« La continuité du rapport de l’esclave et de l’esclavagiste était assurée par la contrainte subie directement par l’esclave. En revanche, l’ouvrier libre est obligé d’assurer lui-même la continuité de son rapport, car son existence et celle de sa famille dépendent du renouvellement continu de la vente de sa force de travail au capitaliste… Chez l’esclave, une force ou une habileté particulière peut accroître son prix d’achat, mais cela ne le concerne pas. Ce n’est pas le cas de l’ouvrier libre qui, lui, est propriétaire de sa force de travail vendue et exploitée… »
Un chapitre inédit du Capital, Karl MARX
«…Nous ne pouvons pas faire de distinction dans les droits, que ce soit la PMA, la GPA ou l’adoption…Moi je suis pour toutes les libertés. Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence? C’est faire un distinguo qui est choquant…»
Pierre BERGE en 2013, entrepreneur en confection de luxe, homme d’affaires et mécène de toutes les impostures du marché narcissique du faux triomphant
« C’est pour devenir toujours plus identique à l’identité de son indistinction que le libre espace de la marchandise totalitaire supprime précisément toute distinction. La prise de possession de la totalité humaine par le spectacle de l’aliénation, en développant la logique de l’indistinct absolu, lui permet d’indistinguer absolument la logique de tous les développements en façonnant désormais une histoire à « sens unique » : celle du terrain où le citoyen est indistinctement et toujours hors sol et privé de toute autre identité que celle du fétichisme marchand se parlant sans discontinuer à lui-même.
L’intégration au fétichisme de l’argent présuppose que les individus qui y sont séparés d’eux-mêmes et coupés des autres soient cependant fondus dans la communauté de l’illusion marchande qui les socialise en tant que dissociés-ensemble et précisément reliés par la généralisation spectaculaire de l’indistinct.
L’indistinction est cet accomplissement moderne de la confusion marchande qui se consomme elle-même en tant qu’abstraction universelle et infinie puissance de la falsification.
Dans une société où plus personne ne peut plus être reconnu que par la marque du paraître de l’avoir, l’indistinction est partout chez elle puisque toute la réalité de l’imposture du monde a fini par se mondialiser comme imposture de toute réalité.
A mi-chemin d’une hétérosexualité toujours plus dévalorisée et d’une homosexualité toujours plus louangée, le spectacle de l’indistinction a balisé sa norme de mixité indifférenciante en une représentation schizophrénique où la femme doit de plus en plus sembler être un homme pendant que l’homme doit, lui, de plus en plus ressembler à une femme. »
Critique de la Société de l’Indistinction.
Durant sa phase de domination formelle, entre le développement médiéval des grandes cités marchandes : Venise, Anvers, Gênes, Amsterdam et la première boucherie mondiale de 1914, le mode de production capitaliste n’est pas encore lui-même puisqu’il s’appuie sur une extériorité qu’il absorbe et digère peu à peu pour la reconvertir conformément à sa propre substance. Il y eut ainsi le temps de l’épargne des accumulations premières et de la morale des continences pour parvenir enfin au temps des consommations des accumulations dernières et de la morale des débauches du sexe machine. La domination du Capital devient donc réelle quand c’est le procès de travail qui devient spécifiquement capitaliste et que toute l’activité vivante qui en découle est modifiée et façonnée en fonction de l’objectif unique de la valorisation. Le spectacle du fétichisme de la marchandise, compris désormais comme totalité du monde, est à la fois le résultat et la combinaison du mode de production capitaliste totalement existant. Le mode de production capitaliste d’aujourd’hui qui a enfin liquidé toute son antériorité est ainsi le moment où la marchandise est parvenue à l’occupation totale de la vie humaine désormais absolument réifiée…
Il y a bientôt près de deux siècles et autour de la Première Internationale et des positions maximalistes défendues par Marx en défense de l’abolition de l’argent et de l’État, les groupements pratiques et théoriques radicaux qui soutenaient une conception ontologique et émancipée de la vie humaine eurent toujours l’intelligence et la profondeur d’annoncer et de démontrer que la totalité de l’existence, progressivement domestiquée par la civilisation du profit ne pourrait déboucher, par la nécessité historique implacable des affaires, que sur l’horreur de la prostitution universelle dans l’artificiel illimité.
