Devant les enquêtes, études et sondages qui font l’unanimité quant à la précarité de la langue française au Québec, le Conseil d’Administration des Intellectuels pour la Souveraineté (IPSO) dit s’attendre à ce que les nouvelles mesures de promotion et de protection de la langue que doit présenter incessamment le gouvernement québécois soient costaudes.
« L’heure n’est plus aux demi-mesures », a soutenu le président des IPSO, le politologue Jean-François Payette, ajoutant que la situation est particulièrement alarmante chez une partie de la jeunesse, ainsi que dans certains secteurs économiques, où l’on constate une forte propension à utiliser l’anglais au quotidien. Selon lui, il est capital que le Québec ne se fasse pas complice de l’anglicisation qui le menace, en particulier dans les secteurs de l’éducation, du travail et de l’immigration.
Les IPSO croient que les mesures que compte annoncer le ministre Jolin-Barette seront bien accueillies par une forte majorité de la population. Un sondage effectué il y a trois ans avait en effet montré que 76 % étaient d’accord avec la question suivante, dont 86 % de francophones : « La francisation des immigrants est un enjeu vital pour l’avenir du Québec ».
Or, madame Anne-Michèle Meggs, membre du conseil des IPSO et ex-haut fonctionnaire au ministère québécois de l’immigration, signalait récemment la brèche dans la Loi 101 permettant aux jeunes à statut temporaire de s’inscrire à l’école publique anglaise. Avec une augmentation importante d’immigration temporaire dans les dernières années, cette exception ne constitue plus un phénomène rare et va à l’encontre de la mesure phare de la Charte, soit l’éducation en français pour toutes et tous.
Quant à la sélection des personnes immigrantes qui connaissent déjà le français, un moyen encore plus efficace que la francisation pour assurer une population immigrante francophone, madame Meggs déplorait que ce ministère ne se donne plus de cibles en ce qui concerne la langue des nouveaux arrivants. Elle écrivait dans L’aut’ journal le 17 mars dernier : « On peut deviner pourquoi le gouvernement actuel a décidé de ne plus annoncer de cibles en matière du nombre ou de pourcentage de personnes admises connaissant le français. La raison se trouve dans un document de statistiques publié récemment par le ministère de l’Immigration, de l’Intégration et de la Francisation. On constate que ce pourcentage a baissé plus de 8 points dans les 5 années précédant la pandémie, de 58,2 % en 2015 à 49,8 % en 2019 ». Elle notait aussi que la cohorte des étudiants internationaux se dirigeait largement vers les institutions anglophones.
Le politologue Pierre Serré, lui aussi membre du conseil d’administration des IPSO, s’interrogeait récemment sur la composition de ce qu’il est convenu d’appeler la « minorité anglo-québécoise». D’après des compilations spéciales de données de Statistique Canada, rappelait-il, cette minorité comptait en 2016 258 605 personnes, soit à peine 3,2 % de la population québécoise, en hausse de 7447 par rapport au recensement de 2006.
« Si la minorité anglo-québécoise n’est plus que relique, la communauté anglophone, elle, existe et se porte très bien. Selon la « Première langue officielle parlée » (PLOP) définie par la loi fédérale sur les langues officielles de 1969, cette communauté comptait 1 103 475 personnes en 2016. C’est sur cette base qu’est déterminée l’offre de services publics fédéraux pour les anglophones au Québec, et pour les francophones ailleurs au Canada. À ce noyau constituant la minorité anglo-québécoise, on ajoute pêle-mêle citoyens et non-citoyens, immigrants et enfants d’immigrants, francophones et allophones anglicisés, francophones et allophones utilisant l’anglais en public comme Première langue officielle parlée, et des Canadiens venus des autres provinces. Avec seulement 23 % de tous les locuteurs de PLOP anglaise, la minorité anglo-québécoise est noyée dans ce qui compose la « communauté anglophone ».
« Il apparaît clair qu’il y a là un équilibre à restaurer dans l’allocation des ressources de l’État québécois et les prochaines mesures devront impérativement y contribuer », a conclu Jean-François Payette
Pour les IPSO, la langue française constitue le ciment sur lequel pourra s’édifier un pays indépendant.
Les Intellectuels pour la souveraineté (IPSO) ont été fondés à l’occasion du référendum de 1995. Depuis, leurs membres ont publié plus de 400 textes dans les journaux et les revues scientifiques.
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