par Maria Poumier.
L’État juif, après avoir détruit la centrale nucléaire irakienne d’Osirak qui aurait pu redonner une force de dissuasion à tout le monde arabe et contrer le développement de sa propre bombe nucléaire dès 1981, après avoir fait assassiner quatre ingénieurs nucléaires iraniens entre 2010 et 2012, après avoir réalisé un énorme sabotage en Iran en juillet 2020, Israël, donc, se réjouit bruyamment de l’assassinat d’un chercheur iranien considéré comme le cerveau de l’armement atomique éventuel de l’Iran.
L’Express le confirme en transmettant le point de vue israélien : les Israéliens sont fiers que le Mossad ait assassiné le chercheur iranien Mohsen Fakhrizadeh.
Pour le journal israélien Haaretz, cela ne tient pas du hasard : « Le timing de l’assassinat, même s’il a été déterminé par des considérations purement opérationnelles, est un message clair » à Joe Biden. Il montre, selon le quotidien, l’opposition d’Israël « à un retour à l’accord sur le nucléaire », signé en 2015 sous la présidence de Barack Obama, puis dénoncé par M. Trump.
C’est une opération calculée pour empêcher Joe Biden, s’il accède à la présidence en janvier, de rétablir des relations plus cordiales avec l’Iran, comme l’avait fait le président Obama, artisan de l’accord sur le nucléaire iranien dit des 5 + 1, accord déchiré par Donald Trump. L’équipe Netanyahou a toujours besoin d’entretenir une guerre permanente avec l’Iran et avec le Hezbollah, au moins devant son opinion publique, pour apparaître comme le protecteur d’un pays constamment menacé par les descendants spirituels de l’imam Khomeini, colonne vertébrale de l’antisionisme.
La psychose israélienne est entretenue par le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, promettant toujours des vengeances pour l’assassinat du général Soleimani, revendiqué par le président Trump, et survenu à l’aéroport de Bagdad le 3 janvier 2020. La tentation permanente de l’assassinat ciblé, dans le camp Netanyahou, est encouragée par ailleurs par le fait que l’assassinat du général Soleimani, le 3 janvier 2020, n’a pas encore donné lieu à des représailles significatives.
Il y a bien en Iran des milieux d’affaire, autour du président Rohani, qui l’amènent à donner des signes de faiblesse, car le pays étant étouffé par les sanctions US, et considérant l’ère Trump révolue, certains sont pressés de normaliser leurs relations avec les US et avec l’Israël, comme l’Arabie Saoudite et les Émirats ; certains membres de l’équipe au pouvoir seraient prêts à se contenter d’une industrie nucléaire civile, selon la politique conciliatrice du président Rohani. Et Joe Biden était le vice-président d’Obama, en charge du dossier iranien.
En fait, il y a bien des accords pétroliers entre Israël et l’Iran depuis 1968, ce pays fournissant un pétrole « EAPC a été créée en 1968 pour assurer le transport du pétrole iranien vers Israël. Il a continué à fonctionner après l’arrêt de la distribution du carburant en raison de la Révolution Islamique, et, en 2014, il a été responsable de la pire marée noire de l’histoire d’Israël ». En octobre, a été signé un accord entre la société israélienne EAPC et une société émiratie, celle-ci devant l’acheminer jusqu’à Askelon.
On signale aussi qu’après le renversement du shah en 1979, « indirectement et subrepticement, certains contrats sont progressivement rétablis. Israël fournissant par exemple des armes à l’Iran pendant la Guerre Iran-Irak (1980-1988), tandis que Téhéran accepte en 1989 de vendre pour 36 millions de dollars de pétrole à Israël, [ce qui lui est bien utile pour relever] son économie terrassée par cette guerre. https://www.lesclesdumoyenorient.com/Les-relations-israelo-iraniennes-1948-2012.html
Thierry Meyssan affirme d’ailleurs que l’Iran et l’Israël se partagent pour moitié un pipe-line jusqu’à HaÏfa ; la presse israélienne ne le mentionne jamais parce qu’il y a une loi, en Israël, qui interdit d’évoquer la propriété de ce pipe-line, sous peine de quinze ans de prison, ce qui s’explique par ce que toute l’économie israélienne tourne autour de cet approvisionnement.
