Par Caitlin Johnstone
Source : RT, 25 octobre 2020
Traduction : lecridespeuples.fr
L’empire centralisé par les États-Unis fonctionne comme un énorme blob visqueux qui absorbe les nations et les transforme en États clients impériaux. Une fois absorbé, il est rare qu’un pays s’échappe et rejoigne d’autres nations véritablement souveraines.
Le nouveau Président élu de la Bolivie, Luis Arce, a déclaré à l’agence de presse internationale espagnole EFE qu’il avait l’intention de rétablir les relations de la nation avec Cuba, le Venezuela et l’Iran. Cela renverse la politique du régime précédent issu du coup d’État soutenu par les États-Unis, qui avait immédiatement commencé à fermer des ambassades, à expulser des médecins cubains et à rompre les relations avec ces nations après avoir pris le pouvoir illégalement l’année dernière.
Arce a également parlé de renouer des relations chaleureuses avec la Russie et la Chine.
« Nous allons rétablir toutes les relations », a-t-il déclaré à EFE. « Ce gouvernement a agi de manière très idéologique, privant le peuple bolivien de l’accès à la médecine cubaine, à la médecine russe, aux progrès de la Chine. Pour une question purement idéologique, il a exposé la population d’une manière qui est inutile et nuisible. »
Arce a exprimé sa volonté « d’ouvrir la porte à tous les pays, la seule exigence étant qu’ils nous respectent et respectent notre souveraineté, rien de plus. Tous les pays, quelle que soit leur taille, qui veulent des relations avec la Bolivie, la seule exigence est que nous nous respections comme des égaux. Si tel est le cas, nous n’avons aucun problème. »
Si vous êtes un tant soit peu informé en matière d’impérialisme américain et de politique mondiale, vous reconnaîtrez que ce développement est une hérésie effrontée contre la doctrine impériale.
La doctrine non officielle du cluster d’alliés internationaux semblable à un empire qui est vaguement centralisé autour des États-Unis ne reconnaît pas la souveraineté des autres nations, et ne les respecte certainement pas en tant qu’égaux. Cet empire considère comme acquis qu’il a le droit de déterminer ce que fait chaque nation dans le monde, qui seront ses dirigeants, où iront ses ressources et quelle sera sa position militaire sur la scène mondiale. Si un gouvernement refuse d’accepter le droit de l’empire de décider de ces questions comme bon lui semble, il est ciblé, saboté, attaqué et finalement remplacé par un régime fantoche.
L’empire centralisé par les États-Unis fonctionne comme un blob visqueux géant qui s’emploie lentement à absorber les nations qui n’ont pas encore été converties en États clients de l’Empire. Il est rare qu’une nation soit en mesure d’échapper à cette absorption et de rejoindre les nations non vassalisées comme la Chine, la Russie, l’Iran, le Venezuela et Cuba dans leur lutte pour la souveraineté, et il est encourageant que la Bolivie ait pu le faire.
Nous avons vu la dynamique du blob impérial expliquée de manière assez vivante l’année dernière par l’analyste politique américain John Mearsheimer lors d’un débat organisé par le centre de réflexion australien Center for Independent Studies. Mearsheimer a déclaré à son audience que les États-Unis feraient tout ce qui était en leur pouvoir pour arrêter le développement de la Chine et l’empêcher de devenir la puissance hégémonique régionale de l’hémisphère oriental, et que l’Australie devrait s’aligner avec les États-Unis dans cette bataille, faute de quoi elle subirait la colère de Washington.
« La question qui se pose est de savoir quelle devrait être la politique étrangère de l’Australie à la lumière de la montée en puissance de la Chine », a déclaré Mearsheimer. « Je vais vous dire ce que je conseillerais si j’étais un Australien. »
Mearsheimer a déclaré que la Chine allait continuer à croître économiquement et convertirait cette puissance économique en puissance militaire pour dominer l’Asie « comme les États-Unis dominent l’hémisphère occidental », et a expliqué pourquoi il pense que les États-Unis et leurs alliés ont toutes les capacités pour empêcher que cela se produise.
