C’est avec ce titre à la New York Times que le supplément hebdomadaire du journal La Repubblica, Il Venerdi, a entamé cette nouvelle année. Souhaitant faire un pas de côté devant l’hécatombe qui fait tant couler d’encre, ils ont voulu partir sur une note un peu plus positive. J’ajoute donc ma pierre à l’édifice en présentant le riche parcours et la vie cahoteuse de Dante Alighieri.
En commençant cette nouvelle année, qui pour l’heure n’annonce rien de plus prometteur que la dernière, j’invite les lecteurs à parcourir cette magnifique exposition en l’honneur de Dante présentée par la Galerie des Offices, incontournable musée de Florence.
En raison de sa grande fragilité, cette collection des 88 dessins de l’artiste Federico Zuccari (XVIe siècle) n’a été présentée au public qu’en partie et à deux occasions seulement par le passé. C’est donc une chance en or que de pouvoir admirer toute la collection, et ce, des quatre coins du globe.
Son génie a été le fruit d’une vie tourmentée et sans cesse remuée, comme la terre que l’on sarcle et laboure.
Le directeur du musée, Eike Schmidt, disait que « dès lors, pour cette année 2021, quiconque désirant étudier ou simplement suivre le chemin de la vertu de Dante et de la connaissance pourra parcourir notre site web et en tirer quelque chose pour sa propre vie ».
Entre saint François et Virgile
C’est donc sous l’égide de Dante (1265-1321), ou plutôt sous sa tutelle, que l’on est invité à traverser cette année.
Il convient de savoir que le jeune Durante Alighieri1 (dont Dante est le diminutif) a été un homme de son siècle : intrigant, amoureux, ambitieux. Ce serait pure folie que de contester son génie, mais celui-ci a été le fruit d’une vie tourmentée et sans cesse remuée, comme la terre que l’on sarcle et laboure.
Dante a connu les joies et les espoirs trompeurs des « lendemains qui déchantent », la frénésie de la vie politique des communes italiennes – de Florence, qui n’était pas la moindre.
Il est tombé amoureux sur le seuil de l’église, apercevant Béatrice pour la première fois, et puis des années plus tard, la croisant à nouveau sur un coin de rue, à chaque fois le coup de foudre. Il a vécu sa vie durant le deuil de sa perte prématurée, mais aussi du non-achèvement d’une idylle imaginaire. Mais c’est l’exil et le vagabondage qui couronneront l’homme de lettres de ses fameux lauriers de poète.
À la suite de saint François, dont il était un disciple du tiers ordre, il a appris à mendier, à n’être jamais réellement chez soi nulle part, mais surtout à marcher sous la houlette d’un guide. François avait pris le Christ pour Maitre d’une façon drastique et il invitait le monde à le suivre dans sa course. Dante a répondu à l’appel mais, pour des raisons propres à son art, a décidé d’abord de suivre les pas de Virgile à travers l’outre-monde.
Moderniser les lecteurs
Luca Maria Spagnuolo, initiateur des lectures publiques Dante per tutti, me disait en entrevue qu’il est intéressant de constater que Dante a choisi Virgile comme guide de ce voyage spirituel dans l’outre-tombe, plutôt qu’un ange ou une muse (quoique Béatrice sera celle qui lui fera franchir le seuil du Paradis, car Virgile, poète païen, n’a pas connu la Rédemption).
Spagnuolo, 35 ans et diplômé des Beaux-arts, a décidé de raconter Dante et la culture médiévale au grand public. Son désir est de « faire toucher avec les mains à quel point le passé a été présent » et de prêcher, avec les mots de Verdi, que « se tourner vers ce qui nous a précédé, est déjà un progrès ! ». Au lieu d’actualiser le poète, il « modernise » son auditoire, c’est-à-dire, au sens strict du terme, qu’il en fait des contemporains de Dante, du théâtre médiéval et de son folklore.
Enfin, Dante, le Moyen-Âge et ses cathédrales, les croisades mêmes, qui étaient des pèlerinages, nous enseignent tous la même chose : que l’homme est un être incarné, un être qui, bien que vivant dans le présent, s’enracine dans une tradition (terme qui veut d’ailleurs dire transmission) qu’il enrichit et se doit de passer au suivant.
Nous autres, modernes trop modernes ou homo festivus, pour reprendre les mots de Philippe Muray, nous avons du mal à nous laisser prendre par la main pour nous mettre en marche lentement sur un chemin cahoteux et difficile qui mène à des réalités qui nous dépassent.
C’est la résilience et la patience, entre mille tribulations et extases, qui ont permis à Dante de mener à bien le projet de sa vie, qui a embelli l’humanité d’une des plus grandioses fresques jamais conçues et qui l’ont promu au rang de Souverain Poète.
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- À ceux qui aimeraient se frotter à l’œuvre même de Dante, vous pouvez cliquer ici pour lire l’intégralité de la Divine Comédie. Traduite en vers par Louis Ratisbonne, c’est en soi un joyau de la langue française car, en général, devant la tâche titanesque que cela implique, on traduit fadement en prose, croyant être plus fidèle à Dante au prix de ne pas être lu. Dante aimait la langue vulgaire et son génie propre, il n’aurait donc pas été contre une relecture géniale de son œuvre en d’autres langues.
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