L’OMS qualifie désormais l’épidémie du Coronavirus de « pandémie » et appelle tous les pays à appliquer des politiques sanitaires drastiques. La propagation rapide, la morbidité et la mortalité associées à la maladie inquiètent d’autant plus qu’elles peuvent épuiser rapidement les ressources des systèmes de santé pour répondre aux besoins des populations.
Tous les pays sont ainsi en état d’alerte. Aux États-Unis, le président Trump, après avoir minimisé un temps la menace, a décrété l’État d’urgence nationale. Le premier ministre Trudeau invite pour le moment la population à réduire ses déplacements. L’Italie, dépassée, a annoncé 250 morts en 24 heures, et est arrivé à choisir de traiter les malades plus jeunes au détriment des plus vieux.
L’Iran a déclaré 1000 nouveaux cas en 24 heures, sachant que les chiffres sont inférieurs à la réalité puisque le pays n’a pas les ressources pour faire le diagnostic national complet. Seule la Chine a pris le dessus avec 8 nouveaux cas déclarés depuis 24 h, le plus bas chiffre depuis la mi-janvier.
L’Iran et l’Italie sont désormais les pays en « première ligne » de la lutte contre la COVID- 19. La situation est particulièrement grave en Iran où il y a « pénurie d’appareils d’assistance respiratoire et d’oxygène », selon le responsable des programmes sanitaires d’urgence de l’OMS, le Dr Ryan.
Le directeur général de l’OMS, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, pour sa part affirme que « L’Iran fait de son mieux. Ils ont besoin davantage d’équipement. »
Le comportement du Covid-19 dicte de chercher la sécurité sanitaire par un effort global concerté. Il oblige à collaborer et coordonner les actions sans frontières puisque notre sécurité sanitaire est plus que jamais interdépendante.
Or, le Covid-19 met en lumière la double illégitimité des sanctions draconiennes et unilatérales des États-Unis contre divers pays, l’Iran en particulier. En l’occurrence l’Iran, touché gravement par la pandémie, est incapable de vendre son pétrole. Et les sanctions bancaires l’empêchent de se procurer les produits essentiels au diagnostic, à la prévention et au traitement du coronavirus. Ces sanctions compromettent à la fois les vies en Iran et la lutte planétaire contre la pandémie.
Les États-Unis refusent de retirer les sanctions malgré la demande des Nations unies alors que l’Iran est l’un des épicentres de la pandémie dans la région du Moyen-Orient comme la Chine l’a été en Asie et l’Italie l’est en Europe.
Combien en Iran mourront inutilement à cause de ces sanctions économiques illogiques, illégitimes, immorales, et illégales.
Ajoutons, que les sanctions des USA contre l’Iran sont condamnées par l’ONU qui a endossé l’accord nucléaire à travers la résolution 2231 du Conseil de sécurité de l’ONU.
Certes le gouvernement iranien a la responsabilité des manquements dans la gestion de la crise sanitaire. Toutefois, actuellement l’Italie vit la même situation de propagation, mais les budgets européens dégagés pour le contrôle du Covid-19 sont de l’ordre de plusieurs milliards d’euros par pays. L’Iran a des ressources financières beaucoup plus limitées, et largement bloquées par les sanctions, avec une population équivalente à celle de l’Allemagne.
Selon un site financé par le gouvernement américain, « Radio Farda », l’Iran ne peut exporter que 250 000 barils par jour, un dixième de ce qu’il exportait avant l’accord de 2015.
On peut voir que la stratégie de « pression maximale » de Trump contre l’Iran (blocus financier et commercial sans précédent visant à appauvrir les iraniens en espérant les pousser à renverser le gouvernement) a plus de responsabilité dans les difficultés actuelles du pays face à la pandémie.
Dans ce contexte de tension extrême imposée par les États-Unis, le gouvernement iranien a senti, dès l’éclosion de l’épidémie Covid-19, qu’il ne devait pas paraître vulnérable.
Le trésor américain ayant imposé des sanctions de tierce parti sur les firmes européennes, indiennes et autres, l’Iran a été poussée à une dépendance accrue sur la Chine, seul pays capable de défier quelque peu Trump. L’Iran n’a donc pas eu le luxe de couper les échanges et les voyages avec la Chine.
La sortie cette semaine de l’UANI (United against Nuclear Iran (groupe de pression de droite influent aux États-Unis) pour empêcher les compagnies pharmaceutiques détenant des ‘licences spéciales’ (définies comme « exemption humanitaire ») de faire affaire avec l’Iran, en dit long sur la crédibilité des protagonistes des sanctions.
Un autre lobby reconnu comme artisan des sanctions, le FDD (Federation for defense of democracy) s’est réjoui de l’éclosion du coronavirus : « le virus a nui à l’économie du pays là où les sanctions n’avaient pu le faire ».
La rhétorique instrumentalisant la « lutte légitime des droits humains » pour justifier ces sanctions cruelles auprès de l’opinion publique est mise à rude épreuve par les difficultés de l’Iran et les souffrances des Iranien.ne.s, maintenus en situation de vulnérabilité à la pandémie contre tout standard civilisationnel.
La santé, l’hygiène et l’accès aux soins médicaux sont des droits humains inaliénables. Les peuples américain et iranien, et l’humanité entière, ont un ennemi commun dans cette pandémie : le coronavirus et les sanctions à la fois injustes et inhumaines.
Saideh Khadir
Une version courte de cet article a été publié dans le quotidien Le Devoir (Opinion), le 18mars qui a été également mis en ligne sur Mondialisation.
Photo en vedette par Mohsen Atayi : Des patients avec le coronavirus à l’hôpital Imam Khomeini à Téhéran, le 1er mars 2020. Source : Wikimedia
Saideh Khadir est médecin de famille à Montréal, Québec, Canada.
Source: Lire l'article complet de Mondialisation.ca