«L’Absurdistan autoritaire» : les capitalistes allemands lancent un avertissement à leurs homologues français dans un contexte international très dégradé…

«L’Absurdistan autoritaire» : les capitalistes allemands lancent un avertissement à leurs homologues français dans un contexte international très dégradé…

Le 12 novembre dernier, le journal hebdomadaire allemand Die Zeit  ̶  le Temps, et non pas Die Welt  ̶  le Monde (n’en déplaise au Point qui n’a même pas été capable de reprendre sérieusement l’article publié par RTL), titrait « L’Absurdistan  autoritaire ».

Que l’un des principaux journaux allemands se permette une telle sortie devrait faire réfléchir les capitalistes français : leurs voisins teutons s’inquiètent de voir un « confinement si répressif que même les règles sensées sont discréditées » : Die Zeit s’étonne ainsi de voir demander aux Français une attestation pour aller chercher leurs enfants à l’école ou faire placer des vigiles pour surveiller les peluches au rayon des jouets dans les supermarchés afin que les clients n’achètent rien d’interdit… 

Pour Die Zeit, la méthode française n’est pas seulement dangereuse parce qu’elle décrédibilise complètement les autorités françaises soi-disant compétentes (dont le crédit, déjà au plus bas avant la pandémie, ne va pas en sortir grandi), mais parce qu’elle cristallise contre la tête de l’Etat et sur un seul homme, tout le ressentiment des masses populaires. Die Zeit dénonce ainsi la gestion de crise « quasiment monarchique » du Président Macron dans laquelle le parlement n’a « quasiment pas son mot à dire » et dont la seule fonction est d’entériner les décisions adoptées par un Conseil de Défense restreint sur lequel les représentants locaux n’ont aucun droit de regard… 

Die Zeit, qui juge la stratégie française comme « l’une des réponses les plus autoritaires à la crise sanitaire » dont les règles sont désapprouvées par « plus de 60 % des français », une proportion double de celle du premier confinement, qualifie son bilan de « catastrophique ». Pour l’hebdomadaire allemand, « la confiance de la population envers le gouvernement est la plus basse d’Europe » et « deux Français sur trois pensent que le président Macron gère mal la crise du Coronavirus », préparant le terrain au « Rassemblement National » qui « va profiter des décisions solitaires prises au sommet de l’État ». Cependant, Die Zeit n’ose pas employer le terme de « dictature sanitaire », qui colle pourtant parfaitement avec la réalité française, mais on sent bien que la tentation est grande… 

Que dire d’autre d’un pays qui prétend vouloir enrayer une épidémie mais qui dans le même temps, interdit à ses meilleurs médecins de le faire correctement jusqu’à aller leur taper sur les doigts ? Que dire d’autre d’un pays qui prétend vouloir sauver son économie tout en sacrifiant de vastes pans du tissu économique petit-bourgeois qui en est l’un des fondements ? Que dire d’autre enfin d’un pays qui interdit aux grandes surfaces de vendre des jouets pour les enfants à la veille de noël, quand dans le même temps, les jouets pour chiens, eux, restent disponibles à la vente ?… Quelle justification sanitaire à tout ceci ? Aucune évidemment !

Nous avons donc emprunté aux Allemands une partie de leur analyse, mais cela ne suffit pas et nous pensons qu’il est important de leur emprunter également la partie de leur vocabulaire qui semble particulièrement adaptée pour décrire la situation actuelle. « Vergeltungsmaßnahmen », en d’autres termes, « mesures de représailles de masse ». Tel était le mot d’ordre de la Wehrmacht dans sa guerre d’extermination contre l’URSS. Tel est aujourd’hui le mot d’ordre de la dictature sanitaire mise en place par la macronie contre « son » propre peuple sous le faux prétexte de protéger la vie des français du COVID-19 !

