Le Premier ministre arménien peut être critiquable sur bien des points mais il a au moins une qualité, celle de l’honnêteté morale. Il n’hésite pas à endosser la responsabilité du désastre et à regretter ses décisions passées, alors qu’il était loin d’être le seul à s’aveugler. Il vient notamment d’admettre ingénument que si, l’année dernière, Erevan avait rendu à Bakou cinq districts environnant le Haut Karabagh, on n’en serait pas là. Sans blague…
C’est ce que les Russes ont conseillé pendant des années aux Arméniens de faire, suivant les recommandations des Principes de Madrid que nous avons évoqués il y a deux semaines. Un retour des territoires azéris (orange) aurait sans doute permis de conserver les deux districts stratégiques de Kalbajar et Lachin (jaune), reliant le Haut Karabagh (rouge) à la mère patrie (jaune pâle) :
Désormais, presque tout est perdu. Non seulement une partie du jardin noir lui-même a été conquise par les Turco-azéris mais Kalbajar et Lachin reviennent aussi à Bakou :
Et Pachinyan d’expliquer : « Rétrospectivement, nous serions aujourd’hui en bien meilleure position si nous l’avions fait, mais très peu de gens en Arménie pensaient que c’était la bonne solution à l’époque et je ne le pensais pas non plus. » Eh oui, il fallait écouter papa Poutine…
Le futur du Haut-Karabagh est maintenant bien compromis. Beaucoup de questions restent en suspens et l’impression générale est que le jardin noir retournera à un moment ou à un autre sous l’égide de Bakou. Le contingent russe de la paix va permettre de calmer les ardeurs pendant cinq ans mais, au terme de cette période, le renouvellement de sa présence doit être accepté par les deux parties. Si l’Azerbaïdjan décide de supprimer définitivement l’enclave – et historiquement, il est difficile de résister à ce genre de tentation (Danzig et bien d’autres) -, il lui suffira de signifier aux Russes leur départ.
Moscou a pour l’instant d’autres choses à penser. Une nouvelle est tombée, qui a fait des vagues dans le petit monde militaire. A peine la Maison Blanche normalise ses relations avec le Soudan que la marine russe annonce y ouvrir une base !
C’est la première fois que la Fédération de Russie s’assure une présence militaire permanente sur le continent africain et l’emplacement est fort intéressant, dans une zone qui devient un point chaud attirant de plus en plus les état-majors navals de la planète. Entre les puissances régionales et globales qui ont déjà ou prévoient d’ouvrir leur base, la Mer rouge commence à être sérieusement embouteillée, signe de son importance stratégique grandissante pour la sécurisation des voies maritimes. Le vénérable Mahan, théoricien de la supériorité thalassocratique américaine, doit se retourner dans sa tombe…
Du point de vue de Moscou, c’est une importante évolution dans sa capacité de projection au-delà de sa sphère d’influence traditionnelle. C’est également sans doute à mettre en relation avec ce que nous rapportions fin octobre :
Un fait ô combien significatif n’a pourtant pas eu l’heur de faire les gros titres : la semaine dernière, la marine russe a escorté un tanker iranien à destination des côtes syriennes. Pour l’US Navy Institute, seul à rapporter l’information, le nouveau rôle de Moscou pourrait changer la dynamique de la région (…)
Ce petit périple est un pied de nez direct à Washington et à son Caesar Act, que le Kremlin avait de toute façon annoncé vouloir contourner. Plus généralement, Moscou commence à se poser en patron de la sécurité en Méditerranée orientale, ambitionnant d’assurer « la libre circulation des bateaux civils ». La marine russe vient d’ailleurs de procéder à un exercice en ce sens, incluant même l’attaque simulée par un sous-marin.
Méditerranée orientale et maintenant Mer rouge : l’ours commence à poser sa patte.
Il refuse par contre de s’exprimer jusque-là sur les élections américaines, ce qui provoque une crise nerveuse chez ceux-là mêmes qui se plaignaient pourtant de sa supposée « ingérence » il y a quatre ans. Dans ce grand bêtisier, le Washington Post nous explique cette fois sans rire que l’élection ne peut être volée (que disaient-ils en 2016 ?) et se lâche en imprécations contre la non-reconnaissance du résultat par les Républicains, et accessoirement par la Russie. Quoi que fasse le Kremlin, qu’on se le dise, il est coupable.
Doux est le spectacle de cette presstituée complètement perdue, tentant maladroitement de se raccrocher aux branches qu’elle a elle-même sciées durant des années. Pour donner une idée du niveau délirant qu’elle atteint, sachez chers amis que la « victoire » de Biden a été accueillie en Europe par les cloches de Notre-Dame et des feux d’artifice à Londres. Eh oui, vous ne le saviez pas, moi non plus, mais c’est CNN qui nous l’assure…
Le discours de Pompeo, lui, est très mal passé, ce qui semble confirmer son poids. Comme nous le disions hier, il ne s’agit pas du vain laïus victorieux d’un quelconque porte-parole de la campagne Trump mais de paroles pleines d’assurance d’un homme-lige du Deep State, ce qui a fait des vagues dans le petit monde du Washingtonistan. Radio Liberty en est encore toute retournée…
Chose intéressante, les conversations qui ont déjà eu lieu entre Biden et certains chefs d’Etat étrangers ont poussé Pompeo à mentionner le Logan Act de 1799, interdisant à tout citoyen US de faire de la politique étrangère au nom des Etats-Unis s’il n’a pas de charge officielle. Les cris d’orfraie n’ont pas tardé, mais n’est-ce pas exactement ce dont les Démocrates et leur camarilla médiatique accusaient le général Flynn il y a quatre ans lors de l’inénarrable fable de la collusion russe ?
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