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par Christelle Néant.
Trois jours après le début d’une nouvelle escalade du conflit dans le Haut-Karabakh, l’Arménie a accusé l’aviation turque d’avoir abattu un de ses SU-25, et dix civils de plus auraient trouvé la mort lors de bombardements.
Alors que destructions et victimes continuent de s’accumuler des deux côtés de la ligne de front, l’Arménie et l’Azerbaïdjan continuent leur guerre de l’information et refusent pour l’instant de s’asseoir à la table de négociation.
Un SU-25 arménien abattu par l’aviation turque
Le 29 septembre 2020, l’Arménie a accusé la Turquie d’avoir abattu un de ses SU-25, ce qui pourrait faire passer le conflit du Haut-Karabakh du statut de conflit interne et inter-ethnique, à celui de conflit international.
D’après la porte-parole du ministère arménien de la Défense, Chouchane Stepanian, le 29 septembre à 10 h 30, des F-16 de l’aviation turque auraient décollé de l’aéroport Ganja, situé en Azerbaïdjan, pour soutenir les attaques aériennes des SU-25 azerbaïdjanais et des drones turcs Bayraktar contre les localités et les positions de l’armée arménienne situées dans la région de Vardenis, en Arménie.
Selon la déclaration de la porte-parole, alors que l’aviation arménienne soutenait les unités de défense anti-aériennes, en engageant les aéronefs ennemis, un SU-25 arménien a été abattu par un F-16 de l’aviation turque dans l’espace aérien de l’Arménie. Le pilote du SU-25, le major Valeri Danelin, est mort.
La Turquie et l’Azerbaïdjan ont rapidement nié avoir abattu un SU-25 arménien, présentant l’information publiée par Erevan de « mensonge » et de « nouveau fantasme de la machine de propagande militaire arménienne ».
Afin de prouver ses accusation, l’Arménie a publié aujourd’hui sur Facebook les photos du site du crash, prouvant qu’un de ses SU-25 a bien été abattu, ainsi que le nom du pilote. Erevan a aussi confirmé avoir enregistré la présence de F-16 dans le ciel du Karabakh. Or l’Azerbaïdjan n’en possédant pas, il s’agirait plus probablement de F-16 turcs.
D’après l’expert Fiodor Loukianov, il y a peu de chance que la Turquie soit directement et réellement impliquée dans le conflit du Haut-Karabakh, car cela signifierait une guerre Turco-Arménienne, et à cause des alliances auxquelles appartiennent les deux pays (OTAN pour la Turquie et l’OTSC pour l’Arménie), cela entraînerait la Russie dans le conflit. Or d’après Loukianov, le Président turc, Tayyip Erdogan n’a pas envie de provoquer une guerre avec la Russie.
Pour l’expert, il est plus plausible que le SU-25 arménien a été abattu par l’aviation azerbaïdjanaise, « ce qui est aussi mauvais et indique une escalade du conflit, mais différente ».
Malgré cela, l’Arménie ne sait toujours pas si elle compte fermer son espace aérien. Une mesure qui se justifie, si on regarde les conflits passés et présents où des avions civils ont été abattus le plus souvent par erreur. S’il y a bien une chose que l’accident du MH17 aurait dû enseigner, c’est qu’il vaut mieux pécher par excès de prudence dans ce domaine, plutôt que de laisser des avions civils survoler une zone de conflit au risque d’être abattus par des systèmes de défense anti-aériens ou des avions de combat.
Dix civils tués tant dans le Haut-Karabakh qu’en Azerbaïdjan
La fermeture de l’espace aérien se justifie d’autant plus que les combats ont fait de nouvelles victimes civiles, tant dans le Haut-Karabakh, qu’en Azerbaïdjan.
D’après Bakou, sept civils de plus auraient été tués, portant le total des civils azerbaïdjanais morts lors de cette escalade à 14. D’après l’Azerbaïdjan, 46 civils auraient aussi été blessés au total en trois jours de combat. Les destructions d’habitations et d’infrastructures civiles ne seraient pas en reste avec 116 maisons et 26 pièces d’infrastructures sévèrement endommagées, dont trois écoles et un centre médical.