Les capitalistes allemands, qui de par leur expérience propre du « national-socialisme », ont une compréhension plus aigüe de la nécessité de maintenir la stabilité sociale en mobilisant habilement les couches prolétariennes et petite-bourgeoises en décomposition, s’inquiètent indéniablement des excès burlesques de la dictature sanitaire mise en place en France qui pourrait se révéler complètement contre-productive en aidant à cristalliser et à faire converger le ressentiment croissant de multiples strates de la société éprouvées par la crise. Deux ans après la naissance du mouvement des gilets jaunes, il est stupéfiant de voir la grande bourgeoisie française continuer à se fier à sa profonde inintelligence sociale… Le degré d’absurdité des modalités du second confinement mis en place par la bureaucratie totalitaire qu’est la macronie est en effet proprement ahurissant. Bienvenue en Ripouxblique Ploutocratique de Gaulle ! 

Pour être honnête, si la France a indéniablement conquis le leadership mondial de l’absurdité, chaque pays du camp atlantiste n’en est pas moins, à sa propre échelle, un autre Absurdistan en puissance, dans ces temps décidemment bien troubles… La grossière affaire Navalny l’a ainsi illustré dernièrement pour l’Allemagne sur la scène diplomatique internationale… La Russie n’a pas été dupe et a répliqué avec des sanctions contre les responsables européens qui se sont laissés téléguider par « l’allié US » soucieux de saboter Nord Stream 2… Et n’oublions pas la politique extérieure de « sanctions maximales » de l’administration Trump qui a eu pour effet majeur d’émanciper les rivaux stratégiques de l’impérialisme américain de leur traditionnelle retenue et ainsi de hâter la dislocation de la sphère d’influence mondiale de l’Oncle Sam… C’est donc l’Occident tout entier, sous leadership US, qui est devenu un « Absurdistan autoritaire », comme l’a récemment démontré la presse officielle chinoise dans une trilogie dénonçant les trois piliers fondamentaux de la domination atlantiste mondiale, à savoir 1° les « valeurs universelles » intégrées à la « stratégie nationale » US, 2° la politique des sanctions et du blocus économiques visant à « entraver le développement économique mondial », et enfin 3° la sempiternelle politique d’occupation et d’agressions coloniales dictée par le complexe militaro-industriel US bien décidé à maintenir la prise d’otage permanente du Monde depuis 1945… 

Alors que les USA, déjà affaiblis structurellement par plus d’une décennie de décomposition de « l’économie de bazar », sont aujourd’hui durement éprouvés sur le plan économique et social par la crise en cours, ils sont également déstabilisés par les divisions intestines accentuées par leurs élections présidentielles mouvementées. C’est dans ce contexte qu’on a vu la presse officielle chinoise, non seulement ne pas relâcher la pression au cours des derniers jours, mais même l’accentuer en faisant passer un message équivoque : peu importe le gagnant du cirque électoral américain, le nouveau président US ne devra pas s’attendre à faire plier la Chine (et ses alliés) en ressassant les fables « démocratiques » et « libertaires » d’un Occident qui a perdu tout crédit… Et la Chine compte indéniablement capitaliser sur tout ceci pour consolider et étendre sa sphère d’attraction mondiale au moment même où les USA n’ont plus pour seul monopole encore crédible que celui de la prise en otage militaire permanente des peuples du Monde… 

Dans le premier article intitulé « L’infiltration culturelle » et illustré par une caricature représentant l’Oncle Sam pianotant frénétiquement sur un appareil hybride mi-informatique / mi-télévisé faisant feu de tout bois sur des cibles étourdies par les « révolutions de couleur » et le « modèle de la démocratie américaine », la presse chinoise dénonce en fait « l’American Way of Life » ainsi que les voies pacifiques de déstabilisation et de soumission mises en œuvre par Washington. Elle dénonce d’abord la « conviction » « arrogante » selon laquelle depuis un siècle, « le progrès humain ne peut se développer que dans une seule direction, le système politique et économique américain », et démontre comment Washington a mobilisé l’internet de l’ombre, manipulé les réseaux sociaux, alimenté des fondations diverses, mis en place à large échelle des subventions subversives, le tout en collaboration avec le renseignement US, afin de déstabiliser des pays et former une armée de hooligans visant à exporter le modèle occidental, au prix « des souffrances des populations de nombreux pays ». Et le média chinois de conclure que si les slogans sur la « liberté », la « démocratie » et les « droits de l’homme » exprimaient certes « le beau désir de l’humanité de rechercher la paix et le bonheur », dans la pratique « la réalisation de ces aspirations dans différentes sociétés ne dépend pas des États-Unis qui, sous couvert de moralité, exercent des menaces contre la paix et la sécurité » : 

