Le Premier ministre libanais annonce la démission du gouvernement.

Le Premier ministre libanais annonce la démission du gouvernement.

Le premier ministre libanais Hassan Diab a annoncé lundi soir la démission de son gouvernement, après le départ de plusieurs membres de son équipe sous la pression de la rue qui accuse la classe politique d’être responsable de l’explosion dévastatrice au port de Beyrouth.

À la tête du gouvernement depuis près de sept mois, M. Diab a fait cette annonce dans un discours à la nation six jours après l’explosion qui a dévasté le port de la capitale libanaise et une partie de la ville.

« Aujourd’hui j’annonce la démission de ce gouvernement », a-t-il dit, accusant la classe politique d’être la cause de ses échecs et dénonçant la « corruption » ayant conduit à « ce séisme qui a frappé le pays ».

Se présentant comme un indépendant, M. Diab avait été nommé premier ministre en réponse à un soulèvement populaire ayant poussé son prédécesseur Saad Hariri à la démission.

Alors qu’il commençait son discours, des heurts se déroulaient dans le centre-ville, aux abords du Parlement, pour la troisième soirée consécutive. Des manifestants lançaient des pierres et des pétards sur les forces de sécurité qui répliquaient avec des tirs de gaz lacrymogènes, selon un photographe de l’AFP.

Les manifestants réclament le renouvellement de la classe politique tout entière, accusée depuis des mois de corruption et d’incompétence. « Même avec une démission de Hassan Diab, il y a encore 128 voleurs assis au Parlement », a fustigé Layal, une manifestante. « Eux aussi doivent démissionner, sinon on reste dans le même cycle. »

La déflagration gigantesque du 4 août — qui a fait au moins 160 morts et plus de 6000 blessés — s’est ajoutée aux souffrances d’une population déjà excédée par une crise économique inédite, aggravée par l’épidémie de COVID-19.

Six jours après le drame, les autorités n’ont toujours pas expliqué pourquoi une énorme quantité de nitrate d’ammonium était entreposée au port, au beau milieu de la ville. C’est un incendie dans l’entrepôt où étaient stockées 2750 tonnes de nitrate depuis six ans, sans « mesures de précaution » de l’aveu même de M. Diab, qui a provoqué l’explosion.

Le président Michel Aoun, lui-même contesté, a rejeté l’éventualité d’une enquête internationale. Et les autorités n’ont pas communiqué sur l’enquête locale.

« “Tous” veut dire “tous” »

Face aux protestations, quatre ministres avaient déjà présenté leur démission depuis dimanche.

M. Diab avait indiqué samedi qu’il était prêt à rester dans ses fonctions pendant deux mois, jusqu’à l’organisation d’élections anticipées dans un pays dominé par le mouvement armé du Hezbollah, un allié de l’Iran et du régime syrien de Bachar al-Assad.

Les participants aux manifestations du week-end, réprimées par les forces de sécurité, ont crié « vengeance » et ont réclamé des comptes à une classe politique totalement discréditée qui n’a apporté aucune aide significative à la population après l’explosion.

Les élections anticipées ne figurent pas parmi les principales revendications de la rue, le Parlement étant contrôlé par des forces politiques traditionnelles qui ont élaboré une loi électorale calibrée pour servir leurs intérêts.

« “Tous” veut dire “tous” », ont clamé ces deux derniers jours les manifestants, appelant au départ de tous les dirigeants. Des effigies de nombre d’entre eux — notamment de Michel Aoun et du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah — ont été accrochées à des cordes de pendus lors des rassemblements.

« Une seule personne contrôle ce pays, c’est Hassan Nasrallah », a affirmé Nadim Gemayel, l’un des neuf députés ayant annoncé leur démission. « Pour élire un président, désigner un premier ministre […], il faut le feu vert et l’autorisation de Hassan Nasrallah. »

Peu d’espoir

Alors que les Libanais continuent d’enterrer leurs morts, les secouristes ont désormais perdu tout espoir de retrouver des survivants de l’explosion.

Au grand désespoir des familles des disparus qui accusent les autorités d’avoir tardé à organiser les recherches. Moins de 20 personnes sont toujours disparues selon les autorités.

« Nous réclamons la poursuite des recherches », a lancé sur les réseaux sociaux Émilie Hasrouty, dont le frère serait enseveli sous les décombres.

Dimanche soir, des habitants ont allumé des bougies sur une corniche surplombant le port, pour rendre hommage aux victimes.

Dans le même temps, des heurts ont opposé dans le centre-ville pour la deuxième journée consécutive manifestants aux forces de sécurité qui ont tiré gaz lacrymogènes et balles en caoutchouc.

Le drame a relancé la contestation populaire déclenchée le 17 octobre 2019 pour également dénoncer la corruption des dirigeants, mais qui s’était essoufflée avec la pandémie de coronavirus.

La communauté internationale, qui depuis des années réclame au pouvoir libanais des réformes et une lutte contre la corruption, a bien montré, lors d’une visioconférence dimanche coorganisé par la France et l’ONU, qu’elle ne lui faisait plus confiance.

Elle a annoncé qu’elle allait « directement » distribuer à la population les 252,7 millions d’euros d’aide aux victimes de l’explosion.

Et elle a exigé une enquête « transparente » sur les causes de la catastrophe qui a fait près de 300 000 sans-abri, auxquels le gouvernement n’a fourni aucune aide.

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