Crise d’octobre 1970
Une crise qui a marqué à jamais l’imaginaire collectif des Québécois
On ne compte plus les innombrables écrits qui ont été publiés sur la crise d’octobre 1970 au Québec, notamment sur l’instauration de la Loi sur les mesures de guerre par le premier ministre du Canada, Pierre Elliot Trudeau, alléguant qu’il fallait mettre un frein à une insurrection appréhendée visant à former un gouvernement provisoire. À cet effet, le billet de Denis Lessard, publié dans La Presse du 5 octobre 2020 sous le titre Le gouvernement provisoire, légende urbaine de 1970, est fort éclairant.
Rencontres en catimini et téléphones secrets de hauts dirigeants tissent graduellement une toile autour de toute québécoise et de tout québécois ayant de près ou de loin des liens avec les groupes de séparatistes au Québec. Une chasse à l’homme sans merci s’engage à un rythme d’enfer. L’armée a littéralement envahi les rues d’un Montréal carrément assiégé.
« La menace d’un coup d’État au Québec a forcé Ottawa à réagir », titrait le Star, le plus important tirage au pays, en une. Dans le texte de nouvelle, non signé, attribué au bureau des correspondants à Ottawa, [le réputé journaliste Peter C. Newman, alors rédacteur en chef du Toronto Star], avait écrit que « le facteur qui a finalement amené le gouvernement Trudeau à appliquer la Loi sur les mesures de guerre fut la conviction qu’il avait acquise de l’existence d’un plan pour remplacer le gouvernement ». Le gouvernement Trudeau « avait cru qu’un groupe de Québécois influents avait entrepris de supplanter l’administration provinciale légitimement élue ».
Des noms de personnages publics font surface. Parmi les meneurs présumés, on trouve René Lévesque, Jacques Parizeau, Marcel Pepin et Claude Ryan. Pierre Elliot Trudeau ne perd pas une minute. « Je suis [maintenant] en mesure de le confirmer. Une conspiration est en cours, dirigée, entre autres, par Lévesque, Parizeau et Ryan. Il faut mettre un terme à ce mouvement vers un pouvoir parallèle ».
Parmi les personnages politiques influents qui gravitaient dans le giron de Pierre Elliot Trudeau se trouve Marc Lalonde, un personnage énigmatique qui maîtrisait l’art de noyer le poisson aussi bien que celui de créer la confusion. Marc Lalonde restera toujours vague sur son rôle dans cet épisode de la crise d’octobre. « Qu’on ait inspiré l’article de Newman, ça m’étonnerait. Mais qu’on ait dit quelque chose d’équivalent, c’est possible, car cela correspondait à ce qu’on observait », dit Marc Lalonde, cité par Pierre Godin dans son incontournable biographie de René Lévesque.
« En fouillant, on voit la source de cette rumeur. Claude Ryan s’en expliquera lui-même dans un livre sur la crise d’Octobre par la suite. L’idée d’un gouvernement provisoire, susceptible de remplacer celui de Robert Bourassa, avait été évoquée dans une réunion de l’équipe éditoriale du Devoir, une pure hypothèse de journalistes, réfléchissant tout haut. Mais Ryan a eu l’imprudence d’évoquer cette hypothèse avec Lucien Saulnier, président du comité exécutif de Montréal. Le bras droit du maire Drapeau transmettra rapidement ces informations à son patron, ainsi qu’à Pierre Trudeau, Robert Bourassa et Marc Lalonde. Ryan expliquera à l’époque : « Jamais il n’a été question de gouvernement provisoire. […] C’est Trudeau qui a mêlé les cartes pour justifier son extrémisme. » `
Et voilà, le chat était sorti du sac. Trudeau père a profité de cette insurrection appréhendée pour tenter d’étouffer dans l’œuf le mouvement indépendantiste au Québec, une stratégie qu’endosse Trudeau fils cinquante ans plus tard… Conséquemment, ne vous attendez pas à ce que Justin Trudeau ne présente quelque excuse aux centaines de Québécois et Québécoises arrêtés et incarcérés arbitrairement durant cette crise qui a marqué à jamais l’imaginaire collectif des Québécois.
Henri Marineau, Québec
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec