Entendant s’attaquer aux «abus potentiels de la reconnaissance faciale et de l’intelligence artificielle [tout] en remettant en question l’asymétrie du pouvoir en jeu», l’Italien Paolo Cirio a rendu publique le 1er octobre une plateforme en ligne intitulée «Capture-police», où il a compilé plusieurs milliers de clichés montrant les visages de policiers et de gendarmes.
Les citoyens sont surveillés alors que la police n’est pas tenue responsable de ses actes et a la possibilité d’agir cachée
«J’ai réuni les photos de mille policiers prises lors de manifestations en France puis je les ai traitées avec un logiciel de reconnaissance faciale afin d’établir le profil de 4 000 policiers qui sont à présent identifiables par leur nom», explique l’activiste italien dans une présentation filmée de son travail. Dans ce clip vidéo, Paolo Cirio met par ailleurs en avant la campagne d’affichage de ces portraits qu’il a réalisée dans les rues parisiennes. «Les citoyens sont surveillés alors que la police n’est pas tenue responsable de ses actes et a la possibilité d’agir cachée», estime encore l’auteur de cette démarche.
Sur la plateforme, les internautes connaissant les noms des visages répertoriés, sont ainsi encouragés à légender les portraits en question. «Toutes les photos ont été prises dans l’espace public, soit trouvées sur internet, soit acquises auprès de la presse. L’identification des agents qui en résulte sera rendue publique une fois qu’elles auront été vérifiées», précise le site.
Contexte explosif
L’initiative de l’artiste italien intervient dans un contexte pour le moins brûlant. Quelques semaines plus tôt, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin annonçait en effet sa volonté de proposer l’anonymisation des fonctionnaires de police et des gendarmes, en floutant leur visage dans les médias et sur les réseaux sociaux, dans le cadre d’un projet de loi à venir.
Les policiers ne sont pas que des numéros de matricule, ce sont des hommes et des femmes, dont les enfants taisent de plus en plus la profession de leurs parents pour éviter des représailles à l’école
Contacté par RT France, Thierry Clair, secrétaire général adjoint de l’UNSA Police, a pour sa part jugé l’initiative de Paolo Cirio «irresponsable et inacceptable», regrettant que le policiers s’y retrouvent «dans le rôle de lampiste». «Cela fait sûrement très bien, pour l’artiste en question, de montrer la police et ça lui fait probablement un bon coup de pub, mais les policiers ne sont pas que des numéros de matricule, ce sont des hommes et des femmes, dont les enfants taisent de plus en plus la profession de leurs parents pour éviter des représailles à l’école», confie le policier militant qui ne cache pas son amertume vis-à-vis d’une démarche à ses yeux stigmatisante.
«Si quelqu’un est mécontent d’avoir pris un procès verbal et reconnaît son voisin sur une affiche, il se passe quoi ? Il est invité à aller lui casser sa boîte aux lettres, par exemple ?», s’interroge Thierry Clair qui souligne l’existence réelle d’une menace pour les policiers : «C’est justement pour cela que l’UNSA Police avait demandé le floutage des visages des policiers dans les médias. Ce à quoi le ministre s’est engagé, à l’occasion de notre congrès en septembre, à contribuer au niveau législatif», explique encore le syndicaliste.
Darmanin demande le retrait des photos du site
La réponse du ministre de l’Intérieur ne s’est pas faite attendre. «Je demande […] le retrait des photos de son site sous peine de saisir les juridictions compétentes», a tweeté, dans l’après-midi du 1er octobre, Gérald Darmanin. Il demande également le retrait des clichés visibles dans les rues de Paris.
Paolo Cirio : Insupportable mise au pilori de femmes et d’hommes qui risquent leur vie pour nous protéger. Je demande la déprogrammation de « l’exposition » et le retrait des photos de son site, sous peine de saisir les juridictions compétentes.
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) October 1, 2020
Le membre du gouvernement a dénoncé, en effet, une «insupportable mise au pilori de femmes et d’hommes qui risquent leur vie pour nous protéger».
Fabien Rives & Antoine Boitel