Le Canada devrait venir en aide à l’Iran et non adopter la rhétorique guerrière des Américains

Le Canada devrait venir en aide à l’Iran et non adopter la rhétorique guerrière des Américains

L’auteur est co-président d’honneur du Mouvement Québécois pour la Paix

Monsieur le ministre,

Différents groupes, rassemblés par l’épidémiologiste et ex-chef de Québec Solidaire Amir Khadir ainsi que par sa sœur, la docteure Saïdeh Khadir, partagent leurs vives préoccupations de voir le Canada perdre sa réputation, en favorisant la rhétorique guerrière des Américains contre l’Iran. Loin d’acheter la malhonnêteté de Trump qui déforme les faits, le Canada devrait venir en aide à l’Iran qui souffre en cette période de COVID-19.

Une telle solidarité avait animé la manifestation devant le complexe Guy-Favreau du 25 janvier dernier – vous pouvez lire le discours que j’avais alors prononcé, fidèlement retranscrit par Échec à la guerre[1]-. Notre manif se passait dix-sept ans presque jour pour jour après une manifestation d’un quart de million de personnes dans les rues de Montréal que ce groupe et les Artistes pour la Paix avaient ensemble suscitée : c’était en vue de persuader le Très Honorable Jean Chrétien de suivre la recommandation de l’ONU – Hans Blix ayant réfuté l’argument fallacieux d’un Saddam Hussein équipé d’armes de destruction massive – de s’opposer à la guerre Blair-Bush qui a décimé l’Irak.

L’Iran, qui a connu des pertes de 800 000 personnes lorsqu’attaqué par l’Irak, il y a quarante ans, mérite maintenant notre appui entier pour épargner à sa population sévèrement éprouvée par le COVID-19 des sanctions qui de toute façon n’affecteraient pas leurs Gardes Révolutionnaires, mais beaucoup plus leurs prisonniers et prisonnières.

Nous dénonçons la démonisation de l’Iran par les États-Unis qui usent de toutes sortes de subterfuges illégaux ou illégitimes: propagande mensongère, sanctions économiques et financières draconiennes visant en particulier le pétrole iranien, déchirure unilatérale par Trump de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien (JCPoA), qu’ils invoquent pourtant cette semaine pour réclamer un resserrement des sanctions, une arnaque bien dénoncée aujourd’hui par le directeur canadien de Project Ploughshares Cesar Jaramillo[2]!

Les États-Unis et Israël, qui possèdent à eux deux près de dix mille bombes atomiques, dont des centaines en alerte maximale, accusent l’Iran de préparer la construction d’une bombe nucléaire, pourtant condamnée moralement par tous les Ayatollahs.

Membre de Pugwash, M. Tariq Rauf – un Canadien qui a dirigé de 2002 à 2011 la Coordination de la Politique de Vérification et de Sécurité pour l’Agence Internationale d’Énergie Atomique (Traité de non-prolifération – ONU) et qui dirige aujourd’hui le secteur Désarmement, contrôle des armes et non-prolifération nucléaires du Stockholm International Peace Research Institute – affirme que si l’Iran augmente le nombre de ses centrifugeuses, le pays respecte néanmoins la clause principale du JCPoA de non-enrichissement nucléaire prévenant toute fabrication de bombes nucléaires.

Rappelons en outre que l’IRAN a appuyé le 7 juillet 2017 avec 121 autres pays le Traité d’Interdiction des Armes Nucléaires (TIAN – ONU), boycotté par tous les membres de l’OTAN, dont hélas le Canada : le Réseau canadien pour l’abolition de l’arme nucléaire à l’exécutif duquel je siège vous a écrit trois lettres sans réponse à ce sujet depuis votre nomination comme ministre des Affaires étrangères.

En janvier, nous nous sommes opposés à une guerre « de changement de régime » dont les préparatifs semblaient engagés avec les assassinats par Trump du général iranien Qasem Soleimani et d’Abu Mahdi al-Muhandis, député chef des Forces populaires de mobilisation de l’armée irakienne.

Heureusement, le Secrétaire Général des Nations unies, Antonio Guterres, a lancé un solennel appel à la retenue, à la désescalade de la tension et au retour au dialogue, tandis que les Conférences internationales sur la Science et les Affaires Mondiales, groupe auquel j’adhère depuis 2005, dénonça dans ces assassinats une «brèche dans la loi internationale, une violation de la souveraineté irakienne et un acte de guerre contre l’Iran ».[3]

On dénonça alors les déclarations timides et complaisantes du Premier ministre Trudeau face aux États-Unis, même si on appréciait sa compassion en faveur des victimes du vol ukrainien PS752, victimes qui ont requis votre attention particulière également fort appréciée.

Par contre, on déplora leur instrumentalisation en condamnation unilatérale de l’IRAN; rappelons pourtant, la veille de l’horrible accident causé par des obus des Gardes Révolutionnaires iraniens, la menace irresponsable contre 52 sites iraniens, certains distingués comme patrimoine de l’humanité par l’UNESCO, par Donald Trump, rabroué avec fermeté à ce sujet par la chancelière allemande Angela Merkell.

  • NON à la guerre, à l’ingérence et à l’intimidation impérialistes contre l’Iran;
  • NON aux sanctions économiques aux impacts dévastateurs sur le peuple iranien.

Nous demandons que le Canada renoue les liens diplomatiques avec l’Iran, sans que cela ne constitue un appui au gouvernement théocratique iranien, et que le Canada renonce à appuyer toute action guerrière impérialiste (vs Iran, Venezuela[4], Cuba…) et ingérences de Trump dans la politique canadienne[5]. La manifestation du 25 janvier soutenait l’auto‑détermination des peuples et ralliait en opposition à la domination impérialiste un grand pan de la population américaine[6]. M. Victor Ramos de Québec prépare une pétition à laquelle nous nous associons, prévenant le Canada de toute ingérence au Venezuela.

Notre solidarité envers le peuple iranien veut avant tout empêcher qu’il ait à subir la catastrophe d’une guerre, comme les États-Unis, l’OTAN et le Canada en ont hélas infligées à d’autres peuples sous prétexte de leur venir en aide, notamment au cours des vingt dernières années en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Syrie et au Yémen.

Veuillez agréer, monsieur le ministre, l’expression de nos salutations distinguées,

 

Pierre Jasmin
Co-président d’honneur du Mouvement Québécois pour la Paix
Artiste pour la Paix honoraire
Professeur titulaire à la retraite de l’UQAM
Membre exécutif du Réseau canadien pour l’abolition de l’arme nucléaire
et membre de Pugwash Canada.

 


[3] Selon une déclaration le 14 janvier par les signataires suivants :

Hussain Al Sharistani, ancien ministre de l’Éducation d’Irak,
Paolo Cotta-Ramusino, Italie, Secrétaire-Général de Pugwash,  
Sergio Duarte, Brésil, Président de Pugwash,
Saideh Lotfian, Iran, membre du Conseil Pugwash,
Steven Miller, USA, membre du Comité exécutif de Pugwash.

[4] Vous avez sûrement reçu notre lettre du mois dernier signée par 100 personnalités contre les sanctions canadiennes appliquées à vingt pays, surtout d’Afrique : http://www.artistespourlapaix.org/?p=18418

[5] La justice déterminera si l’arrestation canadienne de Meng Wan-Zhou, directrice financière de Hua-Wei, ne fut qu’un exemple de la soumission aux dictats américains par l’ex-ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland : lire http://www.artistespourlapaix.org/?p=15639

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Source: Lire l'article complet de L'aut'journal

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