J’ai été très surpris de voir le président français Emmanuel Macron arriver au Liban deux jours après l’explosion du port de Beyrouth qui a eu lieu le 04 août 2020, dévastant une grande partie de la ville. Au premier abord j’ai inscrit cette visite dans le registre des relations historiques qui lient la France et le Liban. Cependant, je me suis longuement interrogé sur le sens et les objectifs de cette visite chargée de symboles. Je me suis longuement abstenu avant de rédiger ces quelques lignes.
En prime abord, j’ai vu dans l’initiative française au Liban beaucoup de bonne volonté, mais j’ai également remarqué le plafond des ambitions très élevées qu’a imposé le président français à l’establishment politique libanais surtout dans le contexte actuel au Proche-Orient.
Le président Macron a donné très peu de temps à la classe politique libanaise afin de former un nouveau gouvernement et ainsi lancer les réformes nécessaires. Toutefois, le président Macron est bien conscient de la complexité de la situation au Liban, accompagnée par une corruption intégrée, ainsi qu’un système politico-confessionnel fondé générant un sectarisme sans précédent.
Le président Macron et avec lui l’Europe tente de maintenir une de leur dernière position au Proche-Orient. Il convient également de préciser que les stratégies et les postures politiques des États-Unis ont fortement contribué à sortir Français et Européens d’Iran, d’Irak, de Syrie, et maintenant ils œuvrent pour les sortir du Liban.
Il semble également que le président Français ait voulu jouer sur les contradictions internationales essayant une approche envers la Russie et peut-être l’Iran à partir du Liban. Ce qui pourrait permettre à la France de participer à l’exploration du gaz en Méditerranée, tout en investissant les entreprises françaises au Liban, notamment dans la reconstruction du port de Beyrouth.
Le président Macron s’est heurté au Liban à la classe politique au pouvoir depuis des décennies, qui traverse de nos jours une crise existentielle, compromettant l’avenir du Liban. La manière d’agir de la classe politique libanaise a été un des facteurs qui ont contribué à l’échec de l’initiative Française.
Toutefois l’initiative française a échoué du fait de la révision américaine de cette dernière. Tous les observateurs s’accordent à dire qu’il y a eu certainement au départ une coordination franco-américaine au sujet de l’initiative française au Liban, puis une remise en cause américaine de cette démarche. Il est de nos jours indéniable que les États-Unis ont aussi comme objectif d’empêcher la France de tirer un gain politique, ou notamment économique au Liban.
La révision des États-Unis de l’initiative Française s’inscrit dans le registre de la guerre permanente que cette dernière mène contre la France et à travers elle contre l’Europe. Une grande partie de ce qui se passe au Liban dans le cadre de l’initiative française est un affrontement américano-européen sur la scène libanaise.
Cependant, le président Emmanuel Macron ne pourra pas permettre à son initiative au Liban d’échouer complétement et en même temps il ne pourra pas non plus se retirer de l’arène libanaise.
Il a investi dans son initiative au Liban une partie de son capital politique. De ce fait, tout échec peut avoir des répercussions négatives sur la vie politique intérieure française, ainsi que sur l’avenir politique du président français, qui fait face actuellement à une opposition interne acharnée, prenant en compte que la France va de bon pied vers une prochaine élection présidentielle, au cours de laquelle l’actuel président français pourrait aspirer à être réélu pour un second mandat.
A partir de ce point de vue, nous comprenons la colère du président français ainsi que ses vives critiques envers la classe politique libanaise. Beaucoup des Libanais sont d’accord avec lui sur le fond. Toutefois, la plupart des observateurs ont mentionnés les incohérences dans les propos du président français lors de sa conférence de presse du 27 septembre.
Le président français a blâmé une partie des Libanais, les chargeant de l’échec de la formation du gouvernement de Mustafa Adib. Selon les observateurs, le président Macron est parti d’un dialogue constructif ouvert à toutes les composantes libanaises sans exception, pour rejoindre les positions américaines qui visent à mettre en défaut la culture de la résistance au Moyen-Orient.
Que nous soyons de ceux qui soutiennent la résistance au Liban ou non, la façon dont le président Macron s’est adressé à une partie des libanais, les chargeant de l’échec de la formation d’un nouveau gouvernement de mission peut-être une des raisons déstabilisatrices de son initiative, et cela peut arriver même s’il s’agit d’une critique acerbe d’un autre groupe libanais que celui qui est visé.
L’initiative française demeure fiable et nécessaire à condition qu’elle reste indépendante de la politique américaine au Liban afin d’avoir des résultats positifs pour la France et le Liban.
Ce qui est triste dans cette affaire est que la France et avec elle l’Europe, continue à être soumise à la volonté américaine. Sans oublier que la politique étasunienne est actuellement un grand fardeau pour l’Europe ainsi que pour le camp occidental.
Enfin, la révision américaine de l’initiative française au Liban, le comportement de la classe politique libanaise ont mis le président Macron et avec lui toutes personnes de bonne volonté au point mort.
La question est comment la France va se repositionner politiquement au Liban ?
Antoine Charpentier
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