusion idéologique de l’époque de continuer à accaparer la parole. Du bavardage, toujours plus de bavardage, ce bavardage qui « envahit le monde et sert de garantie à ce monde », qui fait office de « paravent de ce que l’on ne veut pas dire en réalité[3] », comme le soulignait Jacques Ellul.
(Ellul qui ajoutait, à propos de l’effervescence médiatique moderne :
« En même temps que l’excès du discours vain, et vide, vaste land, c’est l’excès des informations diffusées de partout concernant tout, qui stérilise totalement la qualité. Nous recevons en vrac des informations sur le stylo-bille le plus perfectionné, l’élection du pape, le mariage de Monaco, la révolte d’Iran, l’augmentation des impôts, les nouvelles possibilités de crédit, la reconversion du plus grand pollueur vers la dépollution, dix mille informations paroles dans un instant que nous ne pouvons matériellement pas entendre, nous deviendrions fous si nous devions vraiment tout prendre au sérieux, le flux de parole coule, nous laissons couler. […] Excès de mots, excès d’informations. Je dois me défendre contre ces invasions, spontanément mon esprit se ferme, je ne peux pas me laisser déchiqueter en morceaux[4]. »)
Nicolas Casaux
- https://marxists.catbull.com/archive/marx/works/1850/04/kinkel.htm ↑
- https://lagrandemue.wordpress.com/2016/10/31/chroniques-du-terrain-vague‑2/ ↑
- Jacques Ellul, La Parole humiliée. ↑
- Ibidem ↑
Source: Lire l'article complet de Le Partage