Sionisme, gouvernement mondial et pandémie : Youssef Hindi répond aux questions de Rivarol

Sionisme, gouvernement mondial et pandémie : Youssef Hindi répond aux questions de Rivarol

Rivarol  : Votre livre Chroniques du sionisme est une analyse globale de l’évolution récente du sionisme. Quelle est la situation géopolitique d’Israël au Proche-Orient ?

Youssef Hindi : La situation géopolitique actuelle d’Israël est précaire. La Syrie, que l’État juif voulait détruire, tient debout, et Assad, que les alliés occidentaux d’Israël ont tenté de faire tomber, est toujours au pouvoir. Dans cette guerre, la Syrie est soutenue par une grande puissance nucléaire, la Russie ; la plus grande puissance de la région, l’Iran ; sans parler du Hezbollah libanais et des Kataeb Hezbollah irakiens.

La destruction de l’Irak de Saddam Hussein en 2003 par l’armée américaine – provoquée par les dirigeants israéliens et leur lobby aux États-Unis – a laissé la voie libre à l’Iran, qui s’y est depuis implanté et s’est frayé un couloir passant par la Syrie, l’Irak, et jusqu’au Liban, au grand dam d’Israël, dont l’objectif initial était de faire sauter le verrou irakien empêchant son expansion.

La marge de manœuvre d’Israël n’a cessé de se réduire, tout particulièrement depuis octobre 2015 avec l’engagement de l’armée russe sur le terrain en Syrie, et plus encore à partir du 17 septembre 2018, date à laquelle un avion russe a été abattu à cause d’une manœuvre de l’aviation israélienne.

Les relations russo-israéliennes se sont alors considérablement refroidies. Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, qui appela alors son homologue israélien pour le menacer, déclara dans un communiqué que « la responsabilité du crash d’avion russe et de la mort de l’équipage repose entièrement sur la partie israélienne ». Le Kremlin a, dans la foulée, autorisé la livraison des missiles S-300 à la Syrie, limitant le champ d’action des avions de chasses de Tsahal.

En résumé, l’État hébreu est, pour le moment, dans une impasse géopolitique.

Pour vous le sionisme est une force politique mondiale. Comment s’articulent ses réseaux à l’échelle planétaire ? Existe-t-il une unité en son sein ou plusieurs tendances ?

C’est surtout à l’échelle occidentale que ces réseaux sont les plus puissants et les mieux organisés. Ils s’étendent des États-Unis à la Russie, en passant par l’Angleterre, la France et bien sûr au cœur de l’Union européenne.

Vous avez, aux États-Unis, plusieurs organisations qui forment le lobby pro-israélien qui influent sur la politique étrangère américaine, au premier chef, l’incontournable l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee), des think tanks comme le PNAC (Project for the New American Century), fondé par deux néo-conservateurs juifs américains, William Kristol et Robert Kagan.

En Europe, les groupes de pression israéliens sont bien plus nombreux et actifs que l’on peut l’imaginer.

En Grande-Bretagne seulement, on en trouve plusieurs. Par exemple, chacun des deux grands partis politiques qui s’alternent au pouvoir, le Parti conservateur et le Parti travailliste, a en son sein un groupe pro-israélien : le Conservative Friends of Israel et le Labour Friends of Israel.

En France, tout le monde connaît le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France), mais très peu de gens ont eu vent de l’existence du European Friends of Israel (EFI, Les Amis européens d’Israël), un des groupes de pression israéliens les plus influents à Bruxelles, au cœur de la structure de l’Union européenne.

Parmi les commanditaires du lancement de l’European Friends of Israel, on trouve le complexe militaro-industriel israélien, l’Israel Aerospace Industries (anciennement Israel Aircraft Industries).

L’on ne peut être que stupéfait lorsqu’on se penche dans le détail sur l’étendue et le maillage de ces réseaux pro-israéliens. Pour vous en donner une idée : l’un des donateurs de ce puissant lobby israélien en Europe que j’ai mentionné a été Alexander Machkevitch, un milliardaire juif ayant la double nationalité kazakhe et israélienne.

