Il aura fallu 4 jours à la 6e puissance économique mondiale pour interdire à la plus grande partie de sa population de sortir de chez elle. Le déconfinement, quant à lui sera bien plus long, et très certainement assorti de nombreuses limitations aux libertés que nous connaissions auparavant, des libertés qui restent fondamentales (quoi qu’en disent les thuriféraires de l’hygiénisme qui veulent réduire une société humaine aux seules préconisations sanitaires) pour un régime dont la qualification de démocratique est sérieusement malmenée par nos dirigeants (ceux-là même qui théoriquement devraient être les garants et les gardiens des libertés fondamentales de chacun)…
Le Premier Ministre a annoncé « la fermeture effective de tous les lieux publics non indispensables à la vie du pays » le 14 mars 2020. Mais il était encore possible de se déplacer librement, puisque le gouvernement a pris la décision politique de maintenir le premier tour des élections municipales du 15 mars. L’objectif ne consistait pas alors à privilégier la sécurité sanitaire, puisque 47,7 millions de Français étaient appelés à se croiser dans les bureaux de vote. Bien qu’un certain nombre de précautions aient été prises contre le coronavirus, à grands renforts de déclarations tranquillisantes par l’habituelle caste de commentateurs médiatiques, le gouvernement ne pouvait ignorer qu’il créait une multitude de « clusters » propagateurs de la maladie, au même titre que le rassemblement évangélique de Mulhouse. Par contre aucun journal n’a titré sur la « bombe atomique » que représentait la concentration des électeurs1, et même si l’exercice statistique est complexe, aucune prospective chiffrée n’a été publiée sur le nombre de personnes contaminées à cause de ces élections. Seules des déclarations individuelles de maires et d’assesseurs, et elles furent nombreuses, ont fait l’objet de témoignages sur les réseaux sociaux et furent reprises par quelques médias nationaux2. Le lendemain de cette désillusion électorale, après l’intelligente et salutaire abstention de très nombreux Français, l’allocution du Président de la République du 16 mars institue « l’état de guerre sanitaire » et le confinement généralisé d’une grande majorité de la population à partir du 17 mars 2020.
Quels enseignements peut-on déjà retirer de ces 4 jours ?
Tout d’abord qu’un gouvernement dit démocratique peut obliger avec succès ses citoyens à renoncer à leur liberté de mouvement en un temps extrêmement bref. La menace invisible (mais bien réelle) du virus secondée par l’étalage du bras armé que constituent la police et la gendarmerie et le déploiement d’instruments de coercition expérimentés en temps réel et en grandeur nature (permissions de sortie, drones, hélicoptères, barrages, etc.) démontre à l’évidence que les individus doivent obligatoirement être dociles, soumis, serviles, voire aliénés dans leur relation au pouvoir politique et au système économique qu’il représente. Les aliénés étant celles et ceux qui dénoncent leurs voisins, qui exigent le départ des infirmières de leur immeuble par crainte d’être contaminés3, qui tabassent impunément des gens n’ayant pas leur « permission de sortie », qui verbalisent des SDF, la nostalgie psychogénéalogique du régime de Vichy, etc. L’aliénation est ici sociale, la dépossession librement consentie d’une partie de sa pensée et de ses actes au profit de la caste dirigeante, laquelle a réussi à manipuler ces individus en leur faisant croire qu’ils détiennent une vérité supérieure. Dans ce contexte, l’aliénation consiste à « être l’allié de ses propres fossoyeurs » comme l’énonce Milan Kundera dans L’immortalité.
On peut ensuite observer que contrairement aux déclarations sur la priorité absolue de la crise sanitaire, la géométrie de la gestion de la crise est à dimensions plurielles dont la variabilité dépend de la confrontation d’enjeux souvent contradictoires. Ces incompatibilités ne sont en rien le fait du hasard ou de l’incompétence (quoique…), elles sont inhérentes au fonctionnement d’une société qui se déclare moderne et progressiste alors qu’elle ne fait que gérer ses incohérences fondamentalement destructrices afin de ne pas s’écrouler (et comme nous allons le voir plus loin, ce phénomène s’accentue davantage encore avec le déconfinement).
