Certains milieux politiques et idéologiques français sont en retard de plus de deux décennies sur le reste du monde et cela explique l’isolement total de Paris dans sa gestion chaotique d’une manipulation surannée que beaucoup de pays ont toutes les peines du monde à saisir ou comprendre.
Au lendemain du 11 septembre 2001, certains publicistes classés ou se prétendant comme des néo-conservateurs extrémistes ont tenté de manipuler l’opinion US avec une question bête et simple:
Why do they hate us?*…en se référant faussement aux extrémistes musulmans mais visant bien au-delà de cette catégorie soutenue, encouragée et armée par le Monde dit libre pour terrasser l’ogre soviétique (et maintenant la Chine). La question est en apparence naïve mais relève d’une manipulation d’une opinion qui ne ne sait presque rien sur ce qui ce passe. Cette question presque puérile mais fort étudiée a provoqué des trillions de dollars de pertes, une demi-douzaine de guerres, nourri une corruption aux proportions astronomiques, annihilé les libertés individuelles et collectives des populations du monde dit libre et a abouti à une crise systémique totale avec situation de blocage.
En 2020, quelques figures du paysage audiovisuel français reprennent la même réthorique en affirmant sans rire que c’est la France, sa civilisation et ses valeurs qui dérangent alors qu’ils oublient que la guerre en Syrie, un épisode de la manipulation du Printemps arabe, a définitivement mis fin à la pertinence de l’outil du terrorisme islamiste comme moyen d’hégémonie géostratégique des grandes puissances du monde dit libre. En termes plus simples, cet outil ne fait plus recette et a fini par être abandonné pour se focaliser sur une guerre froide 2.0 pour faire face à la Chine et à la Russie.
Ce retard de compréhension des élites autoproclamées squattant en permanence l’appareil de propagande français démontre l’incapacité et le manque d’imagination des élites au pouvoir oligarchique fermé gérant la France comme une multinationale.
Ce retard s’illustre encore par le choix de la chaîne qatarie Al-Jazeera pour l’entretien d’Emmanuel Macron visant à calmer les craintes des gros actionnaires vis à vis des appels au boycott mais également la substitution de la France aux États-Unis comme l’incarnation du diable dans certains pays à majorité musulmane. Il est vrai que l’usage unique au monde par le microcosme politico-mediatique français du terme très inapproprié « djihadiste » à des fins de nuisances idéologiques et propagandistes hostiles à l’Islam n’aide pas trop à l’amélioration de cette image dégradée.
La chaîne Al-Jazeera est l’une des plus controversées au monde après son rôle fort ambigu dans les événements ayant secoué le Moyen-Orient entre les années 2000 et 2007 puis lors du « printemps arabe ». Son influence est loin d’égaler celle qu’elle avait lors de l’invasion de l’Irak et cette chaîne n’est aujourd’hui qu’une chaîne parmi des milliers d’autres chaînes arabes en perte totale d’influence face à l’émergence des chaînes d’information iraniennes mais surtout- et c’est un phénomène fort récent- turques.
Le problème est que les problèmes internes et notamment sociétaux en France n’intéressent pas grand monde à l’étranger. La perception globale du discours de Macron sur son concept marketing du « séparatisme » islamique puis l’affaire dite des caricatures de l’outil Agit-Prop « Charlie Hebdo » n’est pas celle d’une guerre contre le terrorisme islamiste, soutenu en sous-main du reste par le gouvernement de Paris, mais celle d’un véritable sacrilège contre l’Islam. D’où la réaction des opinions dans de nombreux pays musulmans et la dégradation totale de l’image de la France dans ces pays, y compris ceux éloignés de la sphère d’influence française.
En réalité, Macron commence à apprendre la dure leçon de la Realpolitik à l’international, laquelle est totalement différente des manipulations et autres compromis entre copains-copines à l’intérieur du pays. L’échec patent du reconfinement illustre d’ailleurs bien l’autisme absolu de la secte au pouvoir en France.
Ce n’est pas une tâche aisée de concilier ou de ratisser large en vue d’échéances électorales importantes. Le rappel à l’ordre des emirs du Golfe, grands financiers de France, sonne la fin de la récréation mais certains diront que le mal est fait. Cela pose la question d’une remise en cause de la fâcheuse tendance au nombrilisme des élites intellectuelles françaises qui évoluent en milieu fermé et qui jugent le monde à l’aune d’une banlieue d’une ville étendue de France (syndrome du prisonnier et de la souris) alors qu’elles sont largement dépassées par la réalité d’un monde complexe et en constant changement.
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