Et quand on cherche à identifier les fondateurs et les pourvoyeurs de fonds du Parlement juif européen (créé en 2012), installé à Bruxelles au Parlement européen, l’on découvre deux milliardaires juifs ukrainiens, Igor Kolomoisky et Vadim Rabinovitch. Ce parlement juif européen a été présidé par un banquier et oligarque juif russe, Vladimir Sloutsker (ancien sénateur qui a représenté la république de Tchouvachie au Parlement russe, et également co-fondateur et président du Congrès juif israélien), auquel a succédé Joël Rubinfeld, haut représentant du lobby juif européen, qui a été président, de 2007 à 2009, du CRIF belge, le Comité de coordination des organisations juives de Belgique (CCOJB).

Et je pourrais continuer à énumérer longuement les différentes organisations juives pro-israéliennes implantées en Amérique et en Europe, ainsi que les milliardaires de confessions juives qui jouent le rôle de pourvoyeurs de fonds de toutes ces structures. Des milliardaires qui financent également des partis politiques aux États-Unis, à l’instar de Sheldon Adelson (principal financier du Parti républicain), et qui sont proches du pouvoir, que ce soit à Washington, à Paris, à Londres ou à Moscou.

Le sionisme international est fondé sur une tripartition : une idéologie commune qui détermine la direction et l’agenda politiques ; un réseau d’influence au sein des partis politiques et des structures étatiques ; des financements qui alimentent et renforcent ces réseaux.

Pour répondre à votre seconde question, il existe, au sein du sionisme international, comme dans l’État hébreu, des dissensions, des rivalités, des divergences. C’est propre à toutes les sociétés et organisations politiques.

Les deux grandes tendances qui s’affrontent actuellement à l’échelle internationale et en Israël sont le sionisme religieux (correspondant à la droite israélienne) et le sionisme laïc (à gauche de l’échiquier politique).

Vous remarquez qu’un fossé existe entre les sionistes les plus radicaux et la diaspora juive occidentale. De quand date l’apparition de ce décalage ?

Il s’agit de cette opposition entre la tendance religieuse et la tendance laïque du sionisme. Ces deux tendances cohabitent depuis la naissance de l’État d’Israël et antérieurement, mais leur opposition a éclatée au grand jour à partir de la guerre des Six jours en 1967. Nous avons abordé cet important épisode de l’histoire israélienne dans un e-book paru récemment et intitulé Notre-Dame, Al Aqsa et le troisième Temple – La géopolitique des religions.

Dans mon ouvrage, Chroniques du sionisme, j’analyse ce clivage qui a resurgit et a impacté, sur le plan idéologique, la géopolitique mondiale. J’explique qu’il s’agit d’une fracture dans le système impérial judéo-américain, et j’en expose les causes. En guise d’illustration, j’évoque l’attaque du président du Congrès juif mondial, Ronald Lauder, contre Benyamin Netanyahou ; le premier ayant pourtant financé la carrière politique du second.

Lauder s’en est pris à Netanyahou à deux reprises dans le New York Times en 2018. En cause, le tournant religieux et extrême-droitier de l’État hébreu opéré par « une minorité en Israël » qui met ainsi en danger une grande partie du peuple juif.

En clair, l’affirmation juive, au sens religieux et ethnique, de l’entité sioniste, et sa politique ouvertement raciste et ethnocidaire, contribuent à faire augmenter tendanciellement l’hostilité du monde envers Israël, et par suite, au judaïsme et aux juifs à travers le monde ; ce qui met par conséquent en péril la diaspora.

Entre sa sécurité et son train de vie fastueux en Occident, et la survie du petit État colonialiste, le choix de la diaspora juive occidentale est rapidement fait.

Faut-t-il être de confession juive pour être sioniste ?

