1984 reflète effectivement l’expérience propre d’Orwell : son emploi à compter de 1941 aux services indiens de la B.B.C., où il a sciemment, et en contradiction apparente avec ses propres convictions, participé à la propagande de guerre alliée.
Avant-guerre, Orwell défend aussi longtemps que c’est tenable des positions pacifistes socialistes. En octobre 1938 il cherche encore à faire publier un pamphlet contre la guerre (quelques exemplaires miméographiés auraient été distribués). Ce texte est à ce jour introuvable, alors qu’Orwell lui-même collectionnait les pamphlets politiques (la collection, léguée par sa veuve, figure au catalogue de la librairie du British Museum).
Dès 1939, il s’oppose fermement aux pacifistes qu’il raille comme planqués par la Royal Navy. Ce « revirement » apparent n’est pas forcément contradictoire : il faut choisir son camp.
A la B.B.C., il était idéalement placé pour observer la fabrique des nouvelles plus ou moins falsifiées quotidiennement. On sait aussi qu’il a visité l’Allemagne dans l’immédiat après-guerre.
Jusqu’à sa mort, il s’intéressait aux récits concentrationnaires, et a parfois fait part d’un scepticisme peu consensuel à ce sujet.
1984 est un monde en guerre perpétuelle où l’on n’échappe donc pas au mensonge. Un monde immoral, où la fin justifie les moyens, mais surtout, où l’impossibilité d’une introspection véritable a pour conséquence, plus que la soumission au formidable appareil de surveillance-délation-manipulation, l’intériorisation de son discours perpétuellement diffusé. C’est un reflet des années d’enfer moral que son auteur vient de traverser et qu’il voit se perpétuer sous une forme ou une autre dans le futur.
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