Il y a, en ce moment, sur une liste de discussion à laquelle je suis inscrite, un débat, qui reflète celui qui sévit sur les plateaux de TV, à propos de l’expression attentat terroriste islamiste pour qualifier le crime révoltant dont vient d’être victime un malheureux professeur, lui-même victime de l’idée fausse, à mon sens, que Charlie Hebdo serait le symbole de la liberté d’expression. Personnellement, je considère le Charlie hebdo de la seconde époque, celle de Philippe Val et Consorts, comme un torchon islamophobe, ce qui n’excuse, ni ne justifie évidemment en rien, l’assassinat de ceux qui y collaborent, ou de qui que ce soit.
Je changerai d’avis le jour où Charlie Hebdo sodomisera en première page Macron et/ou ses amis, la gendarmerie, le CRIF, ou même un simple citoyen comme Alain Finkielkraut. Au lieu d’être encensé, Charlie Hebdo serait alors traîné en justice comme l’a été le Gilet jaune qui a crié à ce dernier : « Barre-toi, sale sioniste de merde » en marge d’une manifestation dans le quartier de Montparnasse à Paris. Selon la Dépêche : « la scène a déclenché une vague d’indignation au sein de la classe politique » et le Gilet jaune identifié sur la vidéo a écopé de 2 mois de prison avec sursis pour injures antisémites alors que le mot juif n’a pas été prononcé, et que le mot sioniste fait référence à l’idéologie qui justifie la politique d’apartheid d’Israël contre les Palestiniens occupés, soutenue par beaucoup de sionistes, juifs ou pas, à travers le monde et pas du tout à l’appartenance au peuple juif, quoiqu’en disent les Sionistes que cet amalgame arrange bien.
J’ai entendu, samedi, un présentateur de CNews, dire sans rire : « Notre rôle est de prendre de la hauteur », avant de s’appuyer sur la phrase consacrée selon laquelle « la grande partie des Musulmans n’ont rien d’extrémiste et sont les premières victimes du terrorisme », pour en remettre une couche sur les Musulmans, l’Islamisme et la barbarie. Un de ses invités interdisait même qu’on argumente rationnellement car, selon lui, la place était à l’émotion, la seule réponse digne et respectueuse à cet acte sordide. Autrement dit, penser, réfléchir, se poser des questions, analyser les faits connus et leur contexte, tout cela serait une insulte à la victime et à sa famille…
Et c’est là qu’on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi et de quel droit ces gens-là essaient de nous empêcher de réfléchir et de nous exprimer ? Qu’ont-ils de si différent, alors, de ceux dont ils condamnent l’intolérance religieuse ? L’intolérance laïque est-elle plus acceptable ?
Déjà le terme attentatterroriste islamiste me semble relever de l’enflure verbale caractéristique d’une époque où la communication et l’illusionnisme ont pris le pas sur l’information. Le russe tchétchène, le Français d’Outre-mer converti de la Préfecture de Paris, le Pakistanais au hachoir ou le réfugié rwandais qui a mis le feu à la cathédrale de Nantes, sont tous clairement des individus isolés, des marginaux, déracinés, déboussolés, qui pensent n’avoir plus rien à perdre. Ils ne cherchent même pas à s’enfuir, ni à se protéger. Ils se laissent tuer ou arrêter avec la même facilité qu’ils ont tué ou brulé.
Les traiter de « terroristes » c’est leur faire trop d’honneur. Ce sont de vulgaires assassins, des illuminés coupables de crimes sordides et inacceptables, un point c’est tout. Mais comme l’Establishment ne fait rien sans raison, il faut croire que ça l’arrange qu’ils soient considérés comme des terroristes. Pendant que la nation gronde contre la prétendue menace Islamiste, elle oublie la vraie menace, Macron et les forces du Grand Capital, qui ont décidé de supprimer nos libertés individuelles, comme il l’a annoncé benoîtement la veille de la manifestation des soignants, en faisant passer cela comme un progrès selon sa bonne habitude : « La raison d’espérer, je vais vous dire : c’est que nous sommes en train de réapprendre à être pleinement une nation. C’est-à-dire qu’on s’était progressivement habitués à être une société d’individus libres. Nous sommes une nation de citoyens solidaires. » Ce qui revient à dire : je ne veux voir qu’une seul tête derrière mon panache blanc…
Comment en sommes-nous arrivés à avoir aussi peur de tout et de tout le monde ?