Non, bien évidemment il se trouve des sionistes non juifs. Des pro-israéliens opportunistes, qui le deviennent, parfois du jour au lendemain, au bénéfice de leur carrière politique ou médiatique.

Et il existe, historiquement, des sionistes de conviction religieuse qui ne sont pas juifs. Il s’agit des chrétiens sionistes, ces évangéliques protestants qui, depuis le XVIIe siècle, soutiennent le projet de rapatriement du peuple juif en Terre sainte et la refondation du royaume d’Israël.

Justement, comment expliquer l’alliance entre l’évangélisme protestant et le sionisme ?

J’ai consacré quelques pages de mon premier ouvrage, Occident & Islam – Tome I : Sources et genèse messianiques du sionisme (2015, Éditions Sigest), à cette alliance.

Au XVIIe siècle, la kabbale et le messianisme juifs ont pénétré et influencé le protestantisme puritain et millénariste. Ces protestants fanatiques, dont faisait partie Oliver Cromwell, ont adopté le projet messianique du judaïsme, consistant, entre autres choses, à rapatrier le peuple juif en Terre sainte, et ainsi « hâter le retour du Christ ».

Plusieurs chercheurs et historiens, à l’instar de Shlomo Sand, ont alors cru que le proto-sionisme était né dans ces milieux protestants anglais du XVIIe siècle ; or, mes travaux ont démontré que l’origine de ce messianisme actif et sioniste, visant à hâter la fin des temps, est d’origine juive et médiévale (XIIIe siècle) et qu’il a influencé un certain protestantisme.

Ce même protestantisme qui s’est implanté en Amérique du Nord avec les Pères pèlerins britanniques qui s’identifiaient aux Hébreux et voyaient dans cette nouvelle terre vierge à conquérir la nouvelle Jérusalem.

Leurs héritiers contemporains sont les dizaines de millions d’évangéliques, chrétiens sionistes. Pour être plus précis, aux États-Unis on compte 100 millions d’évangéliques, et parmi eux 30 millions se disent « chrétiens sionistes ».

Au sein de l’administration Trump, deux des postes les plus importants sont occupés par des évangéliques fanatiques : le secrétaire d’État, Mike Pompeo, et le vice-président Mike Pence.

En France, de telles alliances sont-elles possibles ?

De facto, le pays légal, la République, est l’allié d’Israël et l’obligé du CRIF, mais le pays réel n’adhère ni à la politique israélienne, ni au diktat du CRIF et de la LICRA, ni aux valeurs du judaïsme.

Rapprocher le peuple français, aujourd’hui dans sa grande majorité athée et très méfiants vis-à-vis des religions quelles qu’elles soient, d’un État juif religieux et racialiste, me semble impossible, sauf révolution majeure dans les mentalités.

Raison pour laquelle les propagandistes juifs sionistes tentent, depuis quelques années de réécrire l’histoire de France pour la faire coller à celle d’Israël. Leur objectif est de faire entrer au forceps dans la tête des Français que le royaume de France a été fondé sur le modèle du royaume antique d’Israël, que les deux nations ont un destin commun, et que le catholicisme et le judaïsme partagent les mêmes valeurs.

C’est précisément le rôle d’individus tels que Gilles-William Goldnadel et Eric Zemmour.

La « fable » de « Saint-Louis, le roi juif » est pour le coup un symbole de cette démarche ? Vous pouvez revenir sur cette tentative de détournement historique pour nos lecteurs ?

Oui, « Saint Louis, le roi juif » est le titre d’un chapitre du dernier livre d’Éric Zemmour, Destin français (paru en septembre 2018).

