Raymond avec sa fille Marine lors de l’hommage 2011 des APLP
Raymond Lévesque est mort dix ans jour pour jour après l’hommage que les Artistes pour la Paix lui avaient rendu à la Chapelle Historique du Bon-Pasteur le 14 février 2011. Le Prix Hommage pour l’ensemble de sa carrière n’était décerné alors que depuis trois ans par Les Artistes pour la Paix qui l’avaient accordé à leurs deux fondateurs, Raoûl Duguay et Gilles Vigneault, puis à la regrettée Hélène Pedneault, fondatrice d’Eau-Secours et enfin à un autre de leurs membres les plus actifs dans la défense de l’environnement et dans la dénonciation de la guerre, Frédéric Back.
Le prix Hommage 2011 fut accordé à un artiste du Québec dont le combat pour la paix et pour la justice sociale marque l’ensemble de sa carrière et de sa vie, les membres du Conseil d’administration s’étant déclarés émus par sa défense opiniâtre des plus démunis, par ses paroles libres et sincères. Sans doute Les Artistes pour la Paix se reconnaissent-ils également dans sa marginalité fière et indépendante !
La vice-présidente Hélène Beauchamp avait, dans son discours, abondamment cité le regretté Bruno Roy, notre secrétaire bien-aimé. Dans sa très belle préface au livre Quand les hommes vivront d’amour, chansons et poèmes de Raymond Lévesque (L’Hexagone, Typo, 1989), Bruno parle avec émotion de celui qu’il appelle le troubadour du monde ouvrier et le travailleur de la chanson. De son travail d’écriture, Roy dit encore : Il se bat contre le mensonge, le profit, le totalitarisme. Il ne cherche pas l’effet littéraire mais utilise plutôt les mots des petites gens, dans le respect de la vie quotidienne. Il écrit des chansons qui véhiculent une profonde conscience sociale. Chansons inquiètes, ou indignées, amères ou fraternelles, joyeuses ou tendres, chacune traduit une constante recherche de la justice humaine ; cela dans une solitude parfois étouffante, parfois explosive. Québécois ou autre, son semblable est son frère. Fraternel Lévesque ! Son discours n’a pas changé au gré des auditoires ou des succès. Rien n’a altéré sa probité, [en]quête inlassable d’un amour universel. » écrit encore Bruno Roy, qui fut président de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois pendant de nombreuses années et Secrétaire au Conseil d’administration des Artistes pour la Paix avant sa mort prématurée.
Hélène raconte : « La carrière du premier compositeur de chanson populaire moderne au Québec, démarre dans les années 1940. À Montréal, il mène la vie de bohême avec le peintre Molinari, l’homme de théâtre Claude Gauvreau, les sculpteurs Armand Vaillancourt et Robert Roussil. Tous de beaux insoumis, artistes aux valeurs humaines et sociales, mais aussi quelque peu incompris de la société d’alors. Rimbaud, Camus, Sartre nourrissent leurs discussions dans les cafés du centre-ville. [Après]des études de musique avec Rodolphe Mathieu et d’art dramatique avec la grande Madame Audet, en 1953, il est de la création de Zone, de Marcel Dubé, qui connaît un succès pan canadien et où il interprète le personnage si touchant de Moineau, joueur de musique à bouche dont le rêve est de devenir musicien professionnel. Il est en France de 1954 à 1959 où les boîtes à chansons les plus importantes l’accueillent. Il fréquente Jacques Brel, Jean Ferrat, Barbara : ils ont le même âge, tous sont en début de carrière. Raymond Lévesque réussit là ses tests de parolier, de mélodiste et de compositeur.
Son verbe est pudique. Le ton est celui de la satire sociale. Il est toujours à l’affût de l’actualité politique. Ses chansons sont vraies, et Bruno écrit : « Il a toujours refusé, écrit Bruno Roy, de devenir un monnayeur public de la plasticité des sentiments, car Raymond Lévesque ne vise ni l’action héroïque ni la déclaration prophétique. À travers ses chansons, son engagement s’exprime dans la critique.
Celui que l’on considère aujourd’hui comme le premier véritable chansonnier politique du Québec moderne a été proclamé Patriote de l’année en 1980, a reçu le trophée Félix pour l’ensemble de son œuvre et en 1997, a reçu le prestigieux Prix Denise-Pelletier qui couronne l’ensemble de la carrière d’un artiste de la scène et, la même année, a été nommé Chevalier de l’Ordre national du Québec. En 2005, il a refusé, comme Fernand Ouellette avant lui, le prix du Gouverneur général par conviction souverainiste, et reçu le Bene Merenti de Patria de la Société Saint Jean-Baptiste de Montréal qui avait organisé une collecte pour l’artiste indigent qui venait de refuser la somme de 15 000$ attachés au prix fédéral.
« L’évolution de Raymond Lévesque ne laisse pas de doute, écrit encore Bruno Roy. Après avoir chanté l’indépendance, contesté les guerres, il se tourne de plus en plus vers les problèmes de survie de l’homme ; il prend position contre la pollution, contre le nucléaire… » « Oui, réplique Raymond Lévesque, mais après tout, l’engagement politique, c’est peu de choses, c’est tout simplement ne pas être indifférent ».
Le président des Artistes pour la Paix Pierre Jasmin a remercié Hélène Beauchamp, historienne du théâtre, ainsi que Gilles Marsolais et Nancy Lange qui ont lu des extraits de ses textes, et surtout Marie-Marine Lévesque qui a chanté deux de ses chansons, accompagnée à la guitare par domlebo. Ce dernier a assuré en outre l’animation de la cérémonie en rappelant que Daniel Gingras a toujours rappelé la constance exemplaire de l’engagement du défenseur des pauvres et en saluant la comédienne Marie-Josée Longchamps qui anime des spectacles entièrement dédiés à Lévesque, montés grâce à la collaboration de Jean-Guy Moreau.
Suite à cette cérémonie, nous avons reçu le message suivant de Raymond Lévesque :
Monsieur Jasmin -Je vous remercie pour cette attention à mon égard; cela m’honore beaucoup. La paix sera possible lorsque les militaires prendront conscience qu’ils ne sont que des pantins aux mains des puissants qui les méprisent. La preuve: quand ils reviennent handicapés, ils sont vite oubliés dans quelques hôpitaux avec une petite pension.
Salutations, ainsi qu’à Madame Beauchamp.
– Raymond Lévesque
Cher monsieur Lévesque,
Le vibrant message que vous nous avez transmis le 14 février sur les guerres (Deuxième Guerre mondiale, Corée, Vietnam, Algérie, Irak, Afghanistan…) sera retenu par tous et toutes, si j’en juge par les commentaires reçus, entre autres de Pascale Montpetit, notre APLP de l’année.
N’est-il pas significatif qu’en plus des victimes chez les militaires (la compassion que vous exprimez aux vétérans est touchante et essentielle), les guerres provoquent des dépenses excessives dont aucun éditorialiste ne parle, évidemment ? Voilà en partie pourquoi nous existons, les artistes pour la paix.
P.J.
PS Je signale aux lecteurs l’importance de la chanson devenue dans la francophonie l’hymne universel pour la paix Quand les hommes vivront d’amour. Merci au compositeur-arrangeur Jacques Faubert qui nous fait parvenir le magnifique enregistrement de l’an 2000 de « Quand les hommes vivront d’amour » avec le baryton André Ouellet, le chœur de Mont-Royal et l’Orchestre Symphonique de Mont-Royal sous la direction du chef Michel Brosseau.
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