Lundi matin, au tribunal de Westminster, le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, a manqué sa troisième audience consécutive pour raisons de santé.
Ses avocats ont déclaré au tribunal qu’il était trop malade pour assister à l’audience par liaison vidéo depuis la prison de Belmarsh et qu’il souffrait d’un «problème respiratoire». La partenaire de Julian Assange, Stella Morris, a expliqué plus tard que le médecin de Julian Assange lui avait conseillé de ne pas se rendre dans la salle de vidéoconférence afin de minimiser ses risques d’exposition à la COVID-19.
Assange souffre d’une affection pulmonaire chronique et son état de santé est ruiné par des années de torture psychologique et de négligence médicale. Il est maintenant effectivement jugé par contumace, alors qu’il souffre d’une contraction potentiellement fatale de COVID-19.
La pandémie de la COVID-19 est utilisée pour entraver davantage la capacité d’Assange à mener sa défense contre les accusations d’espionnage portées par le gouvernement des États-Unis et assorties d’une peine de 170 ans de prison. Depuis la mise en place par la santé publique du confinement dans les prisons britanniques en mars, Assange n’a pas pu rencontrer ses avocats en personne et ses communications téléphoniques déjà minimales se sont trouvées encore plus perturbées.
La juge Vanessa Baraitser qui préside le tribunal de district ne se soucie aucunement de cela. Elle poursuit les procédures judiciaires, et a ordonné à la défense et à l’accusation de terminer leurs évaluations psychiatriques d’Assange d’ici le 31 juillet, bien que les médecins n’aient pas accès à lui.
Julian Assange, fondateur de WikiLeaks, alors qu’il est transporté dans un véhicule de police pour une audience (Photo: AP Photo/Matt Dunham)
Baraitser n’a pas confirmé quand et où se tiendra la prochaine étape de l’audience d’extradition d’Assange, censée commencer le 7 septembre. Il s’agit là d’un autre obstacle à la présentation de reportages justes et précis. Depuis le confinement, seul un petit nombre de journalistes ont pu accéder à la salle d’audience. La grande majorité d’entre eux ont été contraints de participer à une conférence téléphonique régulièrement inaudible, la journée de lundi n’ayant pas fait exception.
L’ambassadeur de WikiLeaks, Joseph Farrell, a déclaré à l’issue de la procédure de lundi: «Il est ridicule que nous ne sachions toujours pas quand et où se tiendra le reste de l’audience. Ce retard est une punition en soi. Il est peu probable que Julian puisse avoir accès à son équipe juridique, car la prison de Belmarsh reste totalement fermée. Et pour ajouter l’insulte à l’injure, le tribunal est incapable de fournir aux journalistes les niveaux d’accès les plus élémentaires.»
Mercredi dernier en Australie, plusieurs politiciens, journalistes, défenseurs des droits de la personne et avocats ont écrit à la ministre des Affaires étrangères Marise Payne, l’exhortant à intervenir et à demander la libération sous caution d’Assange, qui est citoyen australien. Leurs demandes sont tombées dans l’oreille d’une sourde.
Malgré tous les efforts des tribunaux et de l’establishment politique pour isoler, faire taire et éliminer Assange, les questions politiques fondamentales soulevées par son cas apparaissent dans les protestations croissantes à travers le monde.
Avec ses rapports sur les guerres illégales en Irak et en Afghanistan, la torture à Guantanamo Bay, l’espionnage d’État illégal et les intrigues diplomatiques brutales, WikiLeaks a levé le voile sur la violence de l’impérialisme mondial et son anéantissement des droits démocratiques. Ces questions sont maintenant confrontées par des centaines de milliers d’Américains qui protestent contre l’assassinat de George Floyd et les vagues continues de violence policière et d’agitation fasciste dirigées depuis la Maison-Blanche.
Les vidéos de policiers et de gardes nationaux lourdement armés qui infligent des gestes de violence gratuits contre des manifestants pacifiques ressemblent à des scènes venant d’un pays occupé. Dans une vidéo diffusée sur les médias sociaux, on peut voir des groupes de policiers et de soldats de la Garde nationale en train d’avancer dans une rue résidentielle derrière une voiture blindée en criant aux gens de rentrer chez eux. Lorsqu’un agent voit la caméra en train de filmer, il hurle: «Light’em up!» et une rafale de balles de peinture est tirée contre la personne qui filme.