Il n’est plus besoin de décrypter quoi que ce soit dans le discours de Zemmour car le but de cette grossière manœuvre est explicité noir sur blanc dans son ouvrage. Ainsi, il est écrit : « Israël a été pendant des siècles le modèle de la France… Israël est aujourd’hui la nation que la France s’interdit d’être… Sans le nationalisme juif, la France s’abîme dans la sortie de l’Histoire… »

Mais qu’il n’y ait pas de méprise, il ne s’agit pas d’une idée qui aurait soudainement traversé l’esprit « fertile » de l’éditorialiste du Figaro. Il exécute, en France, une mission conforme à un agenda élaboré il y a fort longtemps, par d’autres. Tout cela je l’ai exposé en détail dans mon premier ouvrage, Occident & Islam – Sources et genèse messianiques du sionisme.

D’ailleurs, dans Chroniques du sionisme, je fais la critique d’un texte publié antérieurement au livre de Zemmour, et qui tentait déjà ce détournement de l’histoire de France. Il s’agit d’une tribune publiée le 3 janvier 2017 dans Valeurs Actuelles, et dont l’auteur est Gilles-William Goldnadel, agent d’influence israélien (qui a la double nationalité franco-israélienne), nommé membre du comité directeur du CRIF (en 2010), président de France-Israël (2004-2018) et ami de Benyamin Netanyahou.

Ce que l’on trouve dans le livre de Zemmour était dans la tribune de Goldnadel, à savoir « le lien historique sacré entre Paris et Jérusalem, Saint Louis et David, la France chrétienne et l’État juif. »

Ces discours et ces falsifications historiques visent à, pour ceux qui ne l’auraient pas encore compris, attirer dans le giron pro-israélien toute la droite française et catholique, afin qu’elle participe à une nouvelle grande boucherie pour les besoins d’un « choc des civilisations », qui ne va pas sauver, mais plutôt achever les civilisations ; et cela au service d’une guerre eschatologique qui est le fondement de la doctrine géopolitique israélienne.

Quelles sont les relations de la Russie et de Vladimir Poutine avec Israël ?

La Russie de Poutine a toujours entretenu de bonnes relations diplomatiques avec Israël, et ce pour plusieurs raisons.

La géopolitique de la démographie occupe une place importante dans les relations entre la Russie et Israël, même si c’est un non-dit.

Un million de Russes vivent en Israël (sur une population totale de 9 millions), dont 900 000 qui s’y sont installés entre 1989 et 2002. Une part importante de ces russes israéliens ne sont pas assimilés à la culture juive et ne parlent pas hébreu, en témoigne ce chiffre : 35 % de ces nouveaux immigrés avaient des épouses et des enfants non juifs. Il s’agit d’une communauté hautement éduquée, occupant des postes de chercheurs, médecins, enseignants, ingénieurs…

En cas de conflit, ouvert ou non, avec l’État hébreu, la Russie pourrait utiliser contre Israël ce levier d’influence géopolitique par le bas, c’est-à-dire par la société civile. De ce point de vue, c’est Tel-Aviv, et non pas Moscou, qui a intérêt à maintenir les bonnes relations israélo-russes.

Dans l’autre sens, Israël exerce sur le pouvoir russe – de plus en plus difficilement – une influence par le haut, via les oligarques juifs russes proches du Kremlin et de Vladimir Poutine. Ces milliardaires communautaristes ont joué un rôle important dans le maintien des bonnes relations russo-israéliennes. À l’instar de Vladimir Soultsker, dont j’ai parlé plus haut et qui est un acteur important de l’Internationale sioniste.

En 2004, Sloutsker a accédé à la présidence du Congrès juif russe (il resta en poste jusqu’en 2005) qui est censé représenter toutes les organisations juives en Russie. Suite à sa nomination à la tête de l’organisation juive, le journal israélien Haaretz lui a consacré un article titré « Le nouvel oligarque juif va rendre la vie facile au Kremlin ». Vladimir Sloutsker y est décrit comme un « oligarque juif », un « professeur de kabbale », ayant des « liens étroits avec le Kremlin ». Un homme qui « est au cœur de l’élite d’affaires et de la politique » et dont « le cercle de connaissances comprend de nombreux juifs, des hommes d’affaires et des membres importants du gouvernement. »

Le Congrès juif russe a été fondé en 1996 en grande pompe par un groupe d’oligarques juifs mené par le magnat des médias russes Vladimir Goussinski, qui en a été le premier président et qui a essayé d’en faire un lobby puissant sur le modèle de l’organisation juive américaine Conference of Presidents of Major American Jewish Organizations.

