Selon l’AFP, il est décédé « entouré de sa famille », des suites du Covid, dans sa propriété d’Authon dans le Loir-et-Cher, à l’âge de 94 ans.
Mais la parenthèse politique qu’il avait incarnée entre 1974 et 1981, devenant le premier président de la Ve République à représenter la famille libérale, a été elle rouverte en 2017 par Emmanuel Macron. L’héritage politique de Giscard est bien vivant.
À la manière de l’actuel président, lorsque Valéry Giscard d’Estaing accède à la fonction suprême en 1974, il renverse les clivages établis. Après 16 ans de gaullisme ininterrompu, et alors que la gauche semble la plus à même de représenter une alternative, c’est un centriste qui emporte le pouvoir. Depuis 1959, l’inspecteur des Finances (comme Emmanuel Macron) s’est habilement installé dans le paysage en devenant incontournable : secrétaire d’État puis ministre à l’Économie sous de Gaulle et Pompidou, ce technocrate s’est forgé une solide réputation d’expert économique. Il est alors à la tête des Républicains indépendants, la composante libérale de la majorité.
Loyal aux présidents, Giscard profite tout de même de son ascension pour prendre petit à petit ses distances avec le pouvoir gaulliste : il critique à mots couverts l’autoritarisme du général de Gaulle, et milite pour un engagement européen plus affirmé. À la mort de Georges Pompidou, en 1974, le ministre de l’Économie et des Finances se lance dans la course à la présidentielle…
Issu de la noblesse de sang – il est le descendant de plusieurs comtes – et de l’aristocratie d’État – son père était inspecteur des Finances -, Valéry Giscard d’Estaing se taille pourtant une image d’homme moderne et dynamique. Jeune (il a alors 48 ans), sportif, bousculant les conventions d’un gaullisme quelque peu poussiéreux, le maire de Chamalières monte une campagne à l’américaine : t-shirt « Giscard à la barre », photos avec sa fille de 13 ans, soutiens de vedettes comme Brigitte Bardot ou Johnny Hallyday… En quelques semaines, il enterre son rival gaulliste Jacques Chaban-Delmas, et l’emporte de peu (424 599 voix d’avance) sur François Mitterrand au second tour.
C’est la victoire de la « France Giscard », libérale et tournée vers l’avenir – elle a intégré les soubresauts de Mai 68 – mais qui reste bourgeoise et relativement sage : elle adhère au « changement sans le risque » prôné par le nouveau président. Le documentariste Raymond Depardon l’immortalise dans son documentaire 1974, une partie de campagne, où l’on voit Giscard tout à la fois haranguer un auditoire de jeunes filles en meeting, et se demander en privé de son accent le plus patricien s’il va l’emporter sur « Mitran ».
À son arrivée, Valéry Giscard d’Estaing fait souffler un vent de fraîcheur sur l’Élysée. Poursuivant sur la lancée de sa campagne, le président élu se pose en rupture avec le cérémoniel proto-monarchique de la Ve : il ne porte pas le costume en queue-de-pie lors de son investiture, remonte les Champs-Élysées à pied et se fait tirer le portrait à l’extérieur du palais présidentiel. À l’instar de son lointain successeur jupitérien, Giscard fait de la communication une arme majeure de sa stratégie politique.
Mais il entreprend de vraies réformes, aussi, et le début du septennat est marqué par l’adaptation du politique à la modernisation de la société française : la majorité est abaissée de 21 à 18 ans, le divorce par consentement mutuel est instauré, et surtout, la loi Veil du 17 janvier 1975 légalise l’avortement. Un secrétariat d’État à la Condition féminine est également créé (avec Françoise Giroud à sa tête) tandis que Giscard rompt avec l’autoritarisme du pouvoir gaulliste en annonçant la fin des écoutes téléphoniques et le démantèlement de l’ORTF.
Mais pour ce jeune président libéral, le gros vent arrive. Il ne s’en doute pas, mais il a été élu à l’aube de la crise économique qui fera basculer le monde des Trente Glorieuses à la dépression : le premier choc pétrolier, qui a eu lieu en 1973, fait déferler ses effets sur la France. Le chômage monte, l’inflation aussi, et Giscard d’Estaing doit parer au plus pressé… tout en affrontant une situation politique compliquée. Le président s’appuie sur une majorité bancale à l’Assemblée, formée en grande partie de membres du parti gaulliste qui n’ont pas digéré leur défaite à la présidentielle et la frénésie modernisatrice du nouveau chef de l’État. Et il doit composer avec un Premier ministre impétueux : Jacques Chirac. La cohabitation orageuse entre les deux visages de la droite française prend fin lorsque Chirac claque la porte de Matignon en août 1976. La droite se fracture définitivement entre centristes libéraux (UDF) et gaullistes conservateurs (RPR).
À la place de Chirac, Giscard nomme Raymond Barre, un austère professeur présenté comme « le meilleur économiste de France ». C’est le début de cinq années de libéralisme pour combattre la crise : lutte contre l’inflation, rigueur budgétaire et abandon des entreprises qui ne survivent que grâce à l’aide publique, qualifiées de « canards boiteux » par le nouveau Premier ministre. Cette politique échoue : Giscard est le premier président à connaître le chômage de masse. À la fin de son septennat, 1.700.000 personnes cherchent un emploi, contre la moitié en 1974.
La bouffée d’air frais sur la vieille République gaullienne est passée. Valéry Giscard d’Estaing s’est éloigné des Français. La politique économique, de plus en plus néolibérale, n’a pas fait tache d’huile sur les réformes sociétales : la loi « Sécurité et Liberté » de 1981 marque un retour à une ligne répressive. Surtout, l’image de Giscard est écornée par plusieurs scandales, qui exhalent un parfum de fin de règne sur les dernières années de son quinquennat.
Le 30 octobre 1979, le ministre Robert Boulin est retrouvé mort dans un étang à la suite d’une campagne de déstabilisation, sans que le gouvernement ait franchement pris sa défense. Après un attentat antisémite rue Copernic à Paris, le 3 octobre 1980, le président garde le silence. Surtout, Le Canard Enchaîné révèle le 10 octobre 1979 que Valéry Giscard d’Estaing a reçu en cadeau des diamants de la part du dictateur centrafricain Jean-Bedel Bokassa. Autrefois président moderne et dynamique, il est devenu aux yeux d’une partie du public un monarque républicain qui batifole lors de chasses et safaris avec des dictateurs… Pendant deux ans, Giscard revendique de traiter ces révélations sur les « diamants de Bokassa » par le mépris : une morgue qui lui coûtera cher lors de l’élection.
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