Que nous est-il arrivé pour que notre société passe, en un peu plus d’une génération, d’une société prospère et sans souci, une société sûre d’elle et de son avenir, une société d’individus libres, à une société coupée en deux de manière irréconciliable (le dernier sondage sur le coronavirus montre que 50% des Français croient en la version officielle et 50% n’en croient pas un mot), effrayée au point de paniquer au moindre virus, inconnu certes mais contrôlable comme d’autres pays l’ont prouvé, au moindre fou furieux, dangereux certes mais isolé, au moindre bang, surprenant certes mais indolore, d’un avion qui franchit le mur du son. Une société tellement terrorisée qu’elle accepte de laisser enfermer 20 millions de ses membres, le soir, comme en temps de guerre, alors qu’il n’y pas de bombes, ni d’obus, et que cela est en train de détruire les commerces et les emplois de millions de personnes qui, pour beaucoup, vivent déjà dans la précarité.
La vraie question c’est finalement, pourquoi et comment en sommes-nous arrivés à avoir aussi peur de tout et de tout le monde ?
Moi la première, je surveille mes arrières dans la rue, dans le métro partout, exactement comme je le faisais quand je voyageais seule en Inde ou au Mexique. De temps en temps, je surprends un inconnu en train de plonger sa main dans mon sac à dos qui ne contient plus rien de précieux depuis longtemps. J’ai été volée à Paris, dans le métro, le train, chez moi et ailleurs des quantités de fois en 50 ans, et ce n’est sans doute pas pire aujourd’hui qu’hier, mais je suis devenue très méfiante.
Selon les statistiques, il y aurait bien une augmentation des incivilités, l‘euphémisme qu’utilisent les pouvoirs publics pour rassurer la population, maintenant que les mots remplacent les actes (quand il s’agit de nous protéger ! C’est très différent quand il s’agit du Grand capital), mais c’est difficilement vérifiable à cause de la politique du chiffre qui pousse la police a exagérer et/ou à multiplier sur le papier le nombre de ses interventions, par exemple en les divisant en plusieurs parties, comme font les scientifiques qui publient 50 papiers par sujet au lieu d’un seul.
Le nombre de crimes est moins sujet à caution et il augmente « de manière inquiétante, selon 20 minutes : « 970 meurtres ont été commis en 2019 en France contre 894 en 2018, soit une hausse de 8,5%. Bien que la France n’ait « pas été particulièrement touchée par le terrorisme en 2019, puisque seules quatre victimes sont à déplorer lors de l’attaque de la Préfecture de police, l’année écoulée a malgré tout été plus meurtrière que 2015 (872 morts dont 131 lors des attentats de janvier et novembre) et que 2016 (892 victimes dont 86 à Nice lors du 14-Juillet). » La hausse est attribuée par certains aux trafics (drogue, etc.) et par d’autres à l’ensauvagement de la société. Mais quoi d’étonnant, puisque nous suivons docilement le modèle étasunien, derrière le panache européo-atlantiste de nos dirigeants ?
Quant aux attentats, les derniers attentats de masse bien organisés ont été commis en 2015 et 2016 « par Daech pour punir la France d’exercer des frappes aériennes en Syrie », selon Sud Ouest, après que Hollande s’est engagé dans cette guerre néocoloniale avec l’OTAN et les Etats-Unis en septembre 2014, après que Sarkozy a détruit la Libye et Bush, l’Irak (entre ’autres). Et ce n’est pas parce que les Médias ne parlent pas de la Palestine, que les Palestiniens ne souffrent plus aux mains d’Israël.
Les attaques terroristes auxquelles nous assistons aujourd’hui n’ont rien de comparable. On comprend aisément pourquoi les pouvoirs publics et leurs sbires veulent nous faire croire qu’il s’agit de la même chose, tout comme ils veulent nous faire croire qu’un couvre-feu est nécessaire pour nous protéger d’un virus qui n’aurait rien perdu de sa virulence depuis mars dernier, en même temps qu’il ne fait heureusement quasiment plus de morts. Régner par le peur, on le sait, permet à des gouvernements discrédités de se maintenir en supprimant les libertés.
Mais la question, c’est pourquoi la population les croit-elle ? Pourquoi l’image du terroriste-islamiste et/ou du virus–qui-sature-les-réanimations (saturées chaque hiver depuis que nos dirigeants ont supprimé des milliers de lits) suffit-elle à la terroriser ? Qu’ont en commun ces deux images grâce auxquelles des dirigeants, qui n’ont plus grand-chose à envier aux dictateurs qu’ils prétendent combattre, font régner la terreur dans nos pays et parviennent à imposer des mesures liberticides et destructrices absolument disproportionnées, que certains; comme le docteur allemand Reiner Fuellmich, dans une vidéo sur le COVID-19 et les tests PCR, vont jusqu’à qualifier de crime contre l’humanité ?
