Par Khider Mesloub.
This article is available in 5 languages on this webmagazine:
1.03.2021-droitsfeminisme-English-Italiano-Spanish
Une campagne médiatique effrénée a été déclenchée ces dernières années pour dénoncer les agressions sexuelles sur des femmes. Depuis lors, la parole féministe s’est ‟libérée” pour vitupérer les crimes de nombreuses personnalités célèbres officiant dans le monde de la culture, des affaires, de la politique. Il est à noter que cette indignation a aussitôt fait l’objet de récupération par la classe dominante, relayée par les médias, sous forme d’une campagne de culpabilisation des hommes et d’appel à la délation opéré sur les réseaux sociaux via une application « les hommes sont tous des porcs ». Disons-le nettement : cette campagne de victimisation, idéologiquement instrumentalisée par la bourgeoisie, a pour dessein de transplanter l’antagonisme social sur le champ du conflit sexuel : « femmes contre hommes ». Avec une exploitation sournoise des traditionnelles thématiques morales fondées sur le puritanisme et la pudibonderie, comme au temps obscur des sociétés archaïques religieuses sexuellement ségréguées.
Dans cette campagne de revendications séparatistes sexuées, d’aucuns se sont empressés de réclamer l’instauration d’une « loi réprimant le harcèlement de rue » (incluant la traditionnelle « drague » désormais assimilée à de l’agression), aspirant transformer ainsi les artères en zones parsemées de zombies, en endroits de défiance, de méfiance, de silence.
Gare à celui qui s’égare par un regard dénué d’égard. Attention à celui qui manifeste quelque geste leste. Gare à celui qui ose quelque prose en guise de roses à celle qui affiche une coquette pose. La cause est entendue. Désormais les relations sont tendues. Et les contre-attaques féministes rendues. Ainsi, par la propagation de cette psychose misandre est radicalisée la division sexuée de la société, pour le plus grand profit de l’ordre capitaliste.
À l’instar des sociétés des États-Unis et du Canada, façonnées par les séparatismes et la distanciation sociale, le cloisonnement relationnel sexué marquera bientôt les rapports humains. Dans ces deux pays, en cas d’infraction des gestes barrières sexués, au sein des entreprises comme dans la rue, l’homme s’expose à des poursuites judiciaires pour un regard jugé concupiscent, un geste « réputé » tendanciellement obscène, ou une parole tenue pour tendancieuse. Au point où la mixité dans les lieux de travail et l’espace public est devenue aujourd’hui problématique en raison des potentielles accusations d’agressions sexuelles portées par les femmes. Aussi, réduits à des automates, ces hommes et femmes doivent-ils brider leurs sentiments, surveiller leurs gestes, censurer leurs paroles. En somme, ils doivent se défaire de toute familiarité affectueuse, se délester de toute séduction galante. Bref, ces femmes et hommes, déjà intellectuellement lobotomisés, sont condamnés par la société robotisée à se départir de tout contact réellement humain. (À mettre en corrélation avec les soi-disant gestes barrières et de distanciation sociale (sic) qu’ils imposent dans le cadre de l’hystérie pandémique de la COVID-19. NDLR)
Il est à noter que cette mode intervient curieusement à une époque d’islamisme rigoriste répandu partout dans le monde, marqué par le rejet et l’interdiction de la mixité dans l’espace public, l’encagement vestimentaire ségrégationniste de la femme. Cela interpelle. Dans les périodes de résurgence de politiques réactionnaires les diverses bigoteries religieuses et « laïques » font bon ménage. Les petits et infâmes esprits se rencontrent, au-delà des époques et des frontières, et par-delà leurs divergences religieuses et différences culturelles, pour imposer un puritanisme inquisitorial. Ces projets de séparatismes et de ségrégations sexuées en vogue actuellement participent de la politique de fragmentation du prolétariat en de multiples entités sociologiques disparates. Ils signent le parachèvement de l’aliénation du prolétariat, désormais dilué dans des microsociétés aux intérêts antinomiques, au grand bénéfice du capital toujours solidement uni. (Nous ne croyons pas que le grand capital soit uni – au contraire – la crise politico-sociale mondiale actuelle démontre la concurrence mortelle qui oppose les différentes factions du capital en guerre de succession. NDLR)
Partie des États-Unis, au lendemain des accusations de viol portées contre le producteur américain Harvey Weinstein, cette campagne misandre s’est exportée, tel un produit marchand judiciairement lucratif, dans de nombreux pays, notamment en France. Certaines féministes se sont engouffrées dans la brèche hollywoodienne avec un vagissant plaisir. Dans leurs délires hystériques, elles invitent toutes les femmes à se muer en délatrices sur le web puis dans le réel, pour dénoncer les ‟prédateurs”. « Le mâle, c’est le Mal », veulent-elles suggérer (scindant ainsi la classe prolétarienne en deux sectes antagonistes – voilà le résultat de l’agiotage de la gauche féministe. NDLR) Le féminisme ne dénonce ainsi jamais le capital, ni le salariat. Mais uniquement le patriarcat (par ailleurs consubstantiellement inhérent aux sociétés de classe, donc au capitalisme).