« Même aux États-Unis, cette valeur n’a jamais été vraiment pratiquée. Alors que l’épidémie de COVID-19 a fait plus de 200 000 morts et que des fusillades se succèdent sans fin, comment les États-Unis peuvent-ils encore parler de droits de l’homme ? Dans le monde « Je ne peux pas respirer » d’aujourd’hui, le taux de mortalité des Noirs à cause de l’épidémie est plusieurs fois celui des Blancs, et quand on sait que se présenter à la présidence nécessite des milliards de dollars, peut-on encore parler de démocratie et d’égalité aux États-Unis ? Après l’incident de Prism Gate, comment les États-Unis peuvent-ils encore parler de liberté ? »

Comme nous allons le voir à présent, le second volet de la trilogie, intitulé « La répression économique américaine met le monde en danger », n’est pas beaucoup plus tendre avec l’Oncle Sam, maintenant dépeint en train d’asséner le marteau des sanctions dans toutes les directions…

Le quotidien chinois commence d’abord par rappeler la considérable dégradation de l’image des USA dans l’opinion publique mondiale, y compris dans les pays européens, au cours des deux dernières décennies. Il cite ensuite les statistiques d’un cabinet d’avocat anglo-saxon qui a répertorié plus de 3 200 sanctions US contre des entités et des particuliers étrangers au cours de la seule période 2017-2019, depuis l’Iran au Venezuela, plaçant « leurs propres intérêts au-dessus des autres pays » et « sapant gravement les normes internationales d’égalité souveraine des nations » avec pour conséquence naturelle de faire des USA « la plus grande menace à la sécurité économique mondiale », et ce au moment même où « l’énorme dette des États-Unis a dépassé l’échelle de son économie, ce qui non seulement jette une ombre sur les perspectives économiques des États-Unis, mais devient également l’un des facteurs qui menacent la stabilité de l’économie mondiale, ce qui inquiète les pays du monde entier ». La Chine demande ainsi aux USA de mettre un terme à leur politique de sanctions permanentes, d’arrêter de « faire chanter d’autres pays en contrôlant les flux de capitaux, en gelant leurs avoirs en dollars américains et leurs réserves de change », de cesser d’agiter « à tout bout de champ » le « bâton des droits de douane » et enfin d’ôter le « masque de l’hypocrisie » :

« Certains politiciens américains ne cessent de qualifier les États-Unis de « plus grand pays du monde », mais d’autres pays semblent réticents à les accompagner dans ce « one-man show ». (…) Raconter des mensonges calomnieux tout en poignardant secrètement les gens, c’est ce que les États-Unis ont toujours fait. (…) Leur unilatéralisme et leurs actes hégémoniques ont porté atteinte à maintes reprises aux intérêts d’autres pays, causant d’énormes pertes économiques et posant des dangers cachés pour l’économie mondiale ».

Nous voici enfin arrivés au troisième volet de notre trilogie : « last but not the least ». Intitulé « La menace militaire, ou le voleur qui crie au voleur », cet épisode constitue une attaque en règle contre le tout puissant complexe militaro-industriel américain et la politique coloniale qui lui est inhérente… et toujours sans langue de bois s’il vous plaît ! Toujours sous le masque de l’hypocrisie, l’Oncle Sam y parle de « paix mondiale » mais son ombre promeut activement la guerre… 

Le quotidien chinois rappelle d’abord que les USA avaient pour habitude d’accuser la Chine et la Russie de « menacer gravement la paix et la sécurité internationales », promouvant activement « l’unilatéralisme » sous la bannière de la « sécurité nationale », « ignorant leurs propres engagements internationaux et violant fréquemment des accords pour chercher à se délier » :

« C’était évidemment la bonne vieille manœuvre américaine du « voleur qui crie au voleur ». Parce que pour peu qu’ils respectent les faits, ils pourront en tirer la bonne conclusion : les États-Unis sont le premier acteur dans la création du malaise et du chaos pour la sécurité et la stabilité mondiales ». 

