L’IA, splendeur et prudence

L’IA, splendeur et prudence

L’IA, splendeur et prudence

CAROLLE ANNE DESSUREAULT :

L’intelligence artificielle trace son sillon un peu partout. Même dans le domaine artistique.

Grâce à ces GAN (réseaux antagonistes génératifs), algorithmes inventés en 2014 par Ian Goodfellow, – alors chercheur à l’Université de Montréal – devenus si populaires qu’on parle même de « ganisme » comme d’un nouveau courant artistique, – justement beaucoup d’artistes les utilisent pour concevoir des poèmes, des tableaux, des pièces musicales et même des scénarios de films.

D’où vient le mot algorithme ? D’un mathématicien perse du IXe siècle, Al-Khwârizmî (en arabe : الخوارزمي). Au xiiie siècle, algorithme signifiait l’arithmétique avec les chiffres arabes. Il a aussi signifié un calcul (arithmos en grec) si long et difficile à faire la main qu’il en devenait douloureux, d’où le mot algos qui signifie douleur en grec.

On peut dire maintenant – en langage vulgarisé et très simplifié – que c’est l’aptitude des ordinateurs à apprendre par eux-mêmes à partir de centaines d’exemples, et à créer de nouveaux contenus en imitant les règles apprises. On retrouve les algorithmes dans de nombreuses applications, telles que le fonctionnement des ordinateurs, la cryptographie, le routage d’informations, le traitement d’images, traitement de texte, la bio-informatique, etc.

Pour revenir au domaine artistique, il y a le tableau intitulé Portrait d’Edmond de Belamy créé par Pierre Fautrel, un des membres du collectif français Obvious, qui a fait beaucoup parlé de lui et qui a beaucoup intrigué !

Imaginez, le tableau a été vendu en 2018 par la maison Christie’s à New York à plus de 430 000 $ US et comme signature, une formule mathématique à la place d’un nom.

Pierre Fautrel, membre du collectif français Obvious, a supervisé la création du Portrait d’Edmond de Belamy, conçu grâce à un algorithme.

PHOTO : AFP/GETTY IMAGES / TIMOTHY A. CLARY

Comment s’est bâti ce tableau qui ressemble à s’y méprendre aux tableaux du 15e siècle ? Les membres d’Obvious ont fourni à leur machine quelques 15 000 tableaux du 14e au 20e siècle pour qu’elle apprenne l’art du portrait ! Après toutes sortes de combinaisons des algorithmes, ils ont produit onze portraits tout neufs et ont ainsi créé toute une famille fictive, nommée Belamy en l’honneur de Ian Goodfellow (entendre en français Bel Ami, traduction de Goodfellow).

Est-ce qu’une toile créée par l’intermédiaire d’un logiciel d’intelligence artificielle est une œuvre d’art ? Celui qui a conçu le portrait, Pierre Fautrel, explique qu’il a créé l’œuvre avec l’intention de démocratiser la création par l’intelligence artificielle. Il considère que même si l’algorithme a créé l’image, c’est lui qui en a eu l’intention.

L’artiste numérique montréalais bien connu, Marc-André Cossette, associe la création sonore au spectacle vivant en danse urbaine. Il compose sa musique électronique à l’aide d’un système qui déchiffre les mouvements des danseurs et crée en temps réel des sons inspirés par la position des corps. Ça semble simple à l’écrire en deux lignes. Mais, qu’on ne s’y trompe pas. M. Cossette possède une forte compétence en informatique pour pouvoir manœuvrer dans l’univers des algorithmes. Il détient une maîtrise en media expérimental de l’Université du Québec à Montréal et est présentement candidat au doctorat à Concordia. Depuis 2016, il est membre du réseau Hexagram où il occupe le poste de créateur de la programmation.

L’intelligence artificielle et ses limites

André-Louis Paré, le directeur et rédacteur en chef du Devoir a publié un article en février dernier sur les limites de l’intelligence artificielle, et surtout, sur la prudence dans de fausses attentes, car il ne faudrait pas voir l’IA comme une panacée pouvant surmonter nos problèmes humains. L’IA a aussi sa part de pour et de contre, tout comme chaque nouvel apport technologique qui génère des situations ambivalentes dans la société.

Est-ce que l’IA pourra penser un jour à notre place ? À ma place ? Je préfère que non. Ma capacité à penser et à créer me semble mon plus grand outil. Elle touche à ma conscience.

D’ailleurs, certains penseurs, comme Bernard Stiegler, s’inquiètent des répercussions de l’IA, par exemple, sur le marché de l’emploi ou de la confidentialité des données. Résultant d’une réflexion approfondie de chercheurs et de citoyens sur les défis de l’IA, la Déclaration de Montréal pour un développement responsable de l’intelligence artificielle (2018) tente justement de rassurer le public en soutenant que cette nouvelle technologie doit toujours demeurer au service du bien-être commun.

Même si la recherche dans le domaine de l’IA avance à grands pas et réduit la distance entre le naturel et l’artificiel, l’éthique demeure primordiale.

Il est certain que nous évoluons dans un environnement où il est devenu impossible de penser, de réfléchir et de créer sans l’IA. Je crois qu’il ne faut pas oublier que créer va au-delà des réponses découlant d’un réseau de données. Utiliser le langage codé de l’information, son savoir-faire, en vue de mieux vivre notre présent dans le savoir-être.

Sources :

Québec Science – juin 2020

Le Devoir, André-Louis Paré, février 2020

Wikipédia

Source: Lire l'article complet de Les 7 du Québec

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