par Olga Samofalova.
Les États-Unis frappent l’aviation civile russe. Cela s’est produit presque immédiatement après qu’un concurrent du Boeing américain, l’avion russe MS-21 avec un moteur russe et non américain, a effectué son premier vol. Comme pour Nord Stream 2, les nouvelles sanctions ont un objectif spécifique.
Les États-Unis ont annoncé une nouvelle liste de sanctions, comprenant 41 entreprises russes. Dont une douzaine d’entreprises industrielles aéronautiques russes qui ont fait l’objet de ces sanctions américaines. En particulier, MiG Corporation, Sukhoi Civil Aiplanes, les sociétés Sukhoi et Tupolev, Irkut Corporation, Kazan Helicopter Plant, l’usine Gagarine de Komsomolsk-sur-Amour, le complexe technique d’Aviation Scientifique Beriev à Taganrog, United Aircraft Corporation (UAC) et United Engine Corporation (UEC).
En fait, ces sanctions empêchent les entreprises russes de coopérer avec des fournisseurs américains de composants ou des fournisseurs d’autres pays où la part des affaires américaines est importante. Cependant, il existe une faille : un fournisseur américain peut obtenir une licence pour fournir ses produits à la société Irkout par exemple ou à d’autres sociétés figurant sur la liste. Cependant, obtenir une telle permission est une autre paire de manches, et son fonctionnement dépendra uniquement de Washington.
Il est intéressant de remarquer que l’industrie aéronautique russe fonctionne ainsi depuis l’été. Le fait est que ce régime a été défini dans le paquet de sanctions de juin. Seulement, il n’y avait pas de liste précise d’entreprises, il s’agissait seulement de la fourniture de produits commerciaux à toute entreprise russe que l’on pourrait qualifier de military end user, ou « utilisateur final militaire ».
En d’autres termes, le régime de demande de licences pour la fourniture de certains produits à la Russie est en vigueur depuis juin. La seule différence est que les fournisseurs américains devaient auparavant deviner par eux-mêmes quelles entreprises étaient utilisateur final militaire. Or la loi américaine votée le 22 décembre clarifie la liste de ces entreprises.
La source assure qu’une partie des licences permettant la coopération avec des entreprises russes a déjà été obtenue, tandis que l’autre partie des autorisations est en cours d’approbation. Mais l’essentiel est que les sanctions américaines constituent un levier – à tout moment elles peuvent ne pas délivrer de licence ou ne pas renouveler sa validité.
L’UAC note qu’elle n’a pas reçu de notifications de fin de coopération de la part de ses partenaires étrangers et que la mise en œuvre des programmes aéronautiques se poursuit.
Les experts sont convaincus que l’objectif principal des États-Unis est de frapper le projet russe MS-21. Cet avion remarquable menace de détruire le duopole de Boeing et Airbus sur le marché mondial de la construction aéronautique. Auparavant, les États-Unis avaient déjà tenté d’arrêter le projet en le privant de matériaux composites. Or l’aile noire en composite est le savoir-faire du long-courrier russe. Les termes du projet ont en effet changé, mais la Russie a résolu ce problème en remplaçant les composites étrangers par des composites nationaux. Par conséquent, Washington est allé plus loin.
La partie la plus complexe et la plus chère du MC-21 est le moteur. Et le dernier avion russe est doté du moteur américain PW1400G-JM de Pratt & Whitney. Une interdiction de son approvisionnement aurait pu mettre fin au projet russe.
Cependant, ce n’est plus possible. La semaine dernière, le MS-21 a effectué son premier vol avec un moteur PD-14 de fabrication russe. C’est une énorme réussite de l’industrie russe des moteurs et des avions. En fait, les Américains avaient peur d’un tel bond technologique.
« Les États-Unis font d’une pierre deux coups avec ces sanctions. Ils ne laissent pas la Russie se développer technologiquement. Et ils ne permettent pas que leurs protégés soient expulsés de notre marché », déclare Roman Gusarov, rédacteur en chef d’Avia.ru.
Les compagnies aériennes russes pourraient progressivement cesser d’acheter des avions américains au profit du long-courrier russe. La demande en Russie de MS-21 peut remplir les commandes de l’usine pour les décennies à venir.
« Les États-Unis sont bien conscients que le MS-21 évincera les Boeing du marché russe. Les avions russes sont à la fois plus récents et moins chers. Dix avions Boeing valent un milliard de dollars et nous avons plusieurs centaines d’avions long-courriers sur le marché. Autrement dit, le prix d’émission est de dizaines de milliards de dollars. Plus les Américains peuvent retarder longtemps l’exploitation commerciale du MS-21, plus ils gagneront sur notre dos. Nous n’achetons pas seulement leurs avions. Nous dépensons également de l’argent pour leurs pièces et leur entretien. C’est un marché pour des dizaines de milliards de dollars de plus. Personne n’aimerait perdre un tel jackpot », explique Gusarov.
« Il faut admettre que les sanctions américaines sont un exemple de concurrence déloyale. Les États-Unis essaient de créer des problèmes chez les concurrents pour développer leur industrie aéronautique », reconnaît Artem Deev, chef du département analytique chez AMarkets.
Et ces sanctions ne sont peut-être pas les dernières. « Plus la mise en œuvre du projet MC-21 est proche, plus la pression des sanctions est grande », est convaincu Gusarov. Parmi les hypothèses, il donne un exemple, les Américains diront que la Russie aurait volé la technologie aux États-Unis et aurait ainsi créé le moteur russe PD-14. Sur cette base, les Américains peuvent interdire l’utilisation de ces moteurs dans le monde. En conséquence, le MS-21 restera sans moteurs américains ni russes. Et c’est le cœur de l’avion.
Parmi les risques figurent la certification du MS-21 et du moteur russe par un régulateur européen. Bruxelles n’est en fait pas trop intéressée par la réussite du projet russe, car le MS-21 est un concurrent non seulement du Boeing 737, mais aussi de l’Airbus A320. Il est déjà difficile pour les Européens de se battre contre la société américaine sur le marché mondial, et voilà que la Russie arrive avec son MS-21. Le même Aeroflot a principalement des avions Airbus dans sa flotte, mais le transporteur national est déjà devenu un acheteur majeur du MS-21. Par conséquent, les Européens ne sont pas moins intéressés par le freinage du projet d’avion de grande ligne russe que les États-Unis. Une autre question est de savoir dans quelle mesure ils oseront une concurrence déloyale aussi évidente.
En ce qui concerne les avions militaires, il ne devrait pas y avoir de problèmes avec les composants américains. « Dans le domaine militaire, nous n’avons pas utilisé de composants étrangers depuis longtemps », assure l’UAC.
L’avion régional Il-114-300 à moteur russe, qui a pris son envol la semaine dernière, ne devrait pas non plus subir de dommages. Il a été créé à l’origine uniquement à partir de composants domestiques. Parce que cet avion est conçu pour l’arrière-pays russe, il doit être bon marché, résistant aux gelées russes et pouvoir atterrir même sur de mauvais aérodromes.
Mais les SSJ-100 et MS-21 sont vulnérables aux sanctions américaines. Pourquoi ces avions n’étaient-ils pas à l’origine entièrement russes ?
« Ces projets ont été créés au début des années 2000, alors que la Russie croyait encore à la coopération internationale, à la liberté du marché, que dans une compétition internationale, nous sélectionnerions les meilleurs produits et les intégrerions dans le nouvel avion. Cela a été fait lors de la création du SSJ-100. Le projet MS-21 a commencé de même. Cependant, au cours de sa mise en œuvre, la guerre des sanctions a commencé », explique Gusarov.
Le moment positif de toutes ces sanctions est précisément dans le pivot de la substitution des importations, la création de notre propre produit à valeur ajoutée.
L’UAC a déjà lancé le projet SSJ-NEW. Il ne s’agit pas de créer un nouvel avion, mais de remplacer l’importation de composants pour le SSJ-100 existant. Au départ, le SSJ-100 était composé de 60 à 70% de pièces étrangères. Cependant, grâce au nouveau projet, l’écrasante majorité des pièces d’avion devrait devenir russe. « Nous avons grandi technologiquement et nous nous sommes modernisés en une décennie. Nous avons appris à fabriquer des pièces de bonne qualité, pas plus mauvaises que les fournisseurs étrangers. Mais le processus de substitution des importations demande du temps et des coûts supplémentaires, auxquels nous devrons nous attaquer », déclare Roman Gusarov.
L’un des points douloureux en Russie est l’industrie radioélectronique sous-développée. « Dans le seul domaine des composants électroniques, l’aviation russe utilise environ 50% de produits russes, le reste est fourni de l’étranger. Dans le secteur spatial, la part de l’électronique russe est de 80%, dans l’industrie de la défense – 60%. Toutes ces industries sont fortement dépendantes des approvisionnements de l’étranger », note Deev.
Par conséquent, la meilleure réponse de la Russie à ces mesures hostiles des États-Unis sera de surmonter les sanctions en utilisant toutes les réserves et ressources internes, notre travail et notre cerveau, a déclaré Gusarov. « Chaque vente d’un MS-21 en Russie sera un Boeing de moins acheté par nos transporteurs », conclut-il.
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Les États-Unis s’inquiètent de l’entrée de la Russie dans l’élite mondiale de l’aviation… ou de l’usage des sanctions dans la guerre commerciale. Cet article qui rompt un peu avec l’apparente légèreté de la trêve de Noël nous permet de mieux comprendre les montages opérés sur des affaires concernant les droits de l’homme, affaires le plus souvent montées de toutes pièces… Et dont le pilonnage ne connait aucune trêve : des artistes réclamant le pluralisme idéologique à Cuba, comme s’il existait le pluralisme sur les plateaux de télé français ; le travail forcé des Ouïghours, soit il s’agit du délire inventé du million d’individus dans des camps, soit du travail de ceux qui sont en prison pour terrorisme et crimes de droits communs et de ce point de vue j’aimerais bien que l’on fasse la lumière sur les conditions du travail et de sa rémunération dans les prisons françaises, soit il s’agit de l’affaire Navalny sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir. Le fond de ces affaires pour ceux qui acceptent le martyre de Assange, la délégation de torture à d’autres pays, le bagne sans jugement à Guantanamo, j’en passe et des meilleures, c’est d’empêcher d’autres pays de revendiquer leur souveraineté, le droit au développement. Le cas de l’aviation russe illustre bien cette conception des « sanctions » sous des prétextes fabriqués de toute pièce mais dont on gave l’opinion occidentale pour tenter d’enrayer sa propre chute en tant que saigneur et maître de le planète. – Danielle Bleitrach
traduit par Marianne Dunlop pour Histoire et Société
source : https://histoireetsociete.com
Source : Lire l'article complet par Réseau International
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