Bienvenue à l’érection du sociétal en instrument de combat, de débat, d’ébat. Adieu à la problématique sociale, à la Question sociale, à la revendication sociale, à la lutte sociale. L’entre-jambe est devenu la caisse de résonance des frustrations sociales, et surtout l’arme de dissonance libertaire sociétale.
Le paradoxe de ce néo-féminisme réactionnaire, c’est qu’il séduit et triomphe par sa seule visibilité sur les grandes chaînes audiovisuelles des puissants, dans un espace médiatique largement coupé des rapports sociaux. À l’inverse du féminisme radical d’antan qui triomphait par son ancrage dans le mouvement de luttes sociales et politiques émancipatrices. Ainsi, on est passé du féminisme radical au féminisme ridicule. (Au féminisme collaborationniste manipulée par les médias bourgeois au service des riches. NDLR)
À titre d’information, il n’est pas inutile de rappeler que durant la Commune de Paris comme pendant la Révolution russe et Mai 68, on n’avait jamais observé l’émergence de mouvements féministes. Car le combat total et radical engagé impliquait la participation égale des femmes et des hommes. Les revendications n’étaient pas fragmentées, les luttes parcellisées, « genrées ». La question de la femme s’intégrait dans le combat de l’émancipation intégrale de la communauté humaine. Elle s’inscrivait dans le combat collectif de l’affranchissement de toutes les formes d’oppressions. Ces oppressions qu’on continue encore de subir, femmes et hommes.
Dans cette société du spectacle, chacun peut jouer la comédie, pour mieux masquer la tragédie de sa vie. Le combat féministe est devenu ainsi une lubie petite bourgeoise étroitement communautaire. En effet, en quoi l’agression d’une femme, le viol d’une femme, concernerait-il uniquement les femmes ? Ces agressions et ces viols ne relèvent-ils pas plutôt d’un problème de société qui concerne tous les individus, sans distinction de sexe ? Et leur traitement ne doit-il pas prendre place dans le cadre d’une interrogation globale sur l’incapacité du système capitaliste à instaurer des rapports d’égalité entre hommes et femmes.
Ces comportements criminels ne dévoilent-ils pas l’incapacité de cette société capitaliste prétendument civilisée à protéger les femmes, à affranchir l’homme du carcan patriarcal ? D’offrir une égalité réelle entre hommes et femmes ? Des rapports authentiquement humains ? (Des rapports sociaux sont toujours par essence « humains » la question étant de quelle humanité parle-t-on ici? NDLR) Ne révèlent-ils pas la nature encore archaïque de cette société marquée par la mentalité patriarcale, la prégnance de la misogynie, la phallocratie. D’où il résulte qu’un siècle de luttes féministes dans le cadre du système capitaliste criminogène n’a en rien modifié les comportements des hommes. Quoi qu’il en soit, l’indignation morale des féministes face aux humiliations et dégradations « réservées » aux femmes révèle leur impuissance à comprendre que le capitalisme recèle toutes les formes d’injustices inhumaines, qu’aucune instance, encore moins féministe, ne peut endiguer. (Ce qui implique que ce ne sont pas les injustices parcellisées que nous devons combattre mais le système tout entier NON pour le réformer mais pour l’abattre définitivement. NDLR)
Seule une transformation sociale, autrement dit une révolution prolétarienne, peut anéantir toutes les formes d’oppression et d’exploitation, avec leurs lots d’humiliations sociales des travailleurs, de dégradations comportementales des femmes. Tant que survit le capitalisme, les rapports sociaux de domination perpétuent et la subordination du travailleur et l’infériorisation de la femme. Comme l’a écrit August Bebel dans La Femme et le Socialisme, qui demeure encore d’une grande acuité : « Ce que l’on nomme la question des femmes ne constitue donc qu’un côté de la question sociale générale. Celle-ci agite en ce moment toutes les têtes et tous les esprits ; mais la première ne peut trouver sa solution définitive qu’avec la seconde ».