« Maintenant, la question est de savoir ce que tout cela signifie pour l’Australie ? » a déclaré Mearsheimer. « Eh bien, vous êtes dans un bourbier à coup sûr. Tout le monde sait quel est le dilemme. Et au fait, vous n’êtes pas le seul pays d’Asie de l’Est à être confronté à ce dilemme. Vous faites beaucoup de commerce avec la Chine, et ce commerce est très important pour votre prospérité, cela ne fait aucun doute. Sur le plan de la sécurité, vous devez vraiment vous aligner sur les Etats-Unis. Cela a beaucoup plus de sens, non ? Et vous comprenez que la sécurité est plus importante que la prospérité, car si vous ne survivez pas, vous ne prospérerez pas. »
« Maintenant, certaines personnes disent qu’il existe une alternative : vous pouvez vous ranger avec la Chine », a déclaré Mearsheimer. « D’accord, vous avez le choix : vous pouvez aller avec la Chine plutôt qu’avec les États-Unis. Je vais dire deux choses à ce sujet. Premièrement, si vous allez avec la Chine, vous devez comprendre que vous serez notre ennemi. Vous décidez alors de devenir un ennemi des États-Unis. Car encore une fois, nous parlons d’une concurrence intense en matière de sécurité. »
« Vous êtes soit avec nous, soit contre nous », a-t-il poursuivi. « Et si vous faites beaucoup de commerce avec la Chine et que vous êtes ami avec la Chine, vous sapez les États-Unis dans cette compétition sécuritaire. Vous nourrissez la bête, de notre point de vue. Et cela ne nous plaira pas. Et quand nous ne sommes pas contents, vous ne devriez pas sous-estimer à quel point nous pouvons être méchants. Demandez simplement à Fidel Castro. »
Des rires nerveux du public du think tank australien ont ponctué les observations les plus incendiaires de Mearsheimer. La CIA est connue pour avoir réalisé de nombreuses tentatives d’assassinat contre Fidel Castro.
Si vous vous êtes déjà demandé comment les États-Unis réussissent si bien à amener d’autres pays du monde à s’aligner sur leurs intérêts, voici comment ils s’y prennent. Ce n’est pas que les États-Unis soient un bon acteur sur la scène mondiale ou un ami bienveillant pour leurs alliés, c’est qu’ils vous détruiront si vous leur désobéissez.
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L’Australie n’est pas alignée avec les États-Unis pour se protéger de la Chine. L’Australie est alignée avec les États-Unis pour se protéger des États-Unis. Comme l’a récemment observé un utilisateur de Twitter, les États-Unis n’ont pas d’alliés, seulement des otages.
Comme l’illustrent les Lettres du palais récemment publiées, la CIA a organisé un coup d’État pour évincer le Premier ministre australien Gough Whitlam parce qu’il accordait la priorité à la souveraineté de la nation. Le journaliste John Pilger a écrit en 2014 après la mort de Whitlam :
L’Australie est brièvement devenue un État indépendant pendant les années Whitlam, de 1972 à 1975. Un commentateur américain a écrit qu’aucun pays n’avait « inversé si totalement sa position dans les affaires internationales sans passer par une révolution intérieure ». Whitlam a mis fin à la servilité coloniale de sa nation. Il a aboli le patronage royal, orienté l’Australie vers le Mouvement des pays non alignés, soutenu les « zones de paix » et s’est opposé aux essais d’armes nucléaires.
La principale différence entre le coup d’État en Australie et celui en Bolivie était que les Boliviens ont refusé de retourner leur veste et de se ranger derrière Washington, pendant que nous haussions les épaules et disions « Pas de soucis, mon pote ». Nous avions toutes les options pour devenir une vraie nation et insister sur notre propre souveraineté, mais nous, contrairement aux Boliviens, étions trop abrutis par la propagande et trop placides. Certains otages s’échappent, d’autres non.
