Jean-Paul II, qu’as-tu fait de ton baptême ?

Jean-Paul II, qu’as-tu fait de ton baptême ?

Nous célébrons aujourd’hui le centenaire du baptême de Jean-Paul II. C’est l’occasion pour revenir sur un pape aujourd’hui saint, dont les grandes entreprises suscitent encore aujourd’hui la réflexion. 

Je l’avoue, depuis la dernière année, je m’intéresse beaucoup aux anniversaires de baptême. Sans doute parce que pour la première fois, je suis parrain (deux fois plutôt qu’une, salutations à Caterina et Klara !) et que j’ai été particulièrement interpelé par cette homélie lors de mon dernier passage à Paris.

20 juin 2020. Nous célébrons aujourd’hui le centenaire de l’anniversaire du baptême de Karol Józef Wojtyła.

Quel heureux prétexte pour parler de sainteté, alors que ce sacrement lui est si intimement lié. Le pape François nous le rappelait en 2018, en conclusion d’une série de catéchèses sur le sujet : « Laisse la grâce de ton baptême porter du fruit dans un cheminement de sainteté. Permets que tout soit ouvert à Dieu et pour cela choisis-le, choisis Dieu sans relâche ».

Est-ce que Jean-Paul II tient une quelconque responsabilité dans la crise actuelle que vit l’Église ? Aucun doute dans mon esprit. Je ne peux toutefois m’empêcher de voir le lumineux dominer largement son pontificat et ne remettre aucunement en question le bienfondé de sa canonisation.

J’ai déjà pris la plume et le micro à l’occasion des 100 ans de la naissance du futur Jean-Paul II. Une occasion pour moi de rappeler mon affection pour ce pape venant du pays où j’ai déménagé avec ma famille en aout dernier, tout en rappelant l’importance de ne pas angéliser son pontificat. Sainteté ne rime pas avec perfection, bien entendu.

Deux visions

J’écris de nouveau sur Jean-Paul II, car en observant les sorties de livres pour souligner cet anniversaire, des visions diamétralement opposées se rencontrent. À titre d’exemple, je vous en présente deux :

a) celle de Christine Pedotti et Anthony Favier. Elle est écrivaine, journaliste, éditrice et directrice de la revue Témoignage Chrétien. Il est historien du genre et de la religion. Ensemble, ils ont écrit Jean-Paul II, l’ombre du saint, qui a été largement couvert par la presse française.
Pour eux, cet anniversaire est l’occasion d’un devoir d’inventaire dont le verdict est sans appel : Jean-Paul II a une lourde responsabilité dans la crise que vit l’Église.

En 2019, Mme Pedotti lançait un appel à sa décanonisation.

b) celle d’Yves Semen. Il est président et fondateur de l’Institut de théologie du corps, professeur à la Faculté libre de philosophie (IPC). Il a écrit Saint Jean-Paul II, aux Presses de la Renaissance, quasi ignoré dans les médias. Pour lui, le siècle nous séparant maintenant de la naissance de ce grand pape est l’occasion de se rappeler l’actualité de son héritage.

M. Semen lance un appel à ce que Jean-Paul II puisse être reconnu docteur de l’Église.

Visions opposées vous disais-je ?

Je ne ferai pas la recension des deux ouvrages qui expriment bien les tensions qui animent l’Église catholique depuis les premiers chrétiens. Pas de surprise ici. Je désire simplement vous partager quelques observations.

J’ai déjà abordé le second ouvrage dans un texte paru dans Le Quotidien. (Je serai donc plus bref à son endroit.) 

Célébrer un héritage

Le texte d’Yves Semen est écrit comme l’on souligne le centenaire de la naissance de notre grand-père. Dans ce contexte, les circonstances ne se prêtent pas à une critique de son héritage, mais à une célébration d’une vie qui rappela au monde que l’amour de Dieu est avant tout un amour de miséricorde. 

J’avoue me retrouver plus dans cette approche. Pour ce qui est de déclarer Jean-Paul II docteur de l’Église, proposition soutenue également par les évêques de Pologne, j’espère que l’Église prendra un long temps de discernement. Je respecte le choix de la canonisation rapide, mais je suis dans le camp qui apprécie les vertus de la patience (tag à tous les couples qui ont choisi librement les méthodes naturelles de planification des naissances !).

L’approche critique

Ma préférence pour ce livre ne m’empêche pas de saisir les mérites d’une approche plus critique. Dans sa tournée médias, Christine Pedotti ne cesse toutefois de rappeler que 15 ans après la mort de Jean-Paul II, il était maintenant temps de faire cet inventaire, qui n’aurait jamais eu lieu. Pourtant, ces reproches au pape ont déjà été faits à maintes reprises, pendant son pontificat, à sa mort, puis en amont et en aval de sa canonisation. Si l’enseignement traditionnel de l’Église catholique sur une foule de sujets vous déçoit, bien sûr que le pontificat de Jean-Paul II ne répondra pas à vos attentes.