Force est de constater que le féminisme se répand surtout en période de « paix sociale », de reflux de lutte des classes, d’amollissement politique, d’apathie militante, de fléchissement de la conscience de classe. Comme la nature a horreur du vide, les néo-féministes sectaires se sont engouffrées dans cette brèche de vacuité politique pour imposer leur agenda sociétal. Au reste, il n’est pas inutile de rappeler qu’il n’y a jamais eu autant de mouvements revendicatifs parcellaires dans l’histoire comme à notre époque. Le mouvement féministe, le mouvement écologiste, le mouvement antiraciste, anti-violence-policière, le mouvement homosexuel, transgenre, transsexuel, de défense des monuments, le mouvement de la protection des enfants, des animaux, du climat, de la nature, de l’atmosphère, etc. C’est l’époque bourgeoise (gauchiste et droitiste) de l’émiettement des luttes, garantes du raffermissement du capital. Parallèlement, il n’y a jamais eu une période, marquée par le démantèlement des acquis sociaux, la dégradation des conditions de vie, de l’écosystème, la régression politique, l’expansion du chômage, de la misère, de la famine, des guerres généralisées, d’exodes massifs, de pathologies psychiatriques, le délitement des liens sociaux, la déstructuration des familles, les violences intrafamiliales, la militarisation de la société, les répressions policières, etc., dans le silence criminel de toutes les organisations politiques de gauche – de droite et des centrales syndicales et des sectes en tout genre.
Pour revenir aux néo-féministes, il est de la plus haute importance de relever qu’elles se sont ébranlées seulement au moment où des célébrités étaient rentrées en scène pour dénoncer les agressions et viols dont elles avaient été victimes de la part d’hommes hauts placés mais aux mœurs déplacées. Elles sont de fait beaucoup moins promptes à s’émouvoir quand des femmes prolétaires anonymes sont agressées, exploitées sur leur lieu de travail.
Osons le dire : par leur empressement à s’indigner contre les agressions sexuelles commises contre ces grandes Dames du sérail médiatique, politique et culturel, ces féministes exprimaient ainsi inconsciemment leur solidarité de classe bourgeoise. À cet égard, les comportements prédateurs exposés sous les feux de la rampe sont souvent l’œuvre d’hommes des classes opulentes dirigeantes. Détendeurs de pouvoirs dans différents secteurs économiques, politiques et culturels, ces hommes usent et abusent de leurs prérogatives pour assouvir leurs bas instincts sexuels, exercés au nom de leur droit patriarcal de cuissage. Ces pratiques de séduction forcée sont l’apanage de cette engeance lubrique établie dans les hautes sphères, dans les entreprises privées comme dans les administrations publiques, dans les secteurs culturels et médiatiques.
Toutes les affaires d’agression sexuelle, comme celle de Harvey Weinstein, de DSK, Bill Clinton (l’affaire Monica Lewinski), Berlusconi (qui recrutait des jeunes call girls pour des « parties fines », parfois âgées de moins de 16 ans), sont révélatrices des mœurs dépravées des classes dirigeantes. Ces mœurs se conforment à l’esprit de prédation de la bourgeoisie. Dans les hautes sphères, n’importe quel petit chef, grisé par le sentiment de toute puissance et d’impunité, se meut en prédateur sexuel. Il profite de son pouvoir directionnel pour exiger, par le harcèlement et la pression, d’exercer son droit de cuissage.