De son côté, le Président de la république d’Artsakh, Vagram Pogosian, a annoncé aujourd’hui que trois civils du Karabakh sont morts et plusieurs autres ont été blessés, lors d’une attaque aérienne de la ville de Martakert, située près de la ligne de front avec l’Azerbaïdjan.
En plus des victimes civiles et des destructions d’habitations et de pièces d’infrastructure, Arménie et Azerbaïdjan continuent leur bataille des chiffres concernant les pièces d’équipement militaire ennemies détruites.
L’Arménie a ainsi annoncé hier avoir détruit 12 chars d’assaut azerbaïdjanais, et le Président de la République d’Artsakh a annoncé avoir récupéré la majeure partie des positions qui avaient été capturées par l’Azerbaïdjan le 27 septembre.
L’Azerbaïdjan de son côté a annoncé avoir détruit les positions de deux bataillons de l’armée arménienne, trois lance-roquettes multiples Grad, un lance-roquettes multiple Ouragan, un véhicule de combat d’infanterie deux canons, un système de défense anti-aérien OSA, et un système de défense anti-aérienne S-300 (information démentie par l’Arménie). Bakou a aussi annoncé qu’Erevan avait perdu jusqu’à 2 300 soldats (tués ou blessés), et environ 130 véhicules blindés.
La Russie médiatrice du conflit du Haut-Karabakh
Alors que cette escalade se poursuit dans le Haut-Karabakh, Arménie et Azerbaïdjan refusent de négocier, malgré les appels répétés de la Russie, et de la communauté internationale à arrêter les hostilités et à s’asseoir à la table de négociation.
Le Conseil de Sécurité de l’ONU s’est dit préoccupé par la reprise des hostilités dans le Haut-Karabakh, et a appelé l’Arménie et l’Azerbaïdjan à cesser immédiatement les tirs et à commencer des négociations sans conditions préalables.
L’OSCE a quant à elle convoqué une réunion extraordinaire du conseil permanent de l’organisation pour discuter de l’escalade dans le Haut-Karabakh.
Mais l’Arménie refuse de négocier avec l’Azerbaïdjan tant que les opérations militaires sont en cours sur la ligne de contact, insistant pour que cesse la violence dans le Haut-Karabakh avant de discuter avec Bakou.
De son côté, l’Azerbaïdjan justifie son refus de discuter par le fait que les négociations menées jusqu’ici n’ayant abouti à rien de concret, les appels actuels au dialogue sont inutiles.
« Nous avions de l’espoir [dans le processus de négociation – NDLR]. On nous a donné cet espoir, on nous a envoyé des signaux, nous disant d’être patients, que la question sera résolue. Mais j’ai dit que le peuple azerbaïdjanais n’accepterait pas l’occupation. Finalement, j’ai dit qu’en l’absence de succès dans les négociations, l’Azerbaïdjan a tout à fait le droit de résoudre la question par des moyens militaires. Le peuple azerbaïdjanais et les normes du droit international nous ont donné ce droit », a déclaré Ilham Aliyev, le Président azerbaïdjanais.
Pour lui, le format de négociations internationales existant (le Groupe de Minsk) ne donne malheureusement aucun résultat.
« Par conséquent, je pense que les appels au dialogue lancés par l’une ou l’autre partie sont inappropriés. C’est fait par les organisations internationales, l’ONU et nous l’acceptons naturellement, l’OSCE le fait parce qu’elle a aussi un mandat. Et ceux qui disent simplement d’entamer un dialogue, et nous allons vous aider, il n’y a pas besoin de cela. C’est le moment de vérité », a déclaré M. Aliyev.