Comme aux US, en Israël et en Iran, il y a donc bien deux camps qui se disputent le pouvoir, et chacun envoie des signaux contradictoires aux médias. Quoi qu’il en soit, les crimes, provocations et opérations de propagande visant des cibles bien au-delà du Moyen-Orient restent un domaine où le Mossad est particulièrement offensif.
Un septième procès contre Carlos Telleldín
C’est dans ce contexte que s’ouvre à Buenos Aires un nouveau procès contre le citoyen Carlos Telleldín, accusé d’avoir vendu une voiture qui aurait été plus tard piégée et lancée contre le bâtiment de l’AMIA le 18 juillet 1994, faisant 85 morts et 300 blessés. Cet attentat aurait été commandité et mis en place par l’Iran. Cette hypothèse sans aucun fondement, on nous la rabâche constamment comme fait établi, parce qu’elle est indispensable pour faire classer l’Iran « État terroriste », ce qui autoriserait tout, à l’échelle mondiale, du point de vue israélien. L’État juif a déjà obtenu, l’année dernière, que le précédent gouvernement argentin déclare le Hezbollah organisation terroriste.
La DAIA (Amitiés Israélo-argentines) veut remettre Carlos Telleldín en prison pour vingt ans ou plus, alors qu’il a déjà été condamné à la prison à vie, qu’il a purgé onze ans de prison et a été libéré par l’annulation du premier procès. Les avocats de la DAIA sont Miguel Bronfman, Gabriel Camiser. Horacio Etcheverry est l’avocat des familles des victimes. Les procureurs sont Roberto Salum, Santiago Roldan et Santiago Eyherabide. Les juges du tribunal oral 3 sont Andrés Basso, Javier Ríos et Fernando Canero.
Telleldín, lui-même devenu entre temps un avocat pénaliste réputé, sera défendu par Verónica Blanco et Verónica Carzoglio. On lui reproche d’avoir vendu à un inconnu et au prix du marché, c’est-à-dire en toute normalité un véhicule sans avoir soupçonné qu’il pourrait être utilisé dans le cadre d’un projet d’attentat. Et aucun fait nouveau n’est avancé, à l’appui de cette accusation. Désormais, donc, si quelqu’un vous achète votre voiture d’occasion, vous serez donc tenu pour coupable si l’acheteur fait une bêtise avec, un jour ? Dans le monde post-Covid, ce genre de raisonnement devrait s’introduire en Absurdistan sans troubler les juges ?
AMIA 1994, la version israélienne ne tient plus debout
Le problème est que l’AMIA a été détruite par des explosifs qui se trouvaient à l’intérieur du bâtiment lui-même. Les premiers experts argentins étaient formels, et la moindre photo des dégâts montre à l’évidence que seul un côté de la rue est rempli de gravats, projetés depuis le bâtiment. Sur le trottoir d’en face, les vitres n’ont même pas éclaté…. Naturellement, la prétendue voiture piégée n’a jamais été retrouvée. D’ailleurs, aucun témoin n’avait vu de voiture correspondant au signalement israélien s’approcher quelques secondes avant d’exploser. Les Israéliens envoyés pour faire les premières enquêtes ont apporté des fragments de métal à un poste de police, des bouts de tôle qui rassemblés, ne pouvaient pas constituer plus de 15% d’une voiture, et provenaient en fait de deux véhicules. Parmi ceux-ci, miraculeusement, se trouvait un débris portant un numéro de moteur. La firme Renault a certifié que ce numéro ne pouvait pas provenir de la voiture vendue par le garage Telleldín.
Au départ, la justice argentine s’est laissé mener par le bout du nez, sous le choc. Israël ayant affirmé tout de suite qu’il s’agissait d’un attentat antisémite concocté soit par la Syrie soit par l’Iran, la presse ayant ranimé à qui mieux mieux les sentiments anti musulmans et la guerre idéologique contre le gouvernement iranien, il y a eu l’embourbement judiciaire classique dans ce cas de figure. Le suicide retentissant du procureur Nisman, chargé de l’enquête, en janvier 2015, a quand même débouché sur des révélations concernant l’homme de la CIA à Buenos Aires, le chef des services secrets en personne, Alberto Stiusso, qui avait tout fait pour pousser Nisman à accuser la présidente Cristina Kirchner de collusion avec l’Iran. Il avait espéré rester éternellement dans l’ombre, mais Netflix a fait découvrir son rôle à tout le continent américain (les Européens n’ont pas encore pu voir le documentaire en question) en lançant un documentaire en janvier 2020.