Aujourd’hui, un certain féminisme tente de culpabiliser tous les hommes indistinctement de leur comportement et de leur appartenance de classe. De désigner à la vindicte médiatique chaque mâle. D’abord en focalisant l’attention sur les femmes (trop nombreuses évidemment) mortes sous les coups de leur compagnon. Or, il s’agit d’un problème de société global, non pas féministe. Autrement dit, un problème généré par la société capitaliste vectrice de violences protéiformes. En effet, si, dans la société, plusieurs catégories sont opprimées, ostracisées, telles que les femmes, les immigrés, les homosexuels, les communautés ethniques, ce n’est pas en raison de leur particularisme, mais du fait de la particularité du capitalisme qui fonctionne sur la répartition des êtres humains en fonction de leur catégorie sociale, sur des rapports sociaux d’exploitation, vecteurs de concurrence de tous contre tous, d’esprit de domination et de prédation. Dans le système capitaliste, on devient toujours le « prolétaire », le « colonisé » de quelqu’un formé selon les normes de domination érigées en valeurs absolues par les structures de conditionnement de l’esprit. Une société de classe reproduit intrinsèquement des schèmes de pensée ‘‘esclavagistes’’, des structures mentales de domination véhiculées par les normes de socialisation dispensées par des institutions éducatives légitimant moralement l’asservissement salarial, la division sociale, l’inégalité économique, en un mot l’assujettissement d’une classe (aujourd’hui prolétarienne).
Or le capitalisme est une société de classe, fondée sur l’exploitation et l’oppression. Aussi induit-il infailliblement, par reproduction de son système de valeurs de domination, des injustices, des rivalités, des conflictualités sociales, des rapports de forces, notamment entre les sexes, communautés, ethnies, nations, etc. Par l’intériorisation des représentations mentales (ensemble structuré de croyances acceptées et partagées par la société) de domination, inhérentes aux sociétés de classe, les individus perpétuent des référentiels culturels et sociétaux archaïques, même au sein des sociétés modernes «démocratiques».
Ainsi, tant que le capitalisme domine la société, il y aura toujours des femmes opprimées, des communautés ostracisées, des nations dominées. Aucun aménagement politique ni mutation mentale ne sont possibles au sein de cette société d’exploitation et d’oppression. Pour modifier les mentalités, il faut d’abord transformer le monde.
Cependant, il est légitime que des femmes, révoltée par l’injustice réservée à la gent féminine, veuillent lutter contre ces discriminations sociales, les violences sexistes. Mais elles se fourvoient par leur engagement sur la voie d’un féminisme étroit, mouvement axé exclusivement sur la lutte pour « l’égalité entre les sexes », au sein d’une société capitaliste par essence inégalitaire et violente. Il s’agit d’un combat infailliblement voué à l’échec. Car la condition dégradée de la femme ne peut être pensée indépendamment du système capitaliste.
Aussi, pour changer radicalement la condition asservie de la femme, il faut anéantir le capitalisme.
Aujourd’hui, avec la médiatisation extrême des affaires de violence et de viol, il est légitime de s’interroger sur les véritables mobiles de ces couvertures médiatiques par les médias des riches. Dans les périodes troubles comme celle d’aujourd’hui, il est clairement évident que la focalisation sur ces affaires permet d’éluder les vrais problèmes sociaux, de reléguer au second plan les difficultés économiques : explosion du chômage, augmentation exponentielle de la précarité, dégradation des conditions de travail, faillite de milliers de commerces et d’entreprises, gestion criminelle de la crise sanitaire, etc. À cet égard, il est important de souligner que la classe dominante, pour renforcer la croyance dans la démocratie bourgeoise, s’active à entretenir la propagande sur « l’inacceptabilité » de toutes les discriminations au sein du capitalisme. Aussi, pour lutter contre le racisme, la misogynie avec son corollaire de violences et de viols, il suffirait, selon elle, de s’en remettre à la justice. Or, aucune pénalisation des conduites avilissantes envers les femmes ne peut annihiler les violences et déviances sécrétées par une société fondée sur l’exploitation, l’oppression, l’inégalité sociale, la prédation, la concurrence, la répression judiciaire, la violence policière. Cette protection judiciaire offerte par l’État bourgeois ressemble à la corde qui soutient le pendu. Le capitalisme porte en lui la guerre comme les nuées l’orage, a dit Jaurès. De même porte-il en lui les maltraitances et les violences à l’égard du prolétaire, en général, et de la femme, en particulier.