Le Président azerbaïdjanais a aussi clairement énoncé la condition pour que cessent les hostilités dans le Haut-Karabakh, à savoir le retrait pur et simple des forces armées arméniennes des territoires occupés.
« Nous avons une condition – le retrait inconditionnel des forces armées arméniennes des territoires occupés. Si le gouvernement arménien remplit cette condition, les combats cesseront et la paix reviendra », a-t-il déclaré lors d’une rencontre avec des soldats blessés à l’hôpital clinique central de Bakou.
Selon M. Aliyev, si le peuple arménien veut vivre en paix, il doit « traduire en justice » les dirigeants de l’Arménie. Il a aussi assuré qu’il avait donné l’ordre à son armée de ne pas utiliser la force contre la population civile d’Arménie.
De manière plus que symbolique, alors que les Présidents de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan refusent de négocier, ils ont tous les deux participé à la même émission « 60 minutes » de la chaîne de télévision russe publique Rossia1, afin d’exposer leurs points de vue sur le conflit du Haut-Karabakh. Leur participation commune à cette émission de la télévision russe est un symbole fort du rôle de médiateur que joue la Russie dans ce conflit.
« Il faut trouver des consensus et des solutions communes au problème, il y a des mécanismes. Notre rôle de médiateur au sein du format de Minsk de l’OSCE, en tant que voisin et, en général, en tant qu’État ayant une histoire commune, tant avec l’Arménie qu’avec l’Azerbaïdjan, est très actif dans ce domaine », a déclaré Maria Zakharova, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères.
Un rôle actif confirmé par la conversation téléphonique qui a eu lieu entre le Président russe, et son homologue arménien, et le fait que Vladimir Poutine s’est dit prêt à avoir une discussion similaire avec le Président azerbaïdjanais si nécessaire. Le ministère russe des Affaires a quant à lui déjà mené des conversations téléphoniques tant avec l’Arménie qu’avec l’Azerbaïdjan.
La Russie s’est même dite prête à offrir une plateforme de discussion pour organiser les contacts concernant le conflit du Haut-Karabakh, y compris une réunion entre les ministres des Affaires étrangères de la Russie, de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan.
Le Conseil de l’Europe est aussi impliqué dans les négociations avec les deux parties au conflit. Le chef du Conseil de l’Europe, Charles Michel, a des conversations tant avec les dirigeants de l’Arménie, qu’avec ceux de l’Azerbaïdjan sur la situation dans le Haut-Karabakh, et les dirigeants européens appellent à éviter toute ingérence extérieure dans le conflit qui pourrait aggraver la situation.
Une possible ingérence qui inquiète d’ailleurs la Russie. Si cette dernière reste neutre afin de pouvoir continuer à jouer son rôle de médiateur, Moscou s’est en effet dite préoccupée par les informations indiquant le transfert de combattants depuis la Syrie et la Libye vers la zone du conflit du Haut-Karabakh afin de participer aux hostilités.
« Selon les informations reçues, des groupes armés illégaux, en particulier venant de Syrie et de Libye, sont transférés dans la zone du conflit du Haut-Karabakh pour participer directement aux hostilités. Nous sommes profondément préoccupés par ces processus, qui non seulement conduisent à une escalade encore plus importante des tensions dans la zone de conflit, mais créent également des menaces à long terme pour la sécurité de tous les pays de la région », a noté le ministère russe des Affaires étrangères.
« Nous exhortons les dirigeants des États intéressés à prendre des mesures efficaces pour empêcher l’utilisation de terroristes et de mercenaires étrangers dans le conflit et leur retrait immédiat de la région », a ajouté la diplomatie russe.
Il reste à espérer que cet appel sera entendu par les deux parties au conflit, et que la Russie réussira à persuader l’Arménie et l’Azerbaïdjan de retourner à la table de négociation, avant que cette escalade des tensions dans le Haut-Karabakh ne dérape au risque d’entraîner une guerre de plus grande envergure.
source : http://www.donbass-insider.com/fr
Source: Lire l'article complet de Réseau International