Ces quelques considérations préliminaires nous mènent à la perversion narcissique érigée comme un système de gouvernance. Le pervers narcissique n’est plus seulement un individu isolé, mais son type de comportement déviant peut également imprégner l’ensemble de la caste dirigeante de certains pays. Dans L’Antéchrist de Nietzsche, « là où la volonté de puissance fait défaut, il y a déclin ». La volonté de puissance a toujours constitué l’une des principales caractéristiques du pouvoir politique des civilisations sédentaires, urbaines, et ayant des frontières délimitées. Un pays a l’obligation de progresser, de produire toujours davantage de richesses, sous peine de décliner ou d’être dominé (notamment économiquement) par d’autres. Les gouvernants (qu’ils s’imposent par la force, par transmission familiale, ou par des élections) se doivent de symboliser le sommet hiérarchique de ce système. Ce fonctionnement est devenu majoritaire au point de croire qu’il n’en existe pas d’autre. L’idée même de remise en cause de ces mécanismes est quasiment inexistante. Les rares tentatives qui réfléchissent à la régulation de la volonté de puissance, aux possibilités d’établir une société équilibrée basée sur d’autres modalités que la hiérarchisation sociale sont qualifiées d’utopistes. Elles sont accusées avec une arrogance doublée d’ignorance de provoquer le désordre, la confusion, le chaos, de « revenir à l’âge de la bougie ». Alors qu’en même temps la civilisation basée sur le progrès technique qui asservit bien plus qu’il ne libère, sur l’exploitation chaotique et destructrice des êtres et des ressources, sur un profit économique qui bénéficie à quelques démiurges, cette merveilleuse civilisation donc s’efforce de colmater les brèches de plus en plus nombreuses et béantes dont elle est elle-même responsable pour essayer de ne pas s’effondrer sous son propre poids. La seule volonté de puissance, celle qui intrinsèquement engendre le contrôle et la domination, ne suffit plus à diriger certains pays. Le règne hégémonique de certains gouvernements ayant adopté la volonté de puissance connaît depuis peu une évolution adaptative, pour aller encore plus loin, vers une surveillance généralisée de la vie privée et une emprise absolue sur les individus allant jusqu’à conditionner et uniformiser leurs modes de pensée. Pour déployer cette adaptation encore plus vicieuse du pouvoir il devient nécessaire de contrôler les citoyens par la systématisation d’un double langage (les fameuses fake news de Trump, dont la communication inverse constamment les mensonges et la réalité factuelle jusqu’à induire le déni comme une valeur morale à même de changer un parfait abruti en homme puissant et prestigieux ; une utilisation fréquente de la novlangue, des biais de langage destinés à créer de la confusion tout en entretenant le sentiment d’appartenance à l’élite) et de doubles contraintes permanentes. Il s’agit là de garder les populations en otage en installant une menace diffuse mais perpétuelle sur les faits et gestes de chacun, une épée de Damoclès institutionalisée. On va vous déconfiner, mais on prévoit un plan de reconfinement. On ouvre les écoles, mais les enfants doivent être conditionnés pour respecter la « distanciation sociale ». Comme il manque de la place, du coup seule une petite partie des élèves aura le privilège de retourner à l’école. Le déconfinement va durer longtemps, on fait ça pour sauver des vies mais on en profite pour passer des lois liberticides et pour supprimer des mesures protectrices de l’environnement. Etc. Ainsi, la volonté de pouvoir « classique », contenant déjà en elle-même la hiérarchisation entre les êtres et l’organisation de la société humaine en classes ou castes, manifeste un glissement vers des fonctionnements toujours plus pathologiques révélés au grand jour par une pandémie (ce qui ne manque pas d’ironie, mais qui relève aussi d’une certaine logique).
Cette notion de désordre psychologique est devenue une véritable mode dans certains milieux, et elle a donc été déformée et appliquée un peu n’importe comment à n’importe qui. Ce qui a naturellement pour conséquence de dénigrer la notion avec une facilité méprisante et de renchérir avec la dédaigneuse calomnie propre à certains professionnels de la communication. Pour autant, le pervers narcissique existe et son influence pathologique pourrit la vie quotidienne de personnes facilement prises en otage, alors qu’il leur sera très difficile de récupérer leur vie d’avant.