Et l’article de préciser que « dans le domaine de la maîtrise des armements, les États-Unis se sont retirés du Traité sur les missiles à portée intermédiaire, se sont retirés de l’accord global sur la question nucléaire iranienne, ont annulé la signature du Traité sur le commerce des armes et ont adopté une attitude sans fard et concrète à l’égard du système de traités multilatéraux et bilatéraux de maîtrise des armements ».

La Chine n’y va pas par quatre chemins et reproche aujourd’hui aux USA « obsédés par le militarisme » d’avoir consacré plus de 700 milliards de dollars à leur budget militaire en 2019, soit près de 40 % du total des dépenses militaires mondiales, et que cela ne suffise pourtant pas à « satisfaire la mentalité inflationniste des États-Unis en la matière, qui vont même jusqu’à avoir des exigences démesurées envers leurs alliés, exigeant des coûts de protection plus élevés pour soutenir leur propre armée et faire progresser leur construction nucléaire ». L’article reproche enfin aux USA d’être des « amoureux de la guerre » qui a « entraîné la vie stable de civils innocents dans l’abîme de la destruction éternelle » :

« Au cours des 240 ans d’histoire qui ont suivi la fondation de leur pays, les États-Unis n’ont pas mené de guerre pendant seulement 16 ans, et ils peuvent à juste titre être qualifiés de « pays le plus guerrier de l’histoire du monde ». (…) Dans la « boîte de Pandore » ouverte par les États-Unis, les menaces vont bien plus loin que celles-ci : ils positionnent la Chine et la Russie comme des concurrents stratégiques et retrouvent la mentalité de la guerre froide ; ils poursuivent une politique deux poids deux mesures en matière de non-prolifération nucléaire et s’engagent dans des manipulations politiques ; ils déploient des systèmes anti-missiles en Asie-Pacifique et en Europe de l’Est pour briser l’équilibre stratégique ; ils s’opposent exclusivement à la « Convention sur l’interdiction des armes biologiques » pour bloquer le contrôle des armes biologiques ; ils ont retardé la destruction des armes chimiques à plusieurs reprises ; ils ont mis en place une force aérienne extérieure pour promouvoir une véritable guerre des étoiles ; ils ont construit une matrice pour tenter de dominer le cyberespace… La paix et le développement sont les thèmes majeurs de cette époque. Dans le contexte de la construction d’un nouveau type de relations internationales caractérisées par le respect mutuel, l’équité, la justice et la coopération gagnant-gagnant et une communauté avec un avenir partagé pour l’humanité, les États-Unis agissent en revanche de manière perverse et solitaire pour rechercher une « sécurité absolue » pour leur propre pays, renforcer leur hégémonie militaire et rêver de dominer le monde. Les troubles dans les autres pays sont-ils ce que les États-Unis appellent la « paix mondiale » ? »

Venons-en maintenant au fond des choses. Pourquoi l’impérialisme chinois est-il aussi farouchement opposé à la stratégie de « containment » (endiguement) militaire mise en œuvre par son principal rival stratégique ? La Chine serait-elle fondamentalement et pour toujours pacifique ? Non, la Chine est tout simplement aujourd’hui en position de force sur le terrain industriel et commercial international où elle ne cesse de gravir rapidement les échelons de la chaîne de valeur. Elle n’a pas besoin de recourir à la périlleuse politique de la canonnière pour préserver ou étendre sa sphère d’influence.

Pour la Chine, la paix mondiale est la condition de la bonne marche des affaires et de la sécurisation de ses approvisionnements et de ses investissements. De quoi attirer à elle les élites de nombreux pays (semi-) coloniaux longtemps pris en otage par l’Occident… Ce dernier voit en outre ses derniers lambeaux d’industries se décomposer à une vitesse accélérée à la faveur de sa profonde crise structurelle de déclassement amplifiée par la crise économique actuelle qui a débuté à la fin de l’année 2019.