L’ancien directeur général d’Interpol avait déjà démenti toute tentative de la part de Cristina Fernandez pour mettre fin aux ordres de capture des Iraniens incriminés, mais la justice argentine avait toujours refusé d’auditionner Ronald Noble, sans explication, si ce n’est qu’elle n’était plus au gouvernement.
Le laboratoire du FBI a étudié l’ADN des restes du conducteur présumé de la voiture piégée kamikaze et remis ses conclusions en 2019 : il ne s’agissait pas de ceux du suspect Ibrahim Berro, dont la famille affirmait depuis le début qu’il avait été tué au combat au Liban.
Tardivement certes, mais définitivement, le FBI a donc confirmé ce que n’avaient pas pu faire admettre les experts argentins malgré leurs efforts dans les tribunaux et auprès de la presse, que l’attentat n’avait pas été commis à l’aide d’une voiture piégée, puisque les Israéliens avaient toujours et exclusivement nommé Ibrahim Berro pour le rôle du chauffeur kamikaze !!!
L’Iran avait choisi depuis le début de ne protéger que ses propres diplomates, et de sauver les meubles en matière de relations commerciales avec l’Argentine, se réservant, selon sa tradition diplomatique, le choix du bon moment pour démasquer le Mossad en tant qu’organisateur de cet attentat sous faux-drapeau.
Thierry Meyssan avait montré, grâce aux apports des chercheurs argentins ayant mené l’enquête depuis les premiers jours, que l’attentat contre l’AMIA avait été à bien des égards une répétition générale pour les attentats du 11 septembre, et ceux d’Atocha à Madrid (mode opératoire comparable, nombre de victimes élevé, etc) et il avait développé ses propres recherches sur cet attentat en le mettant en parallèle avec l’attentat contre Rafik Hariri, dans son volume « L’effroyable imposture II » (2007). Pour ce qui est des antécédents de l’accusation contre l’Iran, il faut rappeler que l’attentat de Lockerbie en 1988 contre un avion de la Pan Am avait d’abord été imputé à l’Iran, avant que les US aient eu besoin de dresser les Irakiens contre les Iraniens ; c’est alors qu’ils avaient décidé de faire porter le chapeau à la Libye de Kadhafi. Les nouvelles provocations israéliennes pourraient être le prélude à de nouvelles opérations sous faux-drapeau, prétexte pour une offensive plus vaste contre l’Iran.
Le nouveau procès qui va s’ouvrir le 2 décembre 2020 vise avant tout à remobiliser les médias et l’opinion publique contre l’Iran, la Syrie, et contre l’ex-présidente Cristina Fernandez, actuellement vice-présidente en exercice.
Pourquoi les sayanim argentins s’acharnent contre Carlos Telleldín
La persécution contre Carlos Telleldín avait commencé avant l’attentat, son téléphone ayant été mis sur écoute plusieurs jours auparavant, sans l’ombre d’un prétexte. Les services secrets israéliens opérant en Argentine l’avaient choisi pour ce rôle simplement sur la base de son nom de famille, qui est d’origine syrienne. L’attentat était un avertissement contre le président Menem, dont la famille est toujours bien implantée en Syrie, pour le forcer à cesser ses échanges commerciaux avec la République Islamique d’Iran, et en particulier dans le domaine de l’exportation d’uranium et de technologie nucléaire. Ils l’ont accusé d’avoir protégé Alberto Kanoore Edul, autre citoyen argentin d’origine syrienne, qui aurait organisé l’attentat. L’un comme l’autre ont été innocentés de toute accusation de complicité avec la perpétration de l’attentat. Edul est mort avant de voir son innocence reconnue, l’ex-président Menem a été relaxé en 2019, soit vingt-cinq ans après les faits. Tous les inculpés pour complicité de terrorisme ont été relaxés au final, mais dès 2009, les instances israéliennes ont annoncé avoir pour objectif la révision du procès de Telleldín, pour le faire condamner à nouveau à perpétuité.
