Me Yassine Bouzrou @ NIVIERE/SIPA
Maitre Yassine Bouzrou s’est servi d’une vidéo d’un contrôle de police, dont il ignorait pourtant le contexte, afin d’accuser une fonctionnaire de police d’agression sexuelle. Les informations de contextualisation que Valeurs actuelles a pu se procurer offrent pourtant une tout autre perspective.
Totalement sortie de son contexte, la courte vidéo avait de quoi indigner les indignés. Et ça n’a pas manqué. D’abord relayée sur Twitter via le compte d’extrême-gauche « Manif System », la vidéo s’est rapidement répandue sur la toile comme une nouvelle illustration des violences policières. Qu’y voit-on ? Un fonctionnaire de police palper le soutien-gorge d’une femme dans le cadre d’un contrôle. La vidéo est accompagnée de ce commentaire : « Wsh déjà c une femme ki doit palper et ce fdp de pervers la », ce qui en français pourrait se traduire par : « Diantre, c’est une femme qui devrait palper cette autre femme, et non pas ce pervers de policier ».
De quoi interpeller Maître Yassine Bouzrou, l’avocat des Traoré, qui a fait des actions policières en particulier, et de l’autorité de l’Etat en général, son combat principal. « Ce n’est pas une palpation de sécurité mais une agression sexuelle. Beaucoup s’en plaignent, mais peu ont la chance d’avoir une vidéo » a indiqué Yassine Bouzrou, en commentaire de la vidéo, sur son compte Twitter. Son analyse a été relayée plus de 10 000 fois sur le réseau social en quelques heures, suscitant l’ire des militants anti-police.
La réalité est pourtant tout autre. Contacté par Valeurs actuelles, le Service d’information et de la communication de la Police nationale (Sicop), nous indique que la scène remonte à mercredi 10 mars. Or, le policier effectuant la palpation n’est autre qu’une policière, et plus exactement un brigadier de la compagnie départementale de Nice. La confusion viendrait de sa coupe de cheveux (courts), qui pourrait faire penser à celle d’un homme, alors qu’il s’agit bien d’une femme.
Le lieu de l’intervention policière a lui aussi son importance. Il s’agit du quartier Saint-Augustin à Nice, et plus exactement de la cité des Moulins comme indiqué sur la vidéo, un « haut lieu du trafic de stups » indique une source policière. Une réquisition du procureur permet même aux forces de l’ordre d’effectuer des contrôles réguliers sur place afin d’enrayer les trafics. Parmi les trois commissariats de Nice, l’un se trouve juste à côté de la cité des Moulins, en plein quartier Saint-Augustin, et abrite la brigade départementale de Nice, à laquelle appartient la policière visible sur la vidéo.
La femme palpée n’est autre que la conductrice d’un véhicule, dont le passager détenait de la drogue
C’est précisément dans ce quartier de Nice que le Premier ministre, Jean Castex, s’est rendu en juillet 2020, à la suite d’une fusillade sur fond de trafics de drogue, pour annoncer la généralisation de la forfaitisation de l’usage des stupéfiants à compter du mois de septembre 2020. Jean Castex était accompagné du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, du ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, ainsi que du maire de Nice, Christian Estrosi, qui réclamait des moyens supplémentaires. Ce déplacement très politique avait eu comme conséquence une importante opération anti-stupéfiant deux mois plus tard, toujours dans la cité des Moulins, lors de laquelle lors de laquelle soixante-dix policiers avaient investi les lieux.
Concernant la vidéo qui nous intéresse, et toujours d’après nos informations, le contrôle effectué visait les personnes circulant dans le véhicule gris visible sur la vidéo. La femme palpée n’est autre que la conductrice de ce véhicule. Le passager qui l’accompagnait dans la voiture a été lui aussi contrôlé. Il a été verbalisé pour détention de stupéfiant. Le contrôle s’est par ailleurs déroulé sans problème majeur.
