C’est une tendance naturelle de l’être humain d’attendre d’être malade pour se soucier de sa santé. Il veut alors des solutions rapides, radicales, en d’autres termes : des recettes. Cette tendance est renforcée par notre monde libéral faisant recette des recettes. En effet, il y a plus de profit à faire en gérant la maladie, surtout en période de crise, qu’en faisant la promotion de la santé.
L’objectif de cet article est de satisfaire ces deux aspirations opposées : il propose une recette utile à la période que nous vivons, tout en constituant un moyen de renforcer son immunité naturelle sur le long terme, pour ceux qui craignent déjà les deuxièmes et troisièmes vagues de la pandémie. Mais la recette du jour n’a rien de révolutionnaire : le magnésium le moins cher du marché est consommé depuis plus d’un siècle pour améliorer son immunité en général et sa résistance aux virus, en particulier ceux de la grippe et de la poliomyélite. Qu’on se rassure, il ne s’agit pas d’une pratique irrationnelle d’un rebouteux obscur, mais du legs d’un grand nom de la médecine française, le professeur Pierre Delbet, enrichi par les travaux du docteur Auguste Neveu, un médecin de campagne généreux qui lui a consacré sa carrière.
Soutenir les globules blancs plutôt qu’entraver leur action
Le professeur Pierre Delbet (1861-1957) conquiert un à un tous les titres qui jalonnent les grandes carrières médicales. Il a été considéré, selon la formule consacrée, comme un grand patron de la médecine française pendant des décennies. D’abord interne des hôpitaux, il devient bientôt chef de clinique, puis agrégé de la Faculté. Dans la foulée, il sera chirurgien des hôpitaux de Paris, professeur de clinique chirurgicale à la faculté de médecine de Paris, et membre de l’Académie de médecine. Il est l’auteur de nombreuses publications et lauréat de la faculté de médecine et de l’Académie de médecine. Pierre Delbet est bien un scientifique.
Très tôt, sa formation l’amène à réfléchir à la toxicité cutanée des antiseptiques usuels de l’époque. Dès l’internat, il se pose une question que ses maîtres ne se posaient pas – ce qui est le signe d’un esprit vif et libre – : les antiseptiques sur les plaies n’auraient-ils pas plus d’inconvénients que d’avantages ? C’est d’ailleurs une question que l’on devrait se poser plus souvent en médecine ! La période scientifique s’y prête : en cette fin de XIXe siècle, le futur prix Nobel Élie Metchnikoff découvre les mécanismes de la défense immunitaire et décrit le rôle des globules blancs dans la phagocytose. Ainsi, notre organisme est conçu pour se défendre contre les agents de l’infection grâce à des cellules adaptées pour ce travail. Delbet postule :
« D’une manière générale, les organismes vivants sont d’autant plus délicats qu’ils sont plus perfectionnés. D’après cette loi, il est probable que les microbes, protophytes élémentaires, résistent mieux aux antiseptiques que les cellules des êtres supérieurs. La logique conduit à conclure que l’application locale des antiseptiques est nuisible. »
Logique, certes, mais cela reste à vérifier. Il s’attelle à la tache, et ses travaux confirmeront son intuition. En 1891, il démontre dans une communication retentissante que « le lavage du péritoine avec les antiseptiques favorise l’infection ». Il poursuit sa réflexion : si l’antiseptique cible les microbes, mais affaiblit dans le même temps les cellules censées les combattre, il faut donc trouver ce qui pourra les aider sans entraver leur action.
« L’antisepsie vise les microbes et tue les cellules : je rêvais d’augmenter la résistance des cellules pour qu’elles puissent triompher des microbes. »
Il découvre que l’activité phagocytaire des globules blancs est sensible à la présence de certaines substances dans le milieu. Pour trouver le bon produit qui aidera les cellules dans leur action de défense, il teste différentes solutions et compare les résultats. Son champion sera le chlorure de magnésium. En effet, ses essais in vitro montrent que le chlorure de magnésium protège les cellules saines. Delbet écrit :
[Le chlorure de magnésium] augmente la phagocytose dans la proportion de 75 % par rapport à la solution de chlorure de sodium à 8 %, qui en donne elle-même plus que toutes les autres substances étudiées ».