Les petits commerces fermés arbitrairement par la macronie ne sont pas les seuls à être touchés de plein fouet par la crise sanitaire et économique : nombre de mastodontes connaissent également des heures bien difficiles, que ce soit dans l’industrie ou dans le commerce de détail « non-essentiel », comme la chaîne séculaire de magasins Printemps dont la direction a annoncé dernièrement la fermeture de sept de ses magasins hexagonaux. 

Au cours des trois premiers trimestres de l’année 2020, le groupe aérien allemand Lufthansa a enregistré une perte nette cumulée de 5,6 milliards d’euros. Son homologue français, Air France-KLM a pour sa part enregistré une perte nette de plus de 6 milliards d’euros au cours de la même période… Au premier semestre 2020, les aéroports français ont enregistré une baisse de fréquentation abyssale de 62,9 % en glissement annuel. La situation pour les constructeurs aéronautiques et leurs sous-traitants n’est guère plus reluisante avec des annulations portant sur plus d’un millier d’appareils depuis le début de l’année. Le « séisme de magnitude 9 qui secoue le transport aérien mondial » a ainsi fait perdre à Boeing « l’équivalent de deux années de carnet de commandes » ! Le secteur automobile est également très sévèrement touché par la brutale dégradation des perspectives économiques. De janvier à octobre 2020, le marché automobile français des véhicules neufs s’est effondré de 26,9 % en glissement annuel.

Un autre secteur industriel majeur rescapé de « l’industrie de bazar » occidentale est également touché de plein fouet : celui de la construction navale. En Occident, ce secteur est d’ordinaire dominé par les bâtiments militaires et les gros navires de croisière. Mais avec un secteur touristique laminé par l’austérité depuis une décennie et par la nouvelle crise contemporaine, les paquebots n’ont plus le vent en poupe et les années à venir annoncent le déferlement d’une nouvelle vague scélérate qui promet de tout balayer sur son passage…

Et comme si la situation n’était déjà pas assez périlleuse pour les débris de la construction navale civile occidentale, la Chine vient de mettre en chantier son premier gros paquebot de croisière ! Long de plus de 323 mètres pour une largeur de 37 mètres et une hauteur de 16 étages, il pourra accueillir plus de 5 200 passagers dans 2 125 chambres quand il sera livré en 2023. Championne du monde incontestée de la construction navale depuis une décennie, il ne manquait plus à la construction navale chinoise qu’une seule corde à son arc : le très lucratif secteur des navires de croisière ! Ne reste donc plus à la construction navale occidentale (déjà négligeable sur le plan du tonnage livré), que ses yeux pour pleurer, car sa dernière niche technologique à haute valeur ajoutée vient de tomber… Il faut dire que la Chine, qui voit chaque année sa classe moyenne enfler de dizaines de millions de membres avides de loisirs (croisières comprises), ne commandera pas ses futurs navires de croisière aux constructeurs occidentaux, mais à ses constructeurs nationaux. Or la construction navale occidentale était déjà menacée par l’effondrement des débouchés du secteur touristique… 

Enfin, dans le secteur des puces informatiques, le duel Chine-USA se poursuit au plus haut niveau. De nouveaux concurrents chinois émergent les uns après les autres, à l’instar de Phytium qui s’annonce aujourd’hui comme « le plus récent et le plus ambitieux fabricant chinois de processeurs ». Alors que la firme chinoise a déjà conçu des processeurs 64 cœurs pour serveurs comme le FT-2000+/64 et le Tengyun S2500, elle a annoncé la sortie du Tengyun S6000, une puce pour serveurs dotée de 128 cœurs gravés en 5 nm par TSMC, d’ici la fin de l’année 2021. Le concepteur chinois s’est également lancé sur le marché des processeurs de bureau. Privé par les pressions américaines de l’accès aux fonderies taïwanaises avancées depuis cet automne, son homologue Huawei (hier encore fabless) a annoncé la construction de sa première usine de production de puces à Shanghai. Elle devrait produire ses premières puces gravées en 45 nm dès la fin de l’année prochaine, et en 22 nm dès 2022. Si ces nœuds de gravure peuvent apparaître comme modestes, la spécificité de la première usine de puces Huawei sera de ne recourir à aucune technologie américaine