Je le dis sans complexe, je suis en paix profonde avec cet enseignement, décliné dans le catéchisme de l’Église catholique désiré par Jean-Paul II en 1992. Il mérite encore notre lecture, tout comme son compendium et la grande famille YOUCAT et DOCAT, déclinée pour les jeunes sous la direction du cardinal Christoph Schönborn.

Cette paix s’accompagne aussi d’une ouverture à faire mieux.

Je suis reconnaissant envers les auteurs de L’ombre de Jean-Paul II de rappeler le legs inestimable du pape polonais dans nos relations avec le monde juif. Le chapitre sur Marcial Maciel (qualifié à juste titre de Tartuffe) nous rappelle à quel point il a réussi à berner tant de personnes au Vatican, à l’exception du futur Benoît XVI. 

Toutefois, Christine Pedotti ajoute en entrevue : « Jean-Paul II a instauré une raison d’Église comme une sorte de pendant de la raison d’État. Il était au courant des abus, mais il les a rangés parmi les dégâts collatéraux. » Là, je décroche. Toute la vie de Jean-Paul II nous démontre qu’il n’aurait pu agir sciemment de la sorte. La défense de la dignité de chaque être humain, au nom de Jésus-Christ, était pour lui non négociable.

Les échos du pape François

Est-ce que Jean-Paul II tient une quelconque responsabilité dans la crise actuelle que vit l’Église ? Aucun doute dans mon esprit. Je ne peux toutefois m’empêcher de voir le lumineux dominer largement son pontificat et ne remettre aucunement en question le bienfondé de sa canonisation.

Ce texte devrait se terminer avec un souhait d’avoir le point de vue du pape François sur plusieurs des enjeux soulevés dans les deux livres. D’autant plus que L’ombre de Jean-Paul II tente de mettre le pape argentin à maintes reprises en opposition avec son prédécesseur. Selon les auteurs, son absence de sourire pendant la liturgie de canonisation de Jean XXIII et Jean-Paul II serait même un indice de sa désapprobation du geste pour le second…

Quelle belle surprise de découvrir cette semaine le livre Saint Jean-Paul II Le Grand – Les confidences du pape qui a canonisé Jean-Paul II, aux éditions MAME. Entrecoupé de rappels biographiques, un livre-entretien du jeune prêtre italien Luigi-Maria Epicoco avec le pape « pour comprendre la continuité entre ces deux grandes figures du Vatican et saisir comment le pape François souhaite construire à partir des enseignements de son prédécesseur. »

Je suis vraiment reconnaissant pour cet ouvrage, moi qui me retrouve souvent à défendre le pape François lorsqu’on le critique injustement. En voici quelques extraits : 

« Il y a toujours le risque de laisser de côté le kérygme et d’idéaliser la culture. Mais le grand défi de l’évangélisation est de sauver le kérygme et de trouver toujours le juste alphabet pour pouvoir le raconter. » 

« Je suis convaincu que le célibat est un don, une grâce, et en marchant dans le sillage de Paul VI, de Jean-Paul II et de Benoît XVI, je sens fortement le devoir de penser au célibat comme une grâce déterminante qui caractérise l’Église catholique latine. Je le répète : c’est une grâce, pas une limite. »

« On comprenait alors que ce n’était pas sa fermeture vis-à-vis de certaines initiatives qui guidaient ses clarifications (sur la théologie de la libération), mais sa tentative de conserver l’authenticité de l’Évangile dans ses intuitions et ses désirs. Même s’ils étaient licites, s’ils venaient de la base, de situations d’injustice sociale, ils avaient cependant besoin d’être relus davantage à la lumière de l’Évangile qu’à la lumière de l’analyse marxiste ».

« C’est un grand ! Je me souviens en particulier d’une fois, ici à Rome. C’était un samedi, on priait le chapelet. En participant au chapelet, je suis resté édifié de voir cet homme prier la Vierge Marie à genoux, avec une dévotion et une intensité qui m’ont fait beaucoup de bien au cœur. C’est pour cela que j’ai voulu faire moi aussi, des déclarations au procès de canonisation… »

* * *

Tout en revisitant en vérité les parcours imparfaits des saintes et des saints, reconnus ou pas, ayons en tête l’attitude que nous propose régulièrement François : « N’ayons pas peur de la joie ».

40 ans après son fameux discours au Bourget (1er juin 1980), en cette fête du Cœur immaculé de Marie qu’il aimait tant, je me permets de remercier Jean-Paul II d’avoir été fidèle aux promesses de son baptême. Dziękujemy !


Heureux que Le Verbe existe ? Notre équipe vit d’amour, d’eau fraiche… et de café. Merci de nous aider en nous offrant l’équivalent du prix d’un café par jour !

Source: Lire l'article complet de Le Verbe

À propos de l'auteur Le Verbe

Le Verbe témoigne de l’espérance chrétienne dans l’espace médiatique en conjuguant foi catholique et culture contemporaine.Nos contenus abordent divers sujets qui émergent de l’actualité. Et, puisque nous souhaitons que nos plateformes médiatiques suscitent le dialogue, on espère bien y croiser autant des réactionnaires pleins d’espérance que des socialistes chrétiens, autant des intellectuelles mères au foyer que des critiques d’art en bottes à cap.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Recommended For You