Un pervers narcissique est avant tout un manipulateur. Il utilise toute son intelligence, stratégique et tactique, pour exploiter sa ou ses proies afin de la (ou les) maintenir sous une totale emprise. Son intelligence, rationnelle et opportuniste, est d’abord employée à séduire pour s’appliquer à mieux détruire, car son but –inconscient- est d’affirmer sa supériorité de prédateur pour annihiler la victime qu’il s’est choisie. Il est dissocié de ses émotions, et parfois de son corps, n’éprouve aucune empathie pour fonctionner de manière mécanique avec une rationalité calculatrice et glacée. Maniaque, il s’enrobe de toute-puissance et s’empare des biens matériels de sa proie. Il commence par séduire en valorisant les qualités de sa victime, mais une fois sa cible mystifiée et éprouvant en retour une sorte d’addiction fascinée, peu à peu le discours loquace du pervers narcissique se substitue à l’existence de l’autre et c’est alors que commence son travail de sape et de destruction, brique après brique, sans jamais se relâcher. Lorsqu’il est mis face à ses agissements, le pervers narcissique aura une attitude adaptative de victimisation, et souvent la victime deviendra l’accusé. Il est aussi extrêmement rare qu’un pervers narcissique accepte de se remettre en question, il n’admettra aucun remords ni aucune responsabilité4.
Le gouvernement s’est tout d’abord montré pédagogique, arguant de sa transparence et de sa volonté primordiale de sauver des vies. On peut légitimement saluer cette phase de séduction. Il a valorisé le monde médical en l’honorant du piédestal du Sauveur, après plusieurs décennies de coupes budgétaires appelées « rationalisation budgétaire » en novlangue5, de fermetures d’hôpitaux, de désertification médicale des régions, en fonctionnant en flux tendu selon les préceptes de la doxa néo-libérale, de diminution de la recherche portant notamment sur les virus, en mécanisant soignants et soignés, en permettant les délocalisations en Chine d’une industrie pharmaceutique pourtant vantée comme l’un des fleurons économiques du pays, en faisant intervenir CRS et gendarmes mobiles ayant reçu l’ordre de matraquer et de gazer le personnel médical lors de leurs manifestations pour qu’ils saisissent leur peu d’importance et pour les faire rentrer dans le rang.
Très vite, les Français se sont cependant aperçus que quelque chose clochait. La question de l’absence de masques, l’incurie du dépistage, ont donné lieu à un flot continu de cafouillages et de mensonges gouvernementaux. Ces questions ne sont toujours pas résolues puisqu’il n’est pratiquement pas possible d’avouer son ignorance pour une institution, pour certains corporatismes, pour des « experts » paradant avec leur fausse gravité de circonstance de sur-diplômés affichant en réalité leur bêtise et leur vassalité. Les médias serviles se sont extasiés en boucle pendant plusieurs jours sur le montage par des militaires d’une tente de trente lits6, alors qu’ailleurs d’immenses bâtiments étaient aménagés avec des centaines de lits. Les vieilles habitudes de manipulation avaient indéniablement repris leur lénifiant cours quotidien. Les détournements de la réalité ont été trop nombreux, et sont loin d’être terminés, pour ne serait-ce qu’en donner quelques aperçus. En lisant ces lignes, chacun trouvera sans la moindre difficulté plusieurs exemples pour illustrer cette méthodologie récurrente. Ils ont été individuels, comme le Préfet de Police de Paris, qui a fait son coming out d’apprenti pervers narcissique7, et ils ont été institutionnels, comme l’interdiction d’importer des masques non normés alors que des milliers de respirateurs cette fois conformes aux normes bureaucratiques étaient inutilisables à la suite d’une erreur administrative sur le choix du modèle8.