Qu’est-ce que le terroriste et le virus errants symbolisent ? Pourquoi nous terrifient-ils ?
C’est qu’ils incarnent laMORT, la Mort avec sa faux, celle qui nous prend par surprise, celle dont on ne connaît ni le jour ni l’heure, dans une société trop fragilisée pour l’affronter.
Il y a tout un ensemble de causes à cette fragilisation que je vais résumer rapidement car elles sont connues :
– L’Occident est en décadence. Il a perdu sa position hégémonique au plan économique en faveur de la Chine et est en passe de la perdre au plan militaire.
– Les dirigeants occidentaux sont pour la plupart vendus au Grand Capital à qui ils transfèrent toutes nos richesses et nos impôts, et il n’y a plus d’argent pour rien ni personne d’autre.
– Le déclassement, la précarité, frappent les populations occidentales et notamment la classe moyenne, entraînant le délitement de la société dont elle est l’épine dorsale.
– La population occidentale est vieillissante et a donc plus peur de la mort.
– 40 ans de pensée unique et de propagande ont déshabitué les gens à penser par eux-mêmes. L’esprit critique a largement disparu. Et même l’humour…
Terroriste solitaire et COVID-19, deux menaces, un seul Conseil de défense
Il n’y a pas que le Conseil de défense que le terroriste solitaire et le COVID-19 ont en commun. Ils possèdent tous les deux les ingrédients idéaux pour créer la panique dans les populations. D’abord ce sont deux menaces qui existent réellement. Il y a bien des attaques terroristes, et il y a bien des maladies mortelles. Mais d’autres dangers existent sans créer de panique. On a bien plus de chances, par exemple, de mourir dans un accident de voiture, mais les gens n’ont pas peur de prendre le volant, parce qu’ils pensent pouvoir maîtriser le danger. Les morts de crise cardiaque, du cancer, de la pollution, du tabac, de l’obésité, sont aussi infiniment plus nombreux, mais ils n’engendrent pas de panique car les gens croient pouvoir y échapper en se soignant.
Ce qui permet d’instrumentaliser le terroriste solitaire et le COVID-19 pour créer la panique, c’est qu’ils ont l’air de sortir de nulle part. Ils sont invisibles et imprévisibles, et lorsqu’ils frappent, il est trop tard. Il est impossible de s’en protéger car ils peuvent être partout. Peu importe qu’on n’ait pratiquement aucune chance d’être la victime d’un assassin, islamiste ou pas, et très peu d’être celle du COVID-19 si on est en bonne santé, la peur n’a rien de rationnel. Les imaginations s’enflamment. On y voit une vengeance de la nature, une punition divine, ce qui augmente encore le sentiment d’impuissance et donc la peur.
Une punition divine, vraiment ?
Les cataclysmes étaient, en effet, souvent vécus, dans le passé, comme des punitions divines. On se souvient de Sodome et Gomorrhe, deux cités impies que le dieu de la Bible a décidé de détruire pour éradiquer le mal à la racine. L’idée de punition s’ancre dans le sentiment de culpabilité qui lui-même s’ancre dans la réalité de notre imperfection, en tant qu’individu, société ou nation. Nous savons bien au fond de nous-mêmes que le terroriste solitaire (ou pas) et le COVID-19 (létal ou pas) ne sortent pas de nulle part. Ils sortent bien de chez nous, des entrailles de notre société.
Il y a eu beaucoup d’articles et de vidéos sur l’impact de la destruction de l’environnement dans la propagation des maladies. On entend même dire que la nature se venge. C’est une manière anthropomorphique de parler de ce que les bouddhistes appellent le Karma. Tout a une cause, et les causes et les effets s’enchaînent à l’infini.
Les fautes, les erreurs, les malentendus, tout cela n’est rien. La plupart du temps, cela peut être réparé. Mais le vrai mal, le mal rédhibitoire, c’est l’hypocrisie. Car alors, il n’y a pas d’issue. Ce n’est pas par hasard que Jésus la dénonçait, la combattait, sans cesse et partout, et notamment chez les pharisiens, les Élites de son époque, qu’il appelait des sépulcres blanchis, blancs au dehors et noirs au-dedans, et qu’il accusait de faire porter aux autres des fardeaux qu’ils ne portaient pas.
L’hypocrisie est ce qui caractérise notre société. Pour moi, c’est son trait fondamental. Je ne suis donc pas surprise de l’hypocrisie de l’Establishment qui feint de s’étonner qu’il y ait tant de Musulmans en France et que certains, dans le monde, ne soient pas contents de ce que nous leur avons fait. Ce qui devrait étonner nos pharisiens modernes est que si peu d’entre eux se révoltent et « se vengent ». Cela tient en partie à leur culture, qui est bienveillante et fataliste, et à la peur que nous leur inspirons.
Souvenez-vous de ce qui est arrivé, le 17 octobre 1961, justement lors d’un « couvre-feu raciste imposé quelques jours plus tôt aux Algériens et par extension à tous les Maghrébins (obligation d’être sans cesse isolé, et interdiction aux travailleurs algériens de sortir de 20h30 à 5h30, les cafés tenus par des musulmans doivent fermer à 19h…) » Le préfet pétainiste, « Maurice Papon, qui a reçu carte blanche des plus hautes autorités, dont de Gaulle, lance, avec 7.000 policiers, une répression sanglante. Il y aura 11.730 arrestations, et peut-être beaucoup plus de 200 morts, noyés ou exécutés, parmi les Algériens ». Et le journaliste de Rebellyion.info ajoute : « Ce crime au cœur de l’État français n’a toujours pas été reconnu officiellement alors même que les partisans de la Nostalgérie prônent la promotion de l’œuvre positive française durant la colonisation dans les programmes scolaires !!! »
Non, les Islamistes ne sortent pas de nulle part. C’est nous qui avons envahi et colonisé nombre de pays musulmans ; nous, qui avons fait venir en France des millions de leurs habitants pour servir de chair à canon aux usines dans les années 1950, puis des millions de réfugiés en détruisant leurs pays par des guerres de pillage ou des révolutions de couleur ; c’est nous qui, après les avoir parqués, ostracisés, discriminés, humiliés pendant des dizaines d’années, après les avoir culpabilisés et rendus responsables des conséquences de nos propres turpitudes au Moyen-Orient, utilisons maintenant quelques brebis galeuses soi-disant issues de leurs rangs pour faire d’eux tous, notre ennemi commun, et mieux diviser et terroriser la population, comme si le COVID-19 ne suffisait pas. Et ça marche, toute la classe politique au grand complet était dimanche place de la République. Mélenchon lui-même s’est dit prêt à l’unité nationale contre l’Islamisme. Toutes les chaînes de TV ont suivi et commenté le rassemblement tout l’après-midi.
Comparez cela avec l’indifférence dans laquelle les soignants ont manifesté jeudi après-midi alors qu’ils réclamaient des moyens pour la santé en pleine situation d’urgence. Macron s’était arrangé pour parler la veille et les ministres ont fait une conférence de presse pendant la manif de façon à ce qu’aucun media ne parle des soignants et des hôpitaux. Evidemment, ça aurait mis en péril le projet de couvre-feu du gouvernement qui cette fois ne concerne plus seulement les Algériens mais toute la population dans le but avoué d’accélérer la destruction de tout ce qui fait la spécificité de la vie collective en France, et qui échappe encore au Grand Capital.
Macron l’avait clairement annoncé devant le Congrès étasunien : « Avec Trump, nous contribuerons à la création d’un ordre mondial du 21e siècle pour le bien de nos concitoyens». Ce nouvel ordre mondial consiste en la modernisation à marche forcée des sociétés et de l’économie mondiales sous l’égide des grandes multinationales, un projet digne des Khmers rouges, dont on voit déjà les effets délétères et qui fera, lui aussi, des millions de victimes, sinon des milliards.
La crise sanitaire – avec en prime un attentat terroriste – est l’occasion rêvée de faire avancer le « Corporate Socialism » qui est, en fait, « une forme de néo-féodalisme » avec la « richesse pour quelques-uns et l’‘égalité économique’ dans des conditions réduites pour le plus grand nombre ». Cela passe par la destruction de la classe moyenne et des petites et moyennes entreprises. C’est très bien expliqué dans cet article de Dedefensa qui reprend et traduit un article de Michael Rectenwald :
« En fin de compte, le ‘Corporate Socialism’ mondial bénéficierait d’un monopole gouvernemental unique globalisé avec un seul ensemble de lois, et promouvrait ainsi un internationalisme sans frontières sous un gouvernement mondial, de préférence sous leur contrôle total, autrement dit le globalisme [mondialisme pour les Français] ».
Une perspective réjouissante qui est en train de devenir réalité. Ce n’est pas par hasard que les images terribles du film Metropolis de Fritz Lang me hantent ces temps-ci…
Dominique Muselet
Cet article a été publié initialement sur le site salaireavie.fr
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