Il ne s’agit donc ni de nier ni de paralyser l’intelligence de nos gènes; de toute façon, nous ne le pourrions pas, puisqu’elle fait partie de notre nature tout autant que notre anatomie. Il ne s’agit pas non plus d’abolir toute notre intelligence culturelle; de toute façon, ce ne serait pas plus possible et ce serait se priver ainsi de ses bénéfices. Nous devons plutôt faire en sorte que leur combinaison ne soit pas stupidement désastreuse, mais qu’elle devienne bénéfique pour la qualité de notre vie individuelle et collective. Nous y réussissons d’ailleurs déjà modestement, dans les domaines de l’éducation, de la médecine, de l’aide humanitaire et de la conservation de la nature, par exemple. Nous avons des raisons d’espérer (…)
Grâce aux acquis obtenus avec notre intelligence culturelle, l’intelligence de nos gènes détient, parfois malheureusement, les moyens de ses ambitions et quand elle ne les obtient pas, elle vit à crédit. Mais le jour où il faudra rembourser, elle risque de devoir déclarer faillite. Réfléchissons aux conséquences des dérèglements du climat, des pollutions (le fléau des déchets de pastique), des destructions d’écosystèmes naturels, de la surpopulation ou de la disparité scandaleuse du partage de la richesse, situation explosive s’il en est. Il faudra un jour payer tout cela.
(…) Notre liberté nouvelle menace notre avenir autant qu’elle a le pouvoir de le créer meilleur que jamais, plutôt que de simplement survivre ou sottement s’éteindre (…)
Toutes les autres bêtes étant soumises pleinement à la sélection naturelle, elles ont par conséquent très peu de latitude ou de marge de manœuvre pour commettre des bêtises, et si elles en commettent, elles en paient sévèrement le prix, empêchant la sottise de se répandre. Libérés que nous sommes des contraintes sévères de la sélection naturelle, nous sommes la seule bête vraiment libre d’être bête (…) Je ne crois pas que le transhumanisme ni l’intelligence artificielle nous sauveront de notre bêtise naturelle. Souhaitons pouvoir exercer l’intelligence supérieure dont je rêve avant que les « forces de la nature » ne remettent au premier rang les instincts barbares de la bête.
Soyons optimistes encore un peu, parions sur l’intelligence nouvelle.
Extrait de Cyrille Barrette, La vraie nature de la bête humaine, Éditions Multimondes, 2020
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