Dans le même temps, la politique de pressions et de chantage de l’impérialisme américain a produit quelques effets. Après avoir été démentie par TSMC au printemps dernier, la construction d’une usine sur le territoire américain a été officialisée pour un montant total de 12 milliards de $ durant la période 2021-2029, dont 3,5 milliards investis par TSMC. Sa capacité de production sera d’environ 20 000 wafers par mois en 5 nm avec un début de production en volume attendue pour 2023-2024. Bien que conséquents, ces investissements resteront assez marginaux pour TSMC qui a annoncé 15,1 milliards de $ d’investissements dans ses usines taïwanaises, en particulier pour la nouvelle usine de Hsinchu conçue pour la future gravure en 2 nm. La production américaine de TSMC permettra seulement aux USA de garantir un certain degré d’autonomie industrielle dans le cas où Taïwan basculerait subitement dans le giron chinois, ce qui ne manquera pas d’advenir quand la prise d’otage américaine de l’île sécessionniste aura pris fin… 

Mais la Chine ne donne pas des tourments qu’à l’impérialisme américain. A l’instar de la direction de Veolia, l’impérialisme français ne cache aujourd’hui pas son immense inquiétude de voir la Chine prendre solidement pied dans son pré-carré colonial africain, où elle est déjà très active dans le secteur énergétique, des infrastructures, de l’eau potable, etc.. C’est ainsi que la France appelle les occidentaux à l’action collective : « pour contenir la puissance chinoise en Afrique, il n’y a pas d’autre choix que de s’unir ».

« Désormais la Chine, dotée d’une force de frappe économique considérable et d’une ambition politique de premier plan, est devenue un pays incontournable dans la géopolitique africaine. Vouloir l’arrêter sans unir toutes nos forces est une mission presque impossible. L’ignorer serait encore plus grave. Face à cette concurrence qui monte en puissance, nous avons tout à gagner à rassembler nos activités et nos talents sur le continent ».

Nous doutons que ces « bons vœux » de l’impérialisme français ne suffisent à inverser le cours irrésistible de l’Histoire qui verra le petit rapace être chassé de « sa » France-à-fric… La Chine est en position de force comme jamais elle n’a été sur la scène internationale, et quelle que soit la résistance (coloniale) opposée par les puissances impérialistes occidentales, elle ne pourra suffire à inverser la vapeur, d’autant que les rivalités inter-impérialistes promettent de grandir avec la profonde crise économique actuelle, et ce au sein même de l’Alliance Atlantique où le « chacun pour soi » finira inévitablement par triompher au milieu de la débâcle multiforme à venir, à plus forte raison encore face aux insurmontables problèmes intérieurs que va poser le déclassement à grande échelle des couches prolétariennes et petite-bourgeoises longtemps privilégiées…

L’impérialisme chinois, lui, n’a pas ces problèmes : la dynamique économique intérieure et internationale est en sa faveur tandis que l’unité nationale n’a jamais été aussi forte. Comme le démontrait l’excellent article La Chine et Wuhan vus autrement de Gérard Luçon qui fût entre autres Directeur de Handicap International et a vécu en France, au Sénégal, en Roumanie et en Chine, « suffisamment à chaque fois pour y connaître plus ou moins les gens, leur histoire, leur identité et leur culture », le ressenti du peuple vis-à-vis de « ses » élites n’est absolument pas le même en Chine et en Occident. Le contraste est véritablement saisissant entre la situation chinoise et la situation en France, justement surnommée « Absurdistan de l’Ouest ». Pour l’auteur, qui dresse une chronologie très complète de la gestion crise calamiteuse de la macronie et qui a des amis dans plusieurs métropoles chinoises, il est d’abord essentiel de souligner « que les informations reçues de la communauté roumaine sont particulièrement fiables notamment du fait que les roumains expatriés en Chine n’y sont pas allés (contrairement aux français dont l’ego est surdimensionné) pour éduquer les chinois et les sortir du pétrin, leur apporter la bonne parole, la civilisation des lumières, mais pour y vivre ! »