Des vieilles insurrections paysannes de jadis aux soulèvements ouvriers qui ne cessèrent de s’ensuivre contre la modernité capitaliste de l’oppression, les solidarités vivantes de la filiation familiale ont toujours constitué des axes dynamiques et expressifs autour desquels l’indiscipline, la mutinerie et le soulèvement communautaire pouvaient durablement s’installer contre le travail d’atomisation des spéculations du négoce. Le chouan de 1793, le communard de 1871 et le sidérurgiste de 1968 avaient la force et la volonté de se battre parce que leur lutte de classe contre l’ignominie économique et politique se charpentait d’emblée sur la détermination enracinée des relations affectives qui faisaient la solidité de la maisonnée et de sa transmission contestataire. Et cette détermination historique, vivace par delà les contraintes de soumission encore limitée de l’Ancien Régime qui avait dû composer avec la puissance établie des communaux ancestraux, conservait fondamentalement le sens de la tradition primordiale de la longue durée millénaire, là où la communauté organique, ignorant la loi de l’argent et de l’État, produisait pour le seul bien vivre humain.
Avec la domination pleinement réalisée de la marchandise, les lignages humains d’avant le règne absolu de l’accaparement qui s’étaient affirmés comme positions récalcitrantes lors de la phase d’ascension du Capital, sont devenus décidément d’aucune utilité puisqu’ils témoignent justement de ce temps révolu où la généalogie des hommes échappait encore pour une part au cannibalisme de l’appropriation. Par la dialectique de l’obscurantisme illimité de la démocratie du calcul et de l’avilissement, la séparation généralisée des hommes de leur propre existence exulte, et ainsi doit disparaître toute pratique unitaire de la réalité, toute communication personnelle directe entre les humains qui ne serait point préalablement médiée par la représentation narcissique des échanges. Selon le progrès moderniste de l’accumulation capitaliste d’une production obligatoirement séparée et séparante, l’unité et la communication deviennent l’attribut exclusif du fétichisme de la marchandise. La réussite du système historique de la séparation spectaculaire est alors la marchandisation exemplaire du monde de tous les comportements des humains asservis.
Comme l’indiquait pertinemment Guy Debord au siècle dernier, maintenant l’homme cesse de pouvoir ressembler aux combats de son père ou de son grand-père, il doit être étroitement accordé à l’image prosternée du présent éternel de la soumission à l’argent…
Comme le dit Marx, dès ses premiers textes, et ce au total rebours de tous les idiots utiles du progressisme du mondialisme du bénéfice : dans la société de l’Avoir, la production ne produit pas seulement des marchandises matérielles. Elle produit l’homme, lui-même, comme une marchandise, la marchandise humaine, l’homme destiné au seul rôle de marchandise, elle le produit conformément à cette destination, « comme un être déshumanisé aussi bien intellectuellement que physiquement… Immoralité, dégénérescence et ilotisme… »
Le système du fétichisme marchand édifié sur l’isolement est une production circulaire de l’isolement narcissique. L’isolation spectaculaire assure la technique de développement de la marchandise et le développement technique de la marchandisation isole toujours et toujours plus en retour. Chaque pas en avant de la libération des mœurs telle que prônée par l’extrême gauche du Capital qui n’est là pas autre chose que l’avant-garde de la profitabilité générale, aboutit de fait à marchandiser toujours davantage les corps, les cœurs et les âmes, et tous les avancements sélectionnés par le système spectaculaire sont de la sorte ses armes nouvelles pour le renforcement constant des conditions d’isolement et d’esclavage des pitoyables et incommensurables foules solitaires.
L’origine et le principe du spectacle de la marchandise, c’est la perte d’unité du vivre authentique, et l’expansion gigantesque de la sexualisation marchande par la mercantilisation systémique du sexe exprime la totalité de cette corruption où la vraie jouissance radicale du qualitatif réfractaire est transmutée en vulgaire faux plaisir de la quantité commerciale. Le spectacle de la liberté des mœurs n’est que le langage commun de cette séparation où ce qui relie les spectateurs apprivoisés n’est finalement qu’un rapport irréversible à leur propre vie fausse, laquelle maintient leur isolement infini dans ce spectacle de schizophrénie mégapolitaine où l’orgasme illusoire réunit des errances humaines séparées mais en ne les réunissant toujours qu’en tant qu’épaves séparées dans la grande déambulation égarée des braderies lamentables.
