L’échec des mécanismes mis en place par les accords de Minsk pour résoudre le conflit dans le Donbass est flagrant, ils ont permis de geler le conflit en attendant l’émergence d’une volonté politique, quelle qu’elle soit, pour faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre, à savoir vers une intégration du Donbass en Russie ou de son retour en Ukraine. En attendant, les populations restent balancées entre attente et attentats, inquiétude d’une reprise du conflit et désespoir de ne jamais le voir finir. Dans la jeune République de Donetsk, les dirigeants se disent prêts au combat. Mais pour quel combat ? Pensent-ils réellement que les États-Unis arrivent dans une phase de dégel du conflit sur le mode de la guerre éclaire dans le Haut-Karabagh, car la phase finale de la guerre globale pour la Russie est arrivée ? Ou bien le combat à gagner est justement celui qui se déroule maintenant, gelé et engluant. Pour quel combat la Russie est-elle prête aussi ?
Denys Pouchiline, à la tête de DNR, de déclarer ne pas exclure une attaque massive de l’armée ukrainienne contre le Donbass et d’assurer que la doctrine militaire en tient compte et prévoit une réponse. Le représentant de DNR dans le groupe de contact de déclarer que, vue l’intensification des violations des accords de Minsk par l’Ukraine ces derniers-temps, un retour à une phase chaude du conflit n’est pas exclu. En effet, en février, pour la première fois depuis juin dernier, le calibre des tirs a augmenté ainsi que leur fréquence.
Certes, l’élection de Biden redonne des ailes à l’Ukraine, engluée dans un conflit qui la dépasse, qui la détruit. Mais peut-on pour autant sérieusement attendre une véritable opération militaire atlantiste sous drapeau ukrainien ? Ici, deux scenarios sont envisageables.
Dans un premier cas, les États-Unis ont besoin de ce conflit gelé pour continuer à faire pression sur la Russie. Bien que les États-Unis dénoncent officiellement une activité déstabilisatrice de la Russie, qui serait un danger pour tous les membres et partenaires de l’OTAN, revenir alors à un scénario prioritairement militaire serait étonnant si les États-Unis n’envisagent pas une attaque géopolitique finale contre la Russie :
- Tout d’abord, parce qu’il ne correspond pas à la manière dont l’Ukraine mène cette guerre. La tentative initiale d’une intervention militaire rapide s’est soldée par un échec cuisant, dont seul l’arrêt des combats avec les accords de Minsk l’a sauvée d’une défaite totale. L’implantation de « conseillers » de l’OTAN permet aujourd’hui une certaine stabilité. Ce cadeau a été possible, également parce que la Russie ne voulait pas intégrer plus que la Crimée.
- Ensuite, parce que l’évolution du conflit montre du côté ukrainien à la fois un discours défensif, disant toujours devoir se défendre et non pas assumer une attaque. Pour l’instant, le clan atlantiste ne peut pas se permettre une véritable guerre, avec des morts en pagaille, du sang, de la chaire brûlée. C’est trop voyant, cela sent trop fort. Les oripeaux du mythe de la démocratie triomphante n’y survivraient pas.
- Enfin, la technique mise en place du côté ukrainien est celle d’une guerre sale, digne d’un État terroriste. Dernière illustration en date : dans la petite ville martyre de Gorlovka, la voiture d’un des commandants militaires a explosé, en pleine ville, avec sa fille à bord.
Pour l’instant, la Russie hésite fortement à s’engager dans un processus juridique d’intégration du Donbass, elle digère encore sur la scène internationale la Crimée, elle apporte une « aide humanitaire » au Donbass – et en ce sens, elle ne l’abandonne pas. Cette hésitation est objectivement discutable, puisque de toute manière la situation internationale n’en serait pas aggravée, en tout cas pas pour cette raison, mais c’est le choix politique fait à ce jour par les élites dirigeantes. La Russie continue à soutenir le Donbass, à poser des pions : facilitation d’obtention de la nationalité russe, accords de reconnaissance des diplômes avec certains établissements supérieurs, etc. Et dans le combat diplomatique entre la Russie et le clan atlantiste (US /UE), la carte du Donbass est aussi une carte jouée : si vous poussez trop, on peut y penser … Ne serait-ce que pour cela, il serait surprenant que les États-Unis relancent un véritable conflit, avec tous les investissements que cela comporte, pour permettre à la Russie de ne plus avoir d’hésitation … En revanche faire couler les blessures, jusqu’à épuisement du patient, en alternant les phases de soin et d’écoulement, cette stratégie est prévue pour durer.N’oublions pas qu’aujourd’hui, aucun des conflits en cours n’arrive à être purgé, car des négociations politiques interviennent, suspendent, font durer, dès qu’une situation peut être militairement réglée. Il serait surprenant que le Donbass fasse exception. Quel acteur en jeu aurait le courage d’une volonté étatique ?
C’est bien le deuxième cas, celui d’un dégel du conflit dans le but d’un discrédit insurmontable de la Russie, qu’il faut envisager aussi, surtout après l’intervention militaire aussi inattendue qu’efficace menée officiellement par l’Azerbaïdjan contre l’Arménie dans le Haut-Karabagh, qui a ramené la Turquie aux frontières de la Russie dans la région, Russie qui n’est pas intervenue contre cet étrange « ami » turc, membre de l’OTAN. Car si les États-Unis, avec le retour des démocrates, comprennent qu’il est temps d’attaquer la Russie frontalement, que le combat pour le monde global entre dans une phase finale, le Donbass est l’angle idéal d’attaque. Une force, contre laquelle il serait problématique pour la Russie d’intervenir, comme la Turquie agissant au nom de l’Azerbaïdjan, pourrait relancer le conflit dans le Donbass. Gelé, tant que cela est nécessaire, car dans le Haut-Karabagh, les morts étaient possibles, pas de journalistes, aucun problème sanitaire : c’était le moment de la guerre. Si la Russie n’intervient pas alors militairement pour sauver le Donbass, le pouvoir en place perd le soutien de la population et le pays risque le crash avec une très faible intervention extérieure.
Finalement pour quel combat les dirigeants de DNR se déclarent-ils prêts ? Celui qui est gelé, pas vraiment militaire mais avec des éléments armés, pas vraiment meurtriers mais avec des victimes, ce long combat qui rappelle les tranchées, mais avec une résurgence de vie, ce combat qui vide de sa substance toute vie qu’il faut gagner. Et vite. Ou le conflit décongelé, éclair, qui va mettre la Russie face à un choix stratégique qu’elle n’a pas vraiment envie de faire aujourd’hui.
source : http://russiepolitics.blogspot.com/
Source: Lire l'article complet de Réseau International