Cette précision d’importance apportée, l’auteur, résume son article de la manière suivante : 

« Des cadors, les dirigeants et médecins européens, ou bien des criminels ? Ce qui apparait désormais c’est qu’en Chine, les dirigeants ne sont pas ouvertement les ennemis du Peuple, eux ! »

Les élites occidentales prennent en effet aujourd’hui prétexte de la crise du COVID-19 pour précipiter l’effondrement de la société de consommation occidentale. Tout va être fait pour le low-cost dans tous les domaines, et ce au prix d’une destruction d’emplois (et de vies…) sans précédent, et c’est indéniablement sous cette seule optique qu’il faut voir le sacrifice délibéré du tissu économique petit-bourgeois qui vient de débuter, ce tissu étant jugé par nos élites comme bien trop cher à entretenir : la bulle de la dette publique est en effet arrivée à son extrême limite et menace d’imploser. 

Alors que même les dernières niches industrielles occidentales, structurellement menacées par la montée en gamme chinoise, sont frappées par le séisme économique, le tissu de services et de commerces de proximité est désormais qualifié de superflu et « non-essentiel ». Du point de vue de « nos » élites sociopathes, il est même en réalité devenu nuisible à la productivité à long terme du cheptel d’esclaves salariés occidentaux qui va devoir à l’avenir apprendre à se passer de ses chaînes dorées. La casse économique et sociale en cours et à venir promet d’être sans précédent… Un processus, qui, comme nous l’avions déjà souligné il y a une décennie, est très semblable à celui qu’a connu le social-impérialisme soviétique en 1991, mais en pire ! 

Dans ce contexte très dégradé, gare aux jacqueries, aux pogroms et aux ratonnades, qui seront plébiscités par nos élites pour accompagner ce déclassement à grande échelle et orienter la contestation sur une voie de garage afin d’éviter que la situation ne leur échappe complètement ! Le tournant populiste-raciste de droite sera à n’en pas douter une voie royale pour détourner la détresse et la colère populaires infinies dans les conditions de l’inexistence d’un puissant mouvement marxiste-léniniste.

Si Alain Soral aime à dire que « la prise de pouvoir ne se fait pas avec les urnes, mais avec des burnes », il est essentiel de bien comprendre que l’action de « burnes » dépourvues de cerveaux sera forcément récupérée par de mauvaises personnes… Attention aux faux-amis qui se disent « gauche du travail » et « droite des valeurs » ! C’est la démagogie habituelle de la petite bourgeoisie nationaliste destinée à duper les travailleurs dégoutés par le capitalisme. Le programme de ces souverainistes de droite est en fait celui d’une « dictature éclairée » (la démocratie bourgeoise ayant piteusement failli) et son application se traduit en fait par « remettre les travailleurs au travail » (« Arbeit macht frei ! »), quitte à faire diversion contre les « juifs », les musulmans… La petite bourgeoisie en proie aux difficultés économiques et sur le point de sombrer dans le (lumpen-)prolétariat sait à l’occasion critiquer le grand Capital (et c’est pourquoi la ligne politique de Donald Trump a rencontré un si puissant écho aux USA), mais elle sait aussi se placer sous sa coupe pour l’aider à réprimer les travailleurs quand ils en viennent à se révolter contre les fondements du capitalisme. Dans l’Allemagne nazie soi-disant « nationale-socialiste », la petite bourgeoisie était hystériquement hostile au marxisme : elle détestait davantage encore le communisme que le grand Capital qui l’avait pourtant ruiné sous la République de Weimar et dans les années de la Grande Dépression…

Vincent Gouysse, le 15/11/2020 pour www.marxisme.fr


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