Par delà la ridicule comédie théâtrale du mariage gay qui ne concerne d’ailleurs pas la masse des spectateurs homosexuels mais plus exactement la nomenklatura étatique et médiatique de ceux qui entendent en contrôler le marché, il faut, en premier lieu, rappeler qu’il est dans la logique du Capital de dissoudre tout ce qui lui était antérieur après en avoir épuisé toutes les ressources possibles puis de le refaçonner à l’image du parcours totalitaire de la pure démocratie de la mesure mercantile à la page.
Désormais, le spectacle du fétichisme marchand s’est emparé de la totalité du monde et la liberté despotique de l’argent est enfin parvenue à élaborer la fabrique démocratique universelle de cette marchandise si originale qu’est l’être humain chosifié jusqu’en son intimité sexuelle et émotionnelle la plus profonde. Tout s’achète et tout se vend dans le procès réalisé de la mondialisation capitaliste flamboyante qui a digéré toutes les manifestations du vivre humain pour les réécrire adéquatement au marché totalitaire des échanges narcissiques du commerce de l’aliénation consommatoire.
Ainsi, le sexe est d’abord une transaction affairiste et son commerce, accru depuis la libéralisation des marchés du désir machinique tant prônée par le gauchisme capitaliste à partir de la mystification libéralo-libertaire de 68 qui est venue cacher la colère ouvrière radicale qui fit alors si peur, se montre essentiellement comme croissance et mobilité ininterrompues des innovations aliénatoires nécessaires à l’ajustement structurel du despotisme de la possession. La libération sexuelle est le mouvement par lequel la marchandise se libère des traditions de l’avant-marchandise pour imposer la pure domination du marché de l’offre et de la demande qui permet dès lors le trafic des hommes, des femmes et des enfants conformément à tous les désirs réifiés de la logique du marché des sexualités mécaniques librement circulantes.
Quel esprit lucide doté d’un tant soit peu de vivacité intellectuelle pourrait s’étonner que l’économie politique du mariage gay et l’ensemble de ses conséquences, la PMA (procréation médicalement assistée) et la GPA (gestation pour autrui) correspondent impeccablement à une époque qui veut que nous cessions de ressembler à la souche subversive de notre provenance en la vieille communauté de l’Être qui fit tout à la fois, nos jacqueries incessantes, la Commune de Paris et les grèves séditieuses du siècle dernier, pour nous amener à devenir la stricte duplication conforme de l’industrie moderne de la misère généralisée de tous les marchés narcissiques concevables où il est tout à fait normal de louer ou d’acheter un utérus puisque l’enfant est bien entendu une fourniture comme une autre.
La production/métamorphose des sensualités humaines comme choses hébétées et purement automates est dorénavant bien en cours dans l’infamie technologique du procès de valorisation capitaliste. En pleine conformité avec ce qu’avait anticipé la septième section du livre Premier du Capital, à mesure que les contradictions qui posent le cheminement de l’universelle baisse du taux de profit, imposent la production croissante d’une surpopulation relative comme armée industrielle de réserve, le despotisme du marché rend absolument nécessaire de « fabriquer des surnuméraires » en « remplaçant une force supérieure et plus chère par plusieurs forces inférieures et à bon marché, l’homme par la femme…un Yankee par trois Chinois… ». Ainsi, la modernité démocratique de l’oppression marchande a jeté des millions de femmes à l’usine et le féminisme comme religion de cette émancipation travailliste a construit le spectacle de légitimation qui a fait de la femme un rouage bon marché de l’immense machine à produire de l’anti-humain. Toutes les libérations sont des constructions d’aliénations supérieures conformes aux impératifs de progression de la civilisation du commercialisme tentaculaire… Le droit industriel à l’avortement généralisé a ainsi permis de régler la sur-production des fœtus qui résultait des obligations de la mise en marche de la féminisation salariale concentrationnaire. Et la dialectique capitaliste qui conduit ainsi des avortoirs de la naissance volée aux abattoirs de la sédation terminale des morts imposées renvoie tout normalement à cette idée fort banale que l’homme, à tous les stades de son évolution, est une simple et acéphale machine à profit, un matériau dont la liberté despotique de l’argent peut disposer du début à la fin selon les lois générales du meilleur des mondes marchands possibles.