La Grande Guerre lui permettra bientôt un champ expérimental grandeur nature. Mobilisé comme chirurgien, il rejoint l’hôpital temporaire de Rond-Royal, située en bordure de la forêt de Compiègne, à quelques kilomètres du front, et dont Alexis Carrel est le médecin-chef. Carrel conçoit un modèle d’ambulance mobile pour intervenir le plus tôt possible après blessure et éviter les gangrènes. C’est ainsi que Pierre Delbet rejoint « l’ambulance du Dr Alexis Carrel », dès sa mise en place en 1915. Delbet mesure toute l’ampleur des dégâts de l’infection sur les plaies, responsable d’amputations inefficaces et de tant de décès. Il reprend alors ses recherches et applique ses résultats in vivo, sur les blessés de guerre, avec d’excellents résultats. Dès septembre 1915, il présente ses travaux à l’Académie des sciences et à l’Académie de médecine, mais doit attendre avril 1918, pour que paraisse le très complet Biologie de la plaie de guerre, en collaboration avec le docteur Noël Fiessinger, futur professeur de pathologie expérimentale à la faculté de médecine de Paris. Le chlorure de magnésium est utilisé par voie externe, en lavage des plaies, non pas pour détruire les microbes, mais pour renforcer l’activité des globules blancs. Il agit alors très positivement sur le système immunitaire et la résistance de l’organisme.
- Pierre Delbet, photographié par Paul Marsan Dornac – 1909
Une renommée sans publicité (mais sans études contrôlées)
Il nomme sa méthode « cytophylactique », méthode simple mais qu’il complétera au fil du temps et des découvertes. De la voie cutanée, Delbet passe bientôt aux injections intraveineuses chez les sujets gravement infectés. Administré ainsi, le chlorure de magnésium est encore plus efficace et, surtout, n’entraîne pas de toxicité, ce qui était sa préoccupation. Il l’utilise ainsi en thérapeutique dans les infections internes, locales ou généralisées. Puis, à l’occasion de l’arrivée dans son service de l’hôpital Necker d’un blessé grave refusant les injections, Delbet le lui fait boire. Il croit ainsi inaugurer une nouvelle thérapeutique. La petite histoire raconte qu’il découvre alors que ses infirmières la pratiquent déjà sur elles-mêmes car elles ont remarqué que les malades à qui on en injectait éprouvaient un état de bien-être et retrouvaient une énergie positive. La sensation d’euphorie et de résistance à la fatigue qu’elles manifestent est communicative. De plus en plus de personnes consomment régulièrement « la drogue » du docteur Delbet – selon sa formule – et rapportent « une ample moisson de faits […] qui [lui] ont inspiré de nouvelles recherches ». C’est ainsi que l’ingestion per os – par voie orale – de chlorure de magnésium s’impose rapidement comme une solution simple, efficace et sans danger pour renforcer le terrain, mais aussi, comme l’a découvert l’équipe d’infirmières de Delbet, pour augmenter la stabilité émotionnelle face aux agressions extérieures et se donner « du cœur à l’ouvrage ».
Malgré ces succès, l’utilisation du chlorure de magnésium ne parvient pas à franchir la porte de l’Académie, ni à s’établir officiellement. Le professeur Delbet tente vainement dans l’entre-deux-guerres de convaincre l’Académie de médecine, dont il était un des membres réputés, espérant être entendu et soutenu par ses pairs. C’était oublier les résistances en tout genre. Les vertus préventives et curatives du chlorure de magnésium n’ont pas trouvé d’écho, malgré une multitude d’expériences probantes. Ainsi, si on honore officiellement la mémoire du professeur Delbet, ce n’est pas pour sa découverte sur le chlorure de magnésium. Le journaliste Jean Palaiseul écrira :
« Il faut signaler en passant un fait assez significatif : dans le long article nécrologique que l’une de nos principales revues médicales lui a consacré, ses travaux sur le chlorure de magnésium n’occupent que quelques lignes : il était difficile de les passer totalement sous silence, mais on les a escamotés pour en minimiser la portée et laisser planer le doute quant à leur intérêt thérapeutique… [1] »
Autres temps, autres mœurs : ni le professeur Delbet, ni personne depuis, n’a conduit d’études contrôlées sur le chlorure de magnésium. Il aurait fallu constituer un groupe traité au chlorure de magnésium, un autre traité à un autre sel, ainsi qu’un groupe placebo. C’est le point faible de la méthode. Cela prête un flanc facile et justifié à la critique, mais il est trop tard ! Car, bien qu’intéressante sur le plan scientifique et utile sur un plan thérapeutique, une telle étude n’offrirait pas de perspective de retours financiers sur investissement.
