A quelques mois de l’élection présidentielle américaine, Twitter a-t-il franchi un nouveau cap dans la guerre désormais ouverte qu’il mène à Donald Trump ? Le réseau social a annoncé avoir pris des mesures drastiques afin de limiter au maximum l’influence sur la plateforme de la mouvance QAnon, dont les partisans sont de fervents supporters du président américain.
«Cette semaine nous prenons davantage de mesures contre l’activité dite « QAnon »», explique ainsi le réseau social dans un message, affirmant vouloir de cette manière lutter contre «les comportements ayant le potentiel de causer des torts dans la vie réelle».
We’ve been clear that we will take strong enforcement action on behavior that has the potential to lead to offline harm. In line with this approach, this week we are taking further action on so-called ‘QAnon’ activity across the service.
— Twitter Safety (@TwitterSafety) July 22, 2020
Concrètement, 7 000 comptes liés à QAnon ont dores-et-déjà été supprimés et, au total, ce sont 150 000 comptes qui devraient être affectés, selon un porte-parole de Twitter. «Nous suspendrons définitivement les comptes diffusant des tweets sur ces sujets», poursuit Twitter, notant que les comptes concernés s’étaient «livrés à des violations de [la] politique multicompte», s’étaient rendus coupables de «harcèlement coordonné et ciblé», ou avaient tenté «d’échapper à une suspension précédente».
Surtout, l’entreprise de la Silicon Valley explique qu’elle ne permettra plus «aux contenus liés à QAnon» d’être en tendance sur le site et censurera «le partage des URL associées à QAnon».
QAnon, la cyber-armée de Donald Trump
Mais alors, que sont les «contenus liés à QAnon» dont Twitter cherche à limiter la propagation ? Difficile à dire tant les problématiques abordées par le mouvement sont variées. Selon la théorie de ses partisans, «Q» serait un haut responsable gouvernemental, proche de l’équipe de Donald Trump, qui communiquerait anonymement avec le public afin de partager des informations sensibles. Leur thèse principale se résume au combat que mènerait Donald Trump contre une vaste et secrète organisation criminelle, qui disposerait de plusieurs entités travaillant ensemble pour asseoir sa domination.
Dans ces entités, selon la théorie du mouvement QAnon, les Rothschild ou encore le milliardaire George Soros, via ses fondations, joueraient un rôle clé. Les Clinton, les Obama et la vieille garde du camp républicain seraient quant à eux le visage politique de l’organisation aux Etats-Unis, qui disposerait d’importants relais au sein des agences de renseignement, mais aussi dans les médias mainstream, croient les partisans de «Q». Pour s’assurer de l’obéissance des acteurs de ce réseau, ses têtes pensantes n’hésiteraient pas, entre autres, à les faire chanter. Ce dont témoignerait, selon les membres du mouvement QAnon, l’affaire Jeffrey Epstein : le financier aurait eu dans cette optique pour tâche principale de récolter des dossiers compromettants sur des personnalités publiques.
C’est à travers ce prisme que les partisans de «Q» lisent les combats politiques et médiatiques concrets de Donald Trump. Considérant être dans une «guerre de l’information», ils mènent sans relâche la contre-offensive sur les réseaux sociaux. L’exemple le plus frappant étant probablement l’activisme du mouvement au plus fort de la soi-disant «collusion russe», cette affaire martelée des mois durant par le camp démocrate autant que par l’immense majorité des médias américains, qui s’est conclue par la publication d’un rapport – le fameux rapport du procureur spécial Robert Mueller – concluant à l’absence d’éléments prouvant cette thèse. Y voyant une tentative de l’«Etat profond» de nuire à Donald Trump, les partisans de «Q» n’ont eu de cesse de déconstruire la version présentée par les médias, partageant avec une efficacité redoutable les éléments attestant, selon eux, d’un coup monté.
Une narrative bien différente s’est alors dessinée, à laquelle répondait en écho Donald Trump lui-même. Le terme «Obamagate» par exemple, utilisé par le président américain en mai dernier pour suggérer l’implication de Barack Obama dans la création de la thèse de la collusion russe, avait été discuté par les partisans de «Q» avant que le chef de l’Etat ne l’emploie.
En cherchant à censurer les «contenus liés à QAnon», Twitter s’attaque donc de fait à une puissante arme médiatique dont disposait le locataire de la Maison Blanche.