Sans absolument cautionner ni encore minorer ce dramatique problème de violences perpétrées contre les femmes (objet de notre prochain texte consacré au féminicide), on voudrait néanmoins dévoiler une autre violence encore plus dramatique et massive infligée à des millions de femmes et hommes dans le monde, sans qu’elle ne soulève ni indignation, ni protestation de la part des féministes. Au contraire, personne n’en parle. Il n’existe aucune organisation qui combat ces viols psychologiques, ces harcèlements patronaux, ces assassinats professionnels quotidiens perpétrés à petit feu dans le silence complice général.
Il s’agit de la violence subie au travail, dans toutes les entreprises. Cette « violence professionnelle » tue et handicape des centaines de personnes par jour (mais cela fait partie du système et constitue une des lois de sa reproduction. NDLR). Qui sait que les accidents du travail tuent un travailleur (sans distinction de sexe) toutes les quinze secondes. Soit 6300 personnes par jour. Au total, chaque année, 2,3 millions d’hommes et de femmes travailleurs sont tués sur leur lieu d’exploitation pour cause d’absence de mesures de sécurité, d’incurie criminelle des patrons (de courses concurrentielle aux profits. NDLR) Sans compter les autres millions de travailleurs blessés, déclarés inaptes à vie. Véritable génocide perpétré dans les entreprises dans l’indifférence générale. Sans oublier toutes les autres formes de harcèlements infligés quotidiennement aux salariés dans les entreprises. Les brimades. Les suicides. L’aliénation. Les inégalités entre travailleurs « intellectuels » (grassement rémunérés) et les travailleurs manuels (misérablement payés), entre concepteurs (valorisés) et exécuteurs (méprisés). De cette inégalité entre travailleurs intellectuels et manuels, personne n’en parle, ne la condamne. (Ce que nous ne souhaitons pas faire – mais simplement la soulignée comme étant intrinsèque à ce mode de production capitaliste moribond que nous devons détruire. Voilà le vaccin que nous devons propager. NDLR) L’inégalité des richesses entre la minoritaire classe dominante parasitaire et la majoritaire classe laborieuse, personne ne la dénonce. Le capitalisme est mortifère. Il pollue. Il est raciste, sexiste, impérialiste, toxique, nocive, pathogène, viral, létal. Aujourd’hui, il prouve qu’il est incapable de venir à bout d’un simple virus, du fait de sa sénilité, sa décadence. Le coronavirus a permis de dévoiler l’état de morbidité avancée du capitalisme, devenu dangereux pour l’humanité. Car, non seulement il a prouvé son incapacité congénitale à nourrir l’humanité, mais aujourd’hui il démontre notoirement son inaptitude à protéger l’humanité des maladies, notamment en raison du démantèlement des services sociaux et infrastructures hospitalières opéré ces dernières décennies.
Certes, les mouvements féministes ne datent pas d’aujourd’hui. Mais, l’ancien féminisme radical était inscrit dans la dynamique d’émancipation humaine portée par les organisations ouvrières. En effet, le mouvement ouvrier avait mis en évidence la condition dégradée de la femme dans la société capitaliste. Dans son livre-enquête La Situation de la Classe laborieuse, Engels avait décrit les conditions inhumaines du prolétariat, en particulier celles des enfants et des femmes contraints de travailler dans les manufactures et les mines. Dans son autre ouvrage, L’origine de la famille, de la Propriété et de l’État, Engels avait établi que la situation de subordination des femmes est liée à la division de la société en classes sociales, à l’existence de la propriété privée. Il avait démontré que l’assujettissement de la femme à l’homme ne relève pas d’une donnée morale ou physique, mais de conditions matérielle et sociale. Certes, le mode de production capitaliste a permis à la femme de s’intégrer dans la production, mais sans annihiler les structures de soumission de la femme à l’homme, matérialisées par le mariage et la famille, la mentalité patriarcale encore prégnante parmi certaines populations masculines. Autrement dit, le système capitaliste perpétue l’infériorisation de la femme, son statut d’objet au service de l’homme. (Seul la destruction de ce mode de production pourra mettre fin à cette forme de l’aliénation en même temps que toutes les autres. NDLR)
Quoi qu’il en soit, la libération et l’émancipation de la femme ne se réaliseront jamais dans le cadre de la société capitaliste. Le combat de la femme est consubstantiellement lié à celui de l’homme, son égal et vice-versa. Leur ennemi est commun : le capitalisme, les traditions archaïques oppressives, le patriarcat, les religions régressives et agressives, les comportements destructeurs, les attitudes antisociales, les valeurs marchandes, produits d’un capitalisme en putréfaction.