Mais le projet de Goussinski est stoppé dans son élan par l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine. Goussinski, à l’instar d’autres oligarques juifs, a utilisé son média pour attaquer Poutine. Le résultat a été la fuite de Goussinski vers Israël en 2000 ; ce dont a pâti le Congrès juif russe qui est passé d’un budget initial de 10 millions de dollars par an à quelques centaines de milliers de dollars par an.

Trois ans plus tard, le second président du Congrès juif russe, Leonid Nevzlin, un des propriétaires de la compagnie pétrolière russe Ioukos, s’est également exilé en Israël.

Pour schématiser : Vladimir Poutine a mis au pas un certain nombre d’oligarques juifs russes qui lui étaient hostiles, et a laissés en place d’autres qui lui étaient favorables. Et Sloutsker en fait partie. D’ailleurs, le Kremlin avait publiquement adressé ses félicitations à Vladimir Sloutsker lors de sa nomination.

En résumé, ils n’ont pas pu couper la main de Poutine, alors ils la baisent, tout en faisant de leur mieux pour infléchir sa politique en faveur d’Israël.

L’arrivée de V. Sloutsker à la tête du Congrès juif russe, permise par Vladimir Rissen, « l’adjoint au maire juif de Moscou », est advenue, d’après Haaretz, dans « une période creuse dans les relations israélo-russes ». En effet, en janvier 2005, le gouvernement russe « a décidé de vendre des missiles à la Syrie », et « il a annoncé qu’il fournirait à l’Iran le combustible nécessaire au fonctionnement du réacteur nucléaire de Bouchehr ».

Le rôle de Sloutsker et du lobby juif qu’il représente en Russie était, et il est toujours, de contrer cette politique russe défavorable à Israël et que « l’oligarque juif » attribuait à « certains organes et centres de pouvoir dans le pays (en Russie) où la pensée du passé prévaut, selon laquelle les pays arabes font partie de ‘‘notre’’ camp, et Israël et les sionistes font partie de l’autre camp. »

Il y a donc une guerre sourde dans l’appareil d’État russe et autour de Poutine, une guerre opposant les juifs pro-israéliens et les patriotes.

Comme je l’ai rapporté et analysé dans Chroniques du sionisme, les relations russo-israéliennes se sont dégradées ces dernières années autour de la question syrienne et iranienne, et tout particulièrement, comme je l’ai dit précédemment, depuis que l’aviation israélienne a causé la destruction d’un avion russe et la mort de son équipage.

Durant cet épisode, le Grand Rabbin de Russie, Berel Lazare, qui fait partie de la direction du Congrès juif russe et qui est proche de Vladimir Poutine, s’est opposé à la livraison des missiles S-300 à la Syrie au nom de sa « sensibilité à propos de nos frères en Israël, à Sion ».

Jusque-là, les Russes s’étaient abstenus de livrer les S-300 à la Syrie, en raison du lobbying des Israéliens qui arguaient que cela limiterait la capacité de l’État hébreu à neutraliser les « menaces terroristes », incluant le Hezbollah.

Mais après la destruction de l’avion russe à cause de Tsahal, la realpolitik, les alliances géopolitiques de la Russie et son armée – le ministre de la Défense Sergueï Choïgou au premier chef – ont prévalu sur les desiderata du lobby pro-israélien en Russie.

D’ailleurs, la dégradation des relations entre Vladimir Poutine et les tenants du sionisme international s’est bien illustrée en mars 2018, lorsque des organisations juives en Israël (L’Union sioniste) et aux États-Unis (Le Comité juif américain) ont qualifié le président russe d’antisémite.