Aucune preuve, beaucoup de militantisme
Reste à savoir s’il s’agit d’une palpation abusive. Or, sur ce point précis, la loi semble donner là encore tort à l’avocat des Traoré. L’article R434-16 du Code de la sécurité intérieure, qui encadre la pratique du contrôle de police, énonce que « le contrôle d’identité se déroule sans qu’il soit porté atteinte à la dignité de la personne qui en fait l’objet » et qu’il peut donner lieu à une palpation si nécessaire. « La palpation de sécurité est exclusivement une mesure de sûreté. Elle ne revêt pas un caractère systématique. Elle est réservée aux cas dans lesquels elle apparaît nécessaire à la garantie de la sécurité du policier ou du gendarme qui l’accomplit ou de celle d’autrui. Elle a pour finalité de vérifier que la personne contrôlée n’est pas porteuse d’un objet dangereux pour elle-même ou pour autrui » détaille le Code de la sécurité intérieur. Aucun élément de la scène filmée ne laisse à penser que l’agent de police effectue une palpation abusive, d’autant que la palpation a lieu sur un point de deal et que, par conséquent, la fouille s’avère pertinente pour chercher de la drogue.
Certains internautes se sont également étonnés que la palpation ait lieu en pleine rue. Mais sur ce point aussi, la loi est claire : « Chaque fois que les circonstances le permettent, la palpation de sécurité est pratiquée à l’abri du regard du public. » Or, une fois de plus, « les circonstances » ici ne sont pas connues. On ne peut donc pas juger l’action de la police. Autre paradoxe, ceux qui voient dans cette palpation un attouchement sexuel sont les mêmes qui s’indignent du fait que la palpation ait eu lieu en pleine rue. Un policier qui commettrait une bavure chercherait plutôt à le faire à l’abri des regards.
Les femmes qui livrent du stupéfiants (les livreuses) cachent souvent la cocaïne ou le cannabis dans l’armature de leur soutien-gorge ou dans leur culotte. En cas de contrôle, les équipages étant essentiellement masculin, c’est plus compliqué de les palper.
Côté police justement, l’indignation est au rendez-vous face à cette instrumentalisation. Sur Twitter, nombreux sont les agents à avoir réagi via des comptes anonymes, compte tenu de leur devoir de réserve… Ce qui n’empêche pas l’un deux de se confier sur son expérience, pour expliquer cette minutieuse palpation : « Les femmes qui livrent du stupéfiant (les livreuses) cachent souvent la cocaïne ou le cannabis dans l’armature de leur soutien-gorge ou dans leur culotte. En cas de contrôle, les équipages étant essentiellement masculin, c’est plus compliqué de les palper. » D’où l’importance pour la police, notamment, de recruter des femmes, aiment à rappeler les agents de terrain. Mais cette ruse ne permettrait pas seulement de cacher de la drogue, explique le même policier. « Parfois, des femmes toxicomanes cachent des lames de cutter dans leur soutien-gorge, nos palpations sont donc minutieuses. » Le visionnage de la vidéo permet de constater que l’agent de police scrute principalement l’armature du soutien-gorge.
« Nous dénonçons ces accusations infondées qui visent à jeter l’opprobre sur toute une profession » explique à Valeurs actuelles Matthieu Valet, secrétaire national du syndicat indépendant des commissaires de police. « D’autant qu’elles viennent en partie d’un auxiliaire de justice qui devrait être soumis à une certaine déontologie » ajoute-t-il, un éclair au café à la main.
Interpellée sur Twitter, la Police nationale affirme examiner les images pour en savoir plus. Mais, selon nos informations, aucune enquête ne devrait être ouverte, le contrôle ayant été effectué dans le respect des règles. Dan la journée du vendredi 12, soit environs 12 heures après le début de la polémique, la police a publié un communiqué officiel, qui n’a pas empêché Me Yassine Bouzrou de maintenir ses graves accusations en expliquant que : « Le droit de palper n’autorise pas à peloter. Il convient de rappeler qu’une agression sexuelle ( attouchements en l’espèce ) peut être commise par un homme ou une femme. (Je n’ai d’ailleurs jamais précisé le sexe du « palpeur») ».
Source : Marianne
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