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L’empire américain s’est débarrassé de Whitlam en poussant le pays à une crise constitutionnelle qui a conduit à sa destitution, puis, lorsque nous avons élu en 2007 un Premier ministre jugé trop amical avec la Chine, ils l’ont renversé à nouveau ; afin de faciliter le « pivot » de l’administration Obama contre Pékin, le pro-chinois Kevin Rudd a été remplacé par la complaisante Julia Gillard. Voici ce que rapporte le World Socialist Website :
Des câbles diplomatiques secrets américains publiés par WikiLeaks en décembre 2010 ont révélé que des « sources protégées » de l’ambassade des États-Unis étaient des figures essentielles dans l’élévation de Gillard. Pendant des mois, les principaux comploteurs du coup d’État, y compris les sénateurs Mark Arbib et David Feeney, et le chef de l’Australian Workers Union (AWU), Paul Howes, ont secrètement fourni à l’ambassade des États-Unis des mises à jour régulières sur les discussions internes du gouvernement et les divisions au sein de l’administration…
Rudd avait proposé une Communauté Asie-Pacifique, tentant de trouver une position médiane face à la rivalité stratégique croissante entre les États-Unis et la Chine, et s’était opposé à la formation d’une alliance militaire quadrilatérale entre les États-Unis, l’Inde, le Japon et l’Australie, dirigée contre la Chine.
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Gillard, qui avait cultivé ses références pro-américaines à travers les forums de leadership Australie-États-Unis et Australie-Israël, a été littéralement choisie par l’ambassade américaine comme une remplaçante fiable de Rudd. Lors de sa première apparition publique après avoir poignardé Rudd, elle a démontré son dévouement à Washington en posant pour une séance photo avec l’ambassadeur américain, flanquée de drapeaux américains et australiens. Elle a rapidement eu un appel téléphonique avec Obama, qui avait précédemment reporté à deux reprises une visite prévue en Australie sous Rudd.
La centralité de l’Australie dans les préparatifs américains de guerre contre la Chine est devenue évidente en novembre 2011, quand Obama a annoncé son « pivot vers l’Asie » au parlement australien plutôt qu’à la Maison Blanche. Au cours de la visite, Gillard et Obama ont signé un accord pour stationner des Marines américains à Darwin et permettre un plus grand accès américain à d’autres bases militaires en Australie, plaçant la population australienne en première ligne de tout conflit avec la Chine.
Le gouvernement de Gillard a également validé l’expansion de la principale base d’espionnage et de ciblage des armes des États-Unis à Pine Gap, a accepté l’utilisation accrue par l’armée américaine des ports et des bases aériennes australiennes et a renforcé le rôle de l’Australie dans le réseau mondial de surveillance de haut niveau « Cinq Yeux » dirigé par les États-Unis, qui surveille les communications et les activités en ligne de millions de personnes dans le monde.
La mise à l’écart de Rudd a marqué un tournant. L’impérialisme américain, via l’administration Obama, a envoyé un message brutal : il n’y avait plus de place pour l’ambivalence de l’élite dirigeante australienne. Quelle que soit la partie au pouvoir, elle a dû s’aligner sans condition derrière le conflit américain avec la Chine, quelles que soient les conséquences de la perte de ses énormes marchés d’exportation en Chine.
C’est ce que nous voyons actuellement dans le monde entier : une troisième guerre mondiale au ralenti menée par l’alliance de puissances pro-américaines contre les nations restantes qui ont résisté à l’absorption. En tant que nation non absorbée de loin la plus puissante, la Chine est la cible ultime de cette guerre. Si l’Empire réussit dans son objectif ultime d’arrêter la Chine, il aura atteint un gouvernement planétaire de facto auquel aucune population ne pourra s’opposer ou exprimer une voix dissidente.
Je ne sais pas pour vous, mais je n’ai jamais consenti à un monde où de puissantes forces nucléaires agitent des armes d’Armageddon les unes contre les autres tout en luttant pour la domination planétaire et en subvertissant des nations moins puissantes si elles ne se soumettent pas à leurs jeux de guerre froide. La détente et la paix doivent être recherchées et obtenues, et nous devons tous travailler pour vivre ensemble sur cette planète en collaboration les uns avec les autres et avec notre écosystème.
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Ce mode de vie omnicidaire et écocidaire que l’Empire oligarchique nous a imposé ne convient pas à notre espèce, et il nous conduira à l’extinction avec Dieu sait combien d’autres espèces si nous ne trouvons pas un moyen d’y mettre fin. Historiquement, les dirigeants n’ont jamais cédé volontairement leur pouvoir, donc nous, les êtres humains ordinaires, en tant que collectif, allons devoir trouver un moyen de détruire leur moteur de propagande, de forcer la fin de l’impérialisme et de construire un monde sain.
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