Je dois dire que ce refroidissement entre la Russie et Israël ne m’a guère surpris, mais à au contraire confirmé mes articles de prospectives géopolitiques écrits depuis septembre 2015.

Et à mon sens, les rapports israélo-russes vont continuer à se détériorer.

Comment comprendre la politique pro-sioniste de Donald Trump ? Vous pensez qu’il gagne du temps actuellement en donnant des gages aux néo-conservateurs et aux pro-sionistes de son entourage ?

La politique pro-sioniste de Donald Trump se comprend très simplement : personne ne peut, aux États-Unis, accéder à la présidence sans faire allégeance au lobby pro-israélien. C’est ce qu’ont démontré les deux universitaires américains, Stephen Walt et John Mearsheimer, dans leur livre Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine.

Je ne prétends pas, comme ceux qui sont fanatiquement pro ou anti-Trump, être dans la tête du président américain et sonder son cœur et ses reins. Je m’en tiens à la réalité des faits. Ma méthode est empirique.

Et la réalité, c’est que l’arrivée au pouvoir de Donald Trump est le résultat d’un processus historique de décomposition du système et de l’idéologie du libre-échange, et de l’hégémonie impériale des USA.

Sur le plan économique, le discours protectionniste et ré-industrialiste de Trump a fait écho aux attentes de l’électorat issu de la classe moyenne et du « prolétariat » qui a, à cause du libre-échange, soit perdu son emploi, soit vu son salaire subir une pression à la baisse.

Tandis que son positionnement géopolitique isolationniste correspond à une partie de l’establishment étasunien, notamment au Pentagone – à l’instar du lieutenant-général Michael T. Flynn (soutien de Trump et son éphémère conseiller à sécurité nationale qui a subi les foudres de l’État profond) – qui a compris que la fuite en avant impérialiste et guerrière de l’Amérique la conduirait à sa perte, en tant que nation.

Face à eux, il y a l’État profond impérialiste, les faucons, les néo-conservateurs pro-israéliens qui ont conduit l’armée américaine dans un certain nombre de guerres, notamment dans le monde musulman, au seul profit d’Israël et au détriment des États-Unis.

Autour de Donald Trump, ces deux tendances cohabitent et s’affrontent. Et il doit, par conséquent, pour satisfaire les pro-israéliens, faire des concessions – déplacer l’ambassade des États-Unis à Jérusalem, insulter et menacer Assad, accentuer les sanctions contre l’Iran, assassiner le général Soleimani – sans toutefois entraîner son pays dans une guerre mondiale.

Au niveau mondial, l’épidémie de coronavirus a provoqué une crise sanitaire et économique sans précédent. Comment le sionisme pourrait utiliser cette situation à son avantage ?

À ce stade, il est encore trop tôt pour y répondre précisément et définitivement.

Faire de la prospective, visuellement, c’est comme prolonger les courbes correspondant à des tendances sur un diagramme.

Cette épidémie accentue certaines tendances. En d’autres termes, elle constitue, non par sa gravité réelle mais par les mesures prises à l’échelle mondiale et leurs effets rétroactifs, une accélération historique, notamment sur les plans géopolitique et économique.

Ceci étant dit, revenons au sionisme et à Israël, et reprenons les faits chronologiquement : deux mois environs après le déclenchement officielle de l’épidémie en Chine (décembre 2019), l’on apprenait, fin février 2020 par les médias israéliens (Jerusalem Post et i24news) qu’une équipe de scientifiques de l’État hébreu étaient déjà en train de mettre au point un vaccin contre le coronavirus, et qu’il serait prêt quelques semaines après l’annonce et disponible 90 jours après la même annonce faite par le ministre israélien des Sciences et de la Technologie, Ofir Akunis.

Or le docteur Chen Katz, chef du service de biotechnologie du MIGAL, l’organisme israélien qui est en train de produire le vaccin en question, affirme que leur concept de base est de « développer la technologie, et non spécifiquement un vaccin pour ce type de virus », et de conclure « appelons cela de la chance ».