Aujourd’hui, leur principal adversaire, c’est la fragmentation de leur lutte en revendications parcellaires.
L’esprit de corporatisme étroit du néo-féminisme actuel est préjudiciable au mouvement collectif d’émancipation prolétarien. Il contribue à l’accentuation de l’aliénation du prolétariat. Faut-il mener un combat de classe émancipateur ou une lutte catégorielle d’aménagement sexuée au sein d’une société d’exploitation et d’oppression ? Force est de constater que le mouvement féministe s’inscrit dans une dynamique de revendications interclassistes. Ses actions sont inévitablement circonscrites dans le cadre des structures sociales existantes. Aussi, demeurent-elles enfermées dans le registre légal circonscrit par le système dominant, dans une politique de supplication formulée à destination de l’État, seule instance, selon les féministes, habilité à infléchir le pouvoir sexiste des mâles dominants, d’impulser une politique plus favorable aux « minorités opprimées », d’imposer une égalité de droits. Avec une telle orientation réformiste, la portée des revendication féministes ne peut dépasser le périmètre législatif contrôlé par des représentants par ailleurs réfractaires à toute modification du système dominant basé sur l’exploitation et l’oppression. Au reste, ce féminisme réformiste constitue un péril pour le prolétariat car il occulte le caractère de classe de la société, les rapports sociaux conflictuels (à suivre la logique du néo-féminisme dominant, toutes les femmes auraient les mêmes intérêts économiques et sociaux, l’ouvrière comme la bourgeoise).
Ce féminisme est la voie royale du dévoiement de la lutte émancipatrice, de l’émiettement du combat salvateur, de la fragmentation de la conscience politique révolutionnaire. En un mot : de la stérilisation de l’affrontement de classe. Ce féminisme est le meilleur allié du capital. Il enferme la lutte dans le restreint cadre ghettoïsant de la défense parcellaire et interclassiste. Aussi, perpétue-t-il l’aliénation.
Comme l’a écrit la militante ouvrière Flora Tristan en 1843 dans son livre L’Union ouvrière : “L’affranchissement des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. L’homme le plus opprimé peut opprimer un être, qui est sa femme. Elle est le prolétaire du prolétaire même”. (sic) En d’autres termes, pour endiguer toutes les violences perpétrées contre la femme, l’oppression de la femme par l’homme, il faut prioritairement abolir l’exploitation de l’Homme par l’Homme.
Khider Mesloub
Nota Bene : Pour illustrer notre propos, rapportons une anecdote déroulée en Algérie. Un monsieur, malade, se rend consulter un médecin. Après auscultation, le médecin diagnostique une tuberculose. Il lui prescrit un traitement efficace. Le patient prend son traitement. Au bout de quelques semaines, il est guéri. Mais un an plus tard, il retourne voir son médecin. De nouveau, ce dernier diagnostique une tuberculose. Traitement. Guérison. Un an après, le patient retourne voir de nouveau son médecin. Ce dernier constate une rechute, il diagnostique une tuberculose. Traitement. Guérison. De nouveau, le patient rechute. Retourne voir son médecin. Mais cette fois, le médecin interpelle directement son patient : « ce n’est pas d’un Médecin dont vous avez besoin, mais d’un Politique. Autrement dit, d’une instance politique révolutionnaire, seule apte à soigner définitivement vos conditions d’habitation insalubre génératrices de votre maladie : la tuberculose. Car se sont vos conditions matérielles qui engendrent votre maladie ». C’est le capitalisme qui génère constamment chômage, misère, guerres, famines, racisme, impérialisme, misogynie, etc. Et ce ne sont pas les politiciens qui pourraient nous sauver. En d’autres termes, aucune médication politicienne (électorale, syndicale, féministe, sociétale) ne peut abolir toutes les formes d’injustices et d’oppression (chômage, racisme, impérialisme, misogynie, etc.) générées par le capitalisme. Seule une transformation sociale radicale de la société peut y remédier, entreprise par l’ensemble du corps social exploité et opprimé.
Source: Lire l'article complet de Les 7 du Québec