L’exécutif aurait bien pu annuler l’élection

 
 

Emmanuel Macron et Edouard Philippe ne l’ont pas fait, et c’est tant mieux. Analyse.


Une psychose coronavirus balbutiante en France a conduit l’exécutif à s’interroger sérieusement sur la possibilité de reporter les élections municipales prévues les 15 et 22 mars. Les élections auront bien lieu et c’est tant mieux.

Un report aurait été techniquement faisable. Une telle hypothèse n’est pas prévue par le code électoral. Pour être mise en œuvre, elle aurait nécessité un certain bricolage juridique.

Vote d’une loi en urgence

En premier lieu, une loi pouvait être votée. La loi prévoit que les élections municipales se tiennent en mars. Le législateur pouvait donc très bien, en urgence, modifier la loi pour prévoir une nouvelle date. Sous réserve des contraintes techniques imposées en la circonstance : solliciter l’avis du Conseil d’État, déposer un projet de loi et réunir les 2 chambres afin qu’elles votent…

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Promulguer un décret

En deuxième lieu, le décret convoquant les électeurs aurait pu être modifié et prévoir un report des élections de quelques semaines et, quand bien même il aurait été à la limite de la légalité, l’invocation de circonstances exceptionnelles aurait pu constituer un fondement juridique suffisant.

Recourir à l’article 16 et aux pouvoirs exceptionnels

En troisième lieu, l’hypothèse assez surréaliste et saugrenue d’un recours par le Président de la République à l’article 16 de la Constitution pouvait aussi juridiquement tenir. Quand bien même une telle solution est réservée aux cas dans lesquels l’intégrité du territoire et l’indépendance de la nation sont menacés, ce qui n’est manifestement pas le cas, une telle décision n’est susceptible d’aucun recours. Elle pouvait donc théoriquement être mise en œuvre. Politiquement, en revanche, et compte tenu du contexte actuel, cela serait absurde et démocratiquement épouvantable.

Enfin, des reports partiels, limités aux zones les plus touchées, auraient pu être mis en œuvre localement, en application de la théorie des circonstances exceptionnelles. 

Pourtant la question des élections municipales ne saurait s’apprécier uniquement d’un point de vue strictement juridique. Au-delà d’une base juridique, un report des élections nécessite une légitimité démocratique. Il faut un consensus national. Il n’existait pas.

 

L’ensemble des partis politiques était hier unanime sur la nécessité de maintenir ce rendez-vous démocratique. Le Sénat, représentant des collectivités territoriales, refusait toute idée de report. Aucune enquête d’opinion réalisée auprès des Français n’est venue démontrer une volonté de report. 

L’élection sera-t-elle délégitimée ?

Si 16% des Français ont indiqué renoncer à se déplacer, on peut considérer que l’invocation d’une épidémie constitue aussi l’alibi pour certains électeurs qui, coronavirus ou non, ne seraient pas allés voter de toute façon. L’abstention sera peut-être un facteur à suivre, mais l’idée qu’elle fausse le scrutin apparaît peu probable. Rappelons qu’en 2014, 34% des électeurs avaient boudé les urnes. Il n’y avait pas d’épidémie à l’époque ni même de psychose liée aux attentats.

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Si la santé publique est un enjeu non négligeable, en démocratie, voter est primordial. La continuité démocratique de la nation ne saurait être bradée. Il convient en la circonstance de ne pas opposer protection de la santé publique et droit de vote, mais de les concilier. Des mesures barrières sont mises en place (gel hydroalcoolique, masques, gants) et les bureaux de vote sont aménagés pour faire face à cette situation inédite. La situation est sérieuse certes, mais aller à l’isoloir ne signifie pas aller à l’abattoir.

Relativiser le danger

Aucun scientifique n’a indiqué qu’aller voter constituerait un danger mortel. Au demeurant, se déplacer une heure dans un bureau de vote est-il plus dangereux que d’aller faire ses courses, aller au restaurant ou prendre les transports en commun, activités qui ne sont pas proscrites ?

La question du report semble avoir été tranchée par le Président de la République. À tout le moins pour le premier tour.

Il aurait été inutile d’ajouter une confusion politique qui, malgré la gravité de la situation, ne s’impose pas.

 
 

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