Cette hargne s’explique en partie par la personnalité de l’accusé, qui s’avère de plus en plus courageux et lucide sur ce dont il est l’enjeu. Le Mossad avait cru l’avoir acheté, après l’avoir fait coffrer, parce qu’il avait accepté 400 000 dollars pour qu’il accuse un secteur d’extrême-droite de la police argentine d’avoir trempé dans l’attentat. On a des raisons de supposer que la démarche venait des officines du ministre de l’Intérieur Carlos Corach lui-même, citoyen israélo-argentin, qui a depuis pris sa retraite en France. Après quoi, on est venu proposer à Carlos Telleldín de travailler pour le Mossad, en échange d’une libération immédiate, ce que le prisonnier a refusé, ce qui est tout à son honneur. Mais l’identité de l’agent secret israélien, Eldad Gafner, venu le voir dans sa prison sous une fausse identité de procureur, a été découverte par un journaliste israélo-argentin, et quelques années plus tard, toute poursuite contre Telleldín a été invalidée : après onze ans de prison, et six procès pour des questions dérivées de l’accusation initiale, il n’était plus accusé d’avoir fourni la moindre voiture au moindre complice de terroristes. En revanche, en 2019, le juge Galeano, qui lui avait transmis les 400 000 dollars, a été condamné pour la deuxième fois, pour avoir entravé le fonctionnement de la justice.
Carlos Telleldín a fait des études de droit, pendant ses longues années de prison, il est devenu avocat, s’est spécialisé dans la défense des détenus qui croupissent dans les prisons pendant des années en attente de jugement, la moitié de la population pénitentiaire en Argentine, dit-il. Il est populaire et n’a pas l’intention de se laisser faire. Comme de juste, depuis que ses ennuis ont commencé, en 1994, il est assigné à résidence, et n’a jamais retrouvé toute sa liberté, ce serait trop simple.
On peut s’étonner qu’aucune organisation de défense des droits humains ne s’intéresse au dossier de Carlos Telleldín et ne réclame la fin des persécutions. Il se trouve qu’il est le fils d’un policier de Córdoba, connu comme « El turco », exerçant dans les années 1970, et à qui on impute des enlèvements et des tortures, dans le cadre de la dictature d’extrême-droite, qui exerça une répression féroce contre les « montoneros », souvent des étudiants d’origine juive qui pratiquaient la guérilla urbaine. L’Argentine vivait une véritable guerre civile ; le premier président du retour à la démocratie Raúl Alfonsín fit promulguer en 1986 une loi pour mettre fin aux poursuites pour exactions dans les deux camps. Mais on est loin de l’apaisement, en Argentine, la gauche se targuant de compter 30 000 disparus, qui ne seraient pas plus de 8 000, disent les chercheurs soucieux d’exactitude, mais qualifiés de « négationnistes« . Derrière ces chiffres et ces rancunes, on reconnaît des enjeux, des blessures et des méthodes encore bien à vif sous d’autres cieux, pour des contentieux datant des années 1940. Carlos Telleldín « El enano » porte le nom de son père comme un véritable handicap, et aurait bien voulu éviter d’avoir à rentrer dans l’arène politique et idéologique, mais dès la commission de l’attentat, en 1994, on s’est acharné à le poursuivre en tant que rouage d’un complot antisémite de policiers d’extrême-droite. L’honnêteté voudrait qu’au nom des droits de l’homme, personne n’ait à payer pour les crimes de son père, mais des personnalités populaires comme les « Mères de mai » continuent à occuper le devant de la scène et des passions médiatiques (ce qui d’ailleurs n’empêche pas une partie d’entre elles d’exprimer un vif soutien aux Palestiniens à l’occasion). En ce moment, c’est donc sur la personne de Carlos Telleldín que se joue l’indépendance de la justice en Argentine, et celle de l’Argentine, au moins sur le plan symbolique.
source : https://plumenclume.org
Source : Lire l'article complet par Réseau International
Source: Lire l'article complet de Réseau International