À l’assaut du virus de la poliomyélite
De cet engouement pour le chlorure de magnésium, d’autres applications verront le jour. Auguste Neveu, médecin généraliste en Charente-Maritime jusqu’à sa retraite, découvre dès 1932 les travaux du professeur Delbet. Il teste la méthode cytophylactique sur un chien atteint de la maladie de Carré, la poliomyélite du chien. Les résultats sont au rendez-vous. Il faut se souvenir qu’à l’époque il n’existe pas de traitement efficace de la poliomyélite. C’est une maladie que tout le monde craint à causes des séquelles qu’elle engendre. Le docteur Neveu tente alors la méthode sur ses patients atteints de poliomyélite, avec la même logique qui pousse aujourd’hui le Dr Alexandre Bleibtreu de la Pitié-Salpêtrière à utiliser la chloroquine contre le coronavirus sur les patients de son service. Et ce, bien qu’il n’existe pas de données in vivo.
« L’objectif, ce n’est pas d’avoir raison, mais que nos patients aillent mieux ». Dr Alexandre Bleibtreu [2].
Revenons à Neveu. Résultat inespéré dans ce désert de solution thérapeutique : le chlorure de magnésium, administré à temps, arrête la maladie et prévient ses conséquences. Il note que le rétablissement des patients est d’autant plus rapide que la prise de chlorure de magnésium est précoce. C’est ce critère qui permet d’éviter les paralysies dues au virus de la poliomyélite. Il continue ses explorations et traite au chlorure de magnésium toute une série de maladies, dont la diphtérie, et bien sûr la grippe, surtout celle de 1935, qui se complique fréquemment en broncho-pneumonie.
Le docteur Neveu présente ses observations à l’occasion des Journées thérapeutiques de Paris en 1947. Dans sa communication « Traitement cytophylactique de quelques maladies infectieuses de l’homme et du bétail par le chlorure de magnésium », il présente de nombreuses guérisons obtenues dans diverses affections humaines, mais ne rapporte qu’un seul cas de poliomyélite. Une guérison unique ne fait pas loi : il ne réussit pas à attirer l’attention de ses confrères. Pourtant son expérience médicale s’enrichit au fil du temps, et au premier cas des Journées thérapeutiques de 1947, s’ajoutent maintenant de nombreux autres cas. Le traitement est le même, et les guérisons souvent spectaculaires. Exprimé dans un langage suranné et poétique, A. Neveu dit la même chose que le docteur Bleibtreu :
« Quand j’ai la chance de sauver un enfant, mon vieux cœur est heureux ».
Enthousiaste incompris, la préoccupation de Neveu est de faire connaître ce traitement inespéré, afin qu’il soit expérimenté par les médecins ou par les patients. Dans cette optique, il publie en 1957 Traitement cytophylactique des maladies infectieuses par le chlorure de magnésium, la poliomyélite à destination du grand public.
La posologie du docteur Neveu
Auguste Neveu se montre très précis quant à la posologie. Voici les indications qu’il donne :
Il faut diluer 20 grammes de chlorure de magnésium par litre d’eau, et faire boire ce mélange.
Adultes et enfants au-dessus de cinq ans : 125 cm3 de la solution toutes les six heures pendant quarante-huit heures. Puis toutes les huit heures, puis toutes les douze heures, suivant l’état du malade.
Pour les enfants de moins de cinq ans : deux doses rapprochées à deux ou trois heures d’intervalle dans les cas très graves, puis toutes les six heures pendant quarante-huit heures, puis toutes les huit heures, puis toutes les douze heures. (Enfant de quatre ans : 100 cm3. Enfant de trois ans : 80 cm3. Enfant de deux ans : 60 cm3).
Nourrissons : une à quatre cuillères à café (si besoin au compte-gouttes) toutes les trois heures pendant quarante-huit heures, puis toutes les six heures, puis toutes les douze heures.
Le docteur Neveu précise que ces doses doivent être diminuées en cas de problème digestif car le chlorure de magnésium est un laxatif. En revanche, il insiste pour qu’elles soient toujours administrées dans l’intervalle qu’il a déterminé. Et, à l’intention de ses confrères, il ajoute que « La crainte d’occasionner une néphrite ne doit pas empêcher l’emploi du chlorure de magnésium. Je n’en ai pas observée sur les très nombreux malades à qui j’ai fait suivre le traitement magnésien. »
Auguste Neveu souhaitait que les sachets de chlorure de magnésium soient disponibles facilement en pharmacie, et que chaque famille ait sa réserve à la maison – il n’a pas de date de péremption – pour intervenir au plus vite le cas échéant. Mission accomplie si l’on en croit son succès, non démenti depuis lors. La méthode se transmet et s’adapte – en affinant la posologie – tranquillement de génération en génération. Elle est devenue une sorte de rituel d’hygiène vitale appliqué à l’entrée de l’hiver pour se prémunir des épidémies.
Cher lecteur : virus versus chlorure de magnésium, à vous de choisir, à vous d’expérimenter… comme l’ont fait beaucoup avant vous !
– Béa Bach pour la Section Santé d’E&R –
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