Il y a manifestement là une précipitation israélienne qui relève plus du domaine du marketing que de celui de la science. Ceci traduit une volonté ancienne d’Israël d’apparaître comme la nation messianique qui va « sauver l’humanité ».

Mais depuis, une alternative au vaccin est apparue sur la scène publique : l’hydroxychloroquine et le protocole du professeur Didier Raoult.

Suite à cela, le président des États-Unis a annoncé le jeudi 19 mars que l’hydroxychloroquine serait utilisée dans son pays pour combattre le virus. Et dès le lendemain, le vendredi 20 mars, le géant israélien des médicaments génériques Teva a sauté sur l’occasion et a annoncé qu’il allait fournir gratuitement aux hôpitaux américains dix millions de doses de sa molécule antipaludique hydroxychloroquine.

L’entreprise israélienne a précisé que six millions de doses seraient fournies aux hôpitaux américains avant la fin du mois de mars, et plus de dix millions courant avril.

Mais tout cela reste dérisoire au regard de l’ampleur et des implications du phénomène coronavirus. De plus, le sionisme n’est pas un mouvement historique autonome. Il est, et c’est une de mes thèses, une des branches d’un mouvement messianique globale, au sens où ce messianisme a pour finalité de révolutionner, de bouleverser le monde entier ainsi que tous les aspects de la vie humaine, et ce, bien sûr, au niveau politique également.

Par conséquent, il faut relier, dans notre réflexion, le sionisme à sa branche sœur, le globalisme. Et de ce point de vue, la crise du coronavirus constitue une rupture historique, ce que Karl Marx appelait un « saut qualitatif » ; un concept qu’il a, peut-être à son insu, emprunté au messianisme juif ayant structuré également le globalisme ; il s’agit du bouleversement que j’évoquais, permettant de faire passer le monde dans un nouveau paradigme.

C’est ce dont parlait Jacques Attali en mai 2009 quand il écrivait que « l’Histoire nous apprend que l’humanité n’évolue significativement que lorsqu’elle a vraiment peur… La pandémie qui commence (le H1N1) pourrait déclencher une de ces peurs structurantes… », et on en viendrait selon lui « beaucoup plus vite que ne l’aurait permis la seule raison économique, à mettre en place les bases d’un véritable gouvernement mondial. »

Cet utopique gouvernement mondial aurait pour capitale, toujours selon Attali, Jérusalem.

Mais ce que l’on constate pour l’instant avec la crise du coronavirus, ce n’est pas une unification de la planète mais un retour à la nation, et un renforcement de la multipolarité.

Cette crise va donc accentuer l’opposition entre globalisme et souverainisme. Quant aux sionistes, on les trouve dans ces deux camps. Si le sionisme est une émanation du messianisme au même titre que le globalisme, il apporte, par opportunisme, instinct de survie et hypocritement, son soutien aux souverainistes.

Mais à mon sens, la multipolarité et le souverainisme (je ne parle pas du nationalisme israélo-compatible) bien compris se retourneront à terme contre le sionisme qui en est l’ennemi ontologique, de la même manière que les nations syrienne, iranienne et russe, constituent des entraves géopolitiques à Israël.

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À revoir : Pierre de Brague et Youssef Hindi présentent l’ouvrage Chroniques du sionisme

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Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation

À propos de l'auteur Égalité et Réconciliation

« Association trans-courants gauche du travail et droite des valeurs, contre la gauche bobo-libertaire et la droite libérale. »Égalité et Réconciliation (E&R) est une association politique « trans-courants » créée en juin 2007 par Alain Soral. Son objectif est de rassembler les citoyens qui font de la Nation le cadre déterminant de l’action politique et de la politique sociale un fondement de la Fraternité, composante essentielle de l’unité nationale.Nous nous réclamons de « la gauche du travail et de la droite des valeurs » contre le système composé de la gauche bobo-libertaire et de la droite libérale.

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