Le confinement généralisé a eu l’avantage de ne pas saturer les capacités hospitalières subsistant malgré l’indigence et l’impréparation face à une pandémie, qui était pourtant prévisible puisque plusieurs institutions internationales avaient alerté les gouvernements mondiaux à plusieurs reprises et depuis plusieurs années9 (9). Des épidémies qui se propagent avec une grande rapidité et qui proviennent directement de la mondialisation des échanges grâce à la multiplication des moyens de transport, à un réseau de plus de cent mille avions circulant chaque jour (50 000 voyageurs, 55 000 de fret). « Les contagions, qui existaient auparavant, sont amplifiées par le fait que nous sommes extrêmement nombreux, et extrêmement connectés » comme le précise Kate Jones (chaire d’écologie à l’University College de Londres)10. Le gouvernement se sert de l’état de guerre sanitaire qu’il a lui-même institué pour en profiter comme une opportunité, le territoire français étant devenu un laboratoire pour expérimenter la diminution des libertés autrefois considérées comme fondamentales, pour instaurer un Etat d’exception permanent lui permettant de prendre par simples décrets des mesures attentatoires au droit commun qui n’ont qu’un rapport lointain avec la pandémie, pour mettre en place un système répressif utilisant les derniers instruments technologiques. Il suffit que quelque maire paranoïaque ait l’idée d’utiliser des drones pour surveiller ses plages ou ses rues avec succès, pour que l’Etat commande immédiatement 650 drones. Il y a des domaines où les restrictions budgétaires ne sont pas applicables. Et c’est aussi là que l’on retrouve notre pervers narcissique : le ministère de l’Intérieur assure toutefois que la commande n’a rien à voir avec l’actualité : « Cet appel d’offres est sans lien avec la situation sanitaire actuelle, l’expression de besoin et les spécifications techniques ayant été consolidées au cours du second semestre 2019.11 »
Le traçage numérique à l’aide d’applications sur smartphones avait tout d’abord été écarté par le pouvoir. Comme il n’y a eu que relativement peu de réaction populaire négative et comme d’autres pays avaient réussi à instaurer cette mesure, l’État français a considéré que le tracking de ses citoyens pouvait constituer une aubaine en tant qu’instrument de contrôle sécuritaire supplémentaire, mais aussi comme une opportunité économique. Les informations recueillies par les applications de traçage sont censées être anonymes et détruites, s’il faut en croire les belles déclarations d’intention ministérielles. C’est oublier un peu vite qu’Edward Snowden a souligné qu’il était impossible de faire disparaître totalement les données numériques enregistrées, qu’elles relèvent en quelque sorte peu ou prou du domaine public. Pour l’instant, le traçage numérique est basé sur le volontariat et trop de difficultés techniques et sociales empêchent la possibilité d’une mise en œuvre obligatoire. Cependant une fois mises en place, on sait que les mesures liberticides ne sont jamais abandonnées et connaissent des phases progressives de développement dont les sursauts sécuritaires s’aggravent au fur et à mesure des nouvelles périodes de crise12 (12). Le traçage pourrait facilement se transformer en traque.
Pour une gouvernance pathologique la tentation est grande de s’inspirer du régime dictatorial chinois, et les limitations que l’on nous impose nous pressent tous dans un tel goulot d’étranglement que les dirigeants français nous précipitent toujours davantage vers une forme de « crédit social » à la chinoise de notation comportementale des individus. Les corbeaux et autres délateurs ne s’y sont pas trompés. Les Chinois non plus lorsqu’ils vantent l’efficacité de leur gestion de la crise du Covid19 pour en retirer des bénéfices géopolitiques, s’ajoutant au dragon économique des Grandes Routes de la Soie qui se faufile vers les richesses des innovations européennes et vers les terres nourricières et riches en minéraux de l’Afrique. Que l’on saccage au passage les espaces naturels, que l’on éradique de nombreuses espèces vivantes sauvages n’a pas la moindre importance lorsqu’il s’agit de rationnaliser la rentabilité économique, lorsque les modèles mathématiques dictent l’évolution du genre humain. Jean-Pierre Raffarin a bien reconnu les similitudes rapprochant la France et la Chine, la manipulation systémique, la volonté de puissance dénuée de la moindre empathie, leurs peuples considérés avant tout comme des travailleurs déshumanisés soumis à l’autorité souveraine d’une caste de parasites. Mais lui, comme d’autres hommes politiques, est positivement fasciné par ce qu’il considère comme un modèle d’efficacité et de rentabilité. Toujours la même rengaine qui valorise les aspects les plus déshumanisants et qui s’aveugle volontairement sur l’emprisonnement de masse des Ouïghours, sur l’invasion et l’assimilation forcée des Tibétains, sur les arrestations arbitraires.