Par conséquent, les phénomènes d’asservissement social étant récemment apparus sur le marché des modes obligatoires comme la théorie du genre, le mariage homosexuel, la PMA et la GPA, s’inscrivent pleinement dans l’effectivité d’accomplissement de la logique trans-humaniste du fétichisme de la marchandise en tant que forme supérieure et dernière de l’aliénation qui rend justement l’homme tout à fait étranger (aliénus) à l’homme. Le trans-humanisme des affaires se définit ainsi comme le projet immanent du spectacle du monothéisme de l’argent de modifier la nature humaine profondément au point de la faire sortir définitivement d’elle-même jusqu’à ce point terminal où l’homme machinique du désir réifié est pleinement réalisé par la dé-réalisation de tout ce qui articule la sensibilité ontologique de l’humaine émotion. Marx définissait les communautés primordiales du passé et la communauté universelle de demain comme un naturalisme achevé, il convient de regarder la société actuelle comme un anti-naturalisme achevé puisqu’il s’agit exclusivement pour elle de nous emmener à l’ « après- l’humain » de telle sorte que l’on atteigne le niveau d’auto-péremption de l’espèce humaine elle-même, ainsi rendue dépassée dans la délectation robotique et obsolète dans le destin historique. En ce sens, le concept de trans-humanité est d’abord synonyme de post-humanité, c’est à dire d’humanité chosifiée donc d’anti-humanité entièrement machinisée dans l’ultra-automatisation de l’affectivité…
Nous sommes ici pleinement confrontés au constructivisme machinique de la marchandisation intégrale. L’une des constantes de la domination totalement réalisée du Capital, dont le trans-humanisme caractérise le parachèvement symphonique, est de considérer l’existence entière comme une construction industrielle de dimension post-naturelle nécessaire. Tout ce qui est donné, tout ce qui est naturel, peut de la sorte être sans cesse dé-construit et re-construit selon les déterminations d’un nouveau plan de vie ; celui de la démocratie totalitaire des recompositions narcissiques de la libre circulation infinie des techniques de la bio-rentabilité omniprésente. Pour le trans-humanisme du profit, tout est appelé à être trans-formé en simulacres et simulations car cela doit permettre de se « libérer » d’une nature humaine archaïque et dérangeante considérée comme ennuyeuse et incommode, encombrante et bien trop limitée au regard de l’illimitation psychotique des forces productives de la licencieuse capitalisation du monde.
Le mouvement capitaliste d’appropriation, de remaniement et d’artificialisation du vivant impulsé par le marché moderniste de l’innovation technologique fait désormais de l’existence humaine un simple terrain banalisé d’investissement et de bénéfices pour les entreprises du bio-capitalisme. La liberté, c’est toujours la liberté du marché… La gauche du Capital en tant que laboratoire le plus avancé de la mystification marchande est donc là – comme toujours – en toutes ses coteries complémentaires, à la pointe de cet avenir d’obligations irrépressibles qui pousse la vie des êtres à s’émanciper de l’être de la vie, au nom de la liberté et de l’égalité des corps circulatoires qui structurent la société du mensonge généralisé pour que l’assimilation corporelle induite fusionne avec la reproduction du procès scientifique de valorisation en venant conclure la conquête du monde et de la production de la re-production… Le spectacle dictatorial des emprises scientifiques de l’économie soumet les hommes vivants dans la mesure où l’économie de la science les a préalablement totalement soumis. Il n’est rien d’autre que la chosification rassemblant la Terre comme marché mondial de la marchandise sans limite se développant pour elle-même. Il est le reflet fidèle de la production des choses, et l’objectivation des producteurs comme vulgaires choses humaines devenues instruments du vaste univers des ustensiles de l’onanisme mécanique..
Sperme, ovules, gènes, cellules, sang et organes viennent de la sorte signaler les nouveaux gisements morbides de la croissance paranoïaque du monde spectaculaire de l’inversion concrétisée de la vie en tant que mouvement autonome du non-vivant objectivé comme reproduction fabriquée d’une génétique qui n’est que le dernier moyen de permettre à la forme