«Light’em up!» (Tirez-leur dessus!) est la phrase entendue à bord d’un hélicoptère de combat américain Apache en Irak dans la tristement célèbre vidéo «Collateral Murder» publiée par WikiLeaks en 2010, avant que des civils irakiens comprenant des enfants, des journalistes de Reuters et des premiers intervenants ne soient assassinés.
Ce qui a terrifié la classe dirigeante à la suite de la publication de cette vidéo, c’est que le reportage de WikiLeaks a trouvé un écho puissant parmi les travailleurs du monde entier, consternés par les atrocités commises et ensuite dissimulées par leurs gouvernements. En novembre 2010, WikiLeaks a publié des centaines de milliers de câbles diplomatiques ayant fait l’objet de fuites, révélant la corruption et la répression soutenues par les États-Unis dans des dizaines de pays, dont la Tunisie. Un mois plus tard, des manifestations de masse dans le pays ont renversé le gouvernement de Ben Ali et déclenché le Printemps arabe.
L’élite dirigeante a pris bonne note de ces événements. Leur persécution d’Assange, qui dure depuis dix ans, est enracinée dans une peur désespérée du potentiel qui existe dans les rangs des travailleurs et de la jeunesse pour une lutte mondiale contre l’impérialisme et l’autoritarisme. Dans les protestations qui se développent à la suite du meurtre de Floyd, ce potentiel frappe aux portes de la Maison-Blanche elle-même. Et il se reflète dans les manifestations de solidarité de plus en plus nombreuses à travers le monde qui réunissent des milliers de personnes.
La violence infligée contre les manifestants et la longue mise à mort d’Assange relèvent d’une seule et même politique – celle d’une classe dirigeante assiégée, assise sur un baril de poudre sociale et incapable d’accepter une quelconque opposition.
Ces événements sont une réfutation écrasante de la perspective selon laquelle Assange et WikiLeaks peuvent être défendus par des appels à l’État et à ses apologistes politiques. Ce que le gouvernement britannique a prouvé avec sa parodie de justice vindicative orchestrée par ses tribunaux, le gouvernement américain le prouve avec le gaz poivré, les balles en caoutchouc et les matraques: l’État capitaliste n’est pas un arbitre neutre de la justice. C’est un instrument de défense des intérêts de la classe dirigeante contre la majorité de la société, qu’elle exploite et opprime.
Les appels aux représentants des partis engagés dans la défense de cet État, et à la «loi et l’ordre» qu’il supervise, sont une voie sans issue. Cela a été mis en évidence au printemps dernier lorsque l’ancien leader travailliste Jeremy Corbyn, cible d’innombrables appels de ce type, a déclaré que le sort d’Assange relevait «des tribunaux». Depuis, il a remis les rennes du Parti travailliste à Sir Keir Starmer, qui, en tant que directeur des poursuites publiques, a supervisé la détention arbitraire continue d’Assange à l’ambassade de l’Équateur à Londres.
Le chemin vers la liberté d’Assange ne passe pas par des pressions sur les politiciens capitalistes, mais bien par la lutte de la classe ouvrière et de la jeunesse, qui sont maintenant brutalisées dans les rues aux États-Unis par les hommes de main qui sont au service de ces mêmes politiciens capitalistes.
Depuis le tout début, le site Internet du World Socialist Web Site (WSWS) insiste sur le fait que la défense d’Assange est inextricablement liée aux luttes de la classe ouvrière. Les événements de la semaine dernière en sont la preuve dramatique. Le même État qui a qualifié Assange de «cyberterroriste», porté des accusations d’espionnage contre lui et déployé des agents de la CIA pour réprimer son travail, qualifie maintenant des centaines de milliers de manifestants de terroristes et d’agents de puissances étrangères, en plus de déployer l’Armée pour les réprimer.
Ce lien objectif doit être consciemment compris et guider l’action. L’avancée politique des protestations dépend de leur prise en compte des questions fondamentales des droits démocratiques et de l’anti-impérialisme incarnées dans le cas d’Assange. De la même façon, la liberté d’Assange dépend de la volonté de ses partisans de se tourner vers cette lutte des travailleurs et des jeunes et d’appeler les manifestants à prendre sa défense.
Le WSWS et le Socialist Equality Party ont bon espoir qu’un tel appel, dans des conditions de confrontation féroce avec ces «corps d’hommes armés» de l’État, obtiendra une audience massive et engagée.
La prochaine audience d’Assange est prévue pour le 29 juin, à 10h au tribunal de Westminster.
Thomas Scripps
Article paru en anglais, WSWS, le 2 juin 2020
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