La start-up nation rêvée par notre actuel Président de la République connaît une formidable expansion grâce au confinement. L’explosion du télétravail est particulièrement significative à cet égard, passant de 28 % avant la pandémie à 41 % actuellement13. Auparavant, malgré les centaines de milliers de personnes cherchant à trouver de nouveaux instruments technologiques suffisamment consommateurs de bande passante et de données, le déploiement de la 5G était ralenti et prenait du retard. Car depuis déjà plusieurs années les industriels avaient convaincu les technocrates qu’il fallait d’abord déployer les infrastructures permettant la 5G, et dans un second temps trouver les outils justifiant l’installation de cette technique. Avec la crise du Covid19, l’accélération du télétravail et la scolarité par l’intermédiaire des outils informatiques, et plus généralement le recours massif à internet, sont devenus les faire-valoir justifiant la 5G. La loi d’urgence du 25 mars 2020, suivie d’une ordonnance du 26 mars 2020, permet l’installation des antennes-relais en assouplissant considérablement les procédures. Bien que la 5G (ce qu’on appelle actuellement 5G n’est en fait qu’une amplification des fréquences de la 4G, le recours aux ondes millimétriques, qui est la « véritable » 5G, ne sera mise en place que plus tard, en s’appuyant sur les antennes-relais pré-édifiées, et les satellites envoyés par Elon Musk) n’existe encore en France que dans quelques zones tests, la construction d’antennes-relais sans aucune entrave réglementaire poursuit un objectif qui concorde parfaitement avec un maillage très dense voulu à la fois par les industriels du secteur et par l’État. On construit des antennes-relais et on détruit des arbres centenaires, mais on ne fait jamais l’inverse. Alors bien sûr des journalistes-laquais se sont emparés du discours de quelques complotistes dont la vision déformée a établi une relation de cause à effet entre le Covid19 et le rayonnement des antennes 5G, ce qui ridiculise « en même temps » la grande majorité de personnes, non complotistes, qui émettent des réserves ou qui s’opposent à la généralisation mondiale, sur terre et dans l’atmosphère, de centaines de millions d’antennes émettrices et réceptrices de micro-ondes14. C’est comme cela que la caste au pouvoir procède pour clore toute possibilité de discussion.
D’autres tentations séduisent le gouvernement et les « hautes sphères » dirigeantes des plus grandes entreprises et du MEDEF. Certaines d’entre elles ne sont heureusement pas suivies d’effets, car le confinement a eu l’avantage de donner aux citoyens les moins conditionnés le temps de se renseigner et de réagir massivement, notamment sur les réseaux sociaux. Le temps de cerveau disponible ne peut pas être entièrement absorbé par l’habituel matraquage des médias, par les omniprésents commentateurs professionnels qui oscillent entre la bien-pensance fédératrice et leur inféodation à la caste dominante. Il n’est donc pas très difficile d’identifier les contraintes souvent contradictoires, l’emprise par captation, le contrôle maniaque que nous subissons, ainsi que les nouvelles atteintes presque quotidiennes à nos droits. L’abandon de certaines règles environnementales, le confinement des personnes âgées jusqu’en décembre 2020, la création de milices de chasseurs chargées de dénoncer les dangereux délinquants que sont devenus les promeneurs dans les bois, les montagnes, les milieux naturels ; les détenus privés de visites et de parloir ; la fermeture des marchés et des réseaux de distribution solidaires, mais l’ouverture des hypermarchés ; le soutien sans aucune contrepartie environnementale aux grandes entreprises les plus polluantes ; la réduction de moitié de la distance de sécurité d’épandage de pesticides près des habitations ; l’autorisation gouvernementale donnée aux préfets de déroger à certaines normes réglementaires dans les domaines de l’urbanisme, la construction, l’emploi, le logement, les subventions et l’environnement ; l’allongement des détentions provisoires.
Il a déjà été annoncé que le déconfinement sera progressif, ce qui revient à dire que le gouvernement va pérenniser des mesures de contrôle présentées dans un premier temps comme transitoires. On ne peut que souligner la nature pathologique de dirigeants qui se mêlent de continuer sans limitation de temps à restreindre la vie privée de leur population, qui se permettent de contrôler l’amitié et les marques d’affection (prohibition des embrassades, des poignées de main et des accolades), qui insufflent la peur de l’autre (un véritable rêve devenu réalité pour les fascistes). La généralisation du port des masques montre symboliquement que toute la société doit avancer masquée, enfants en bas âge compris, comme des bataillons muets voués à travailler ou à être conditionnés à travailler pour assurer le bon fonctionnement du système capitaliste. Nous devons rester cachés derrière les masques qui nous soustraient la moitié de notre visage pour faire de nous des demi-humains. Les aristo-technocrates nous contraignent à la dissimulation des humains que nous sommes et ultimement travaillent à notre disparition Ces masques-là n’ont plus rien à voir avec la comedia dell’arte, ils sont portés devant la bouche pour empêcher la diffusion des postillons, mais ils rendent aussi notre expression moins fluide, moins vraie. Les masques ne nous empêchent pas de parler, mais leur simple présence entrave les échanges, la libre circulation des idées et des mots. Comment peut-on entendre un philosophe s’exprimant derrière un masque chirurgical ? Le pouvoir enchaîne notre liberté d’expression non plus au port obligatoire du masque mais à celui de la muselière. Il n’est pas anodin de relever qu’historiquement les muselières devaient être portées par des animaux, des femmes et des esclaves, le patriarcat et le colonialisme ayant toujours été créatifs pour avilir et contrôler.
Il s’avère que cette crise sanitaire a de graves conséquences économiques et financières, ce qui fait que les gouvernements ne peuvent pas trop longtemps paralyser la machine économique sans son combustible humain. Le principe de réalité démontre qu’une société de clones virtualisés ne peut subsister sans l’indispensable contribution des « invisibles », des « petits », des « sans-dents », des personnes que le pouvoir méprise et/ou ne reconnaît pas en temps normal parce qu’elles ne valent pas la peine qu’on s’en occupe, parce qu’elles devraient être satisfaites, et même reconnaissantes, de leur SMIC ou de leur retraite de plus en plus maigre pour survivre. Il faut donc que les enfants retournent à l’école pour permettre aux adultes de remettre en route une mécanique capitaliste et consumériste efficace dont le rendement sera à nouveau maximisé en tenant compte des leçons offertes par la pandémie. Un pervers narcissique ne veut pas éliminer définitivement sa victime, il doit lui distribuer quelques miettes pour le maintenir en vie. Car si sa proie devait lui échapper ou se rebeller cela manifesterait l’échec de son intelligence si rationnelle, ses calculs et ses stratégies si longuement et soigneusement mis en place. Par contre la soumission absolue est une condition non négociable, quels que soient les moyens employés pour y parvenir, bien que l’absence d’affect n’empêche pas d’éprouver une certaine satisfaction à utiliser la brutalité ou la violence pour pouvoir étudier rationnellement la souffrance de l’autre, pour le briser méthodiquement jusqu’à ce qu’il accepte sa servitude avec joie et reconnaissance.
Le déconfinement va maintenir la population française sous la coupe des décisions discrétionnaires du gouvernement pour longtemps. Chaque alerte d’une potentielle nouvelle pandémie sonnera le retour des lois d’exception. Après la Terreur, la peur va régner. La moindre tentative de rébellion sera durement réprimée, écrasée, liquidée, discréditée, dénigrée, comme ce fut le cas pour les Gilets Jaunes. Les opposants politiques et les écologistes seront surveillés, fichés, contrôlés, suivis, écoutés, provoqués, terrorisés comme le sont actuellement les opposants au projet de poubelle nucléaire de Bure. Le peuple français devra mendier, supplier, implorer, prier, quémander, pleurer le retour de certaines de ses prérogatives d’avant le Covid19. L’aristo-technocratie va s’appuyer sur l’amplification des technologies froides et calculatrices pour continuer à détruire les milieux naturels, pour extirper tout ce qui est encore sauvage et libre, pour façonner ses « inférieurs » à être enthousiastes de leur servilité, en multipliant de nombreuses injonctions contradictoires impossibles à respecter, même pour ceux qui le voudraient.
La France s’aventure dorénavant vers un régime toujours plus pathologique où la volonté de puissance a l’ambition de se transformer en une brutale Toute Puissance démiurgique qui se manifeste par un empilement de doubles contraintes. Des doubles contraintes qui monopolisent la réflexion et l’énergie de toute une population prise en otage de responsables politiques et de représentants de l’hygiénisme qui se disputent entre incompétence crasse et satisfaction d’avoir trouvé une recette durable pour asseoir leur domination. Le peuple demande accès aux plages ? On leur accorde ce droit comme un cadeau, le droit de s’allonger dans un enclos aussi délimité que celui des truies dans les élevages intensifs. Le droit constitutionnel de manifester est systématiquement interdit par les préfets qui se retranchent derrière un risque pandémique devenu quasi inexistant. Les paranoïaques de service déposent un projet de loi interdisant de filmer les forces de l’ordre qui voudraient jouer aux chemises brunes. Les quelques enfants ayant le privilège de pouvoir entrer dans une école sont soumis à de telles contraintes que leurs traumatismes psychologiques doivent être traités par des psychiatres. Cette pandémie est une opportunité pour certains pays, dont la France, d’inaugurer un nouveau mode de gouvernance : celui de la perversion narcissique.
Christophe Thro
Correction : Lola Bearzatto
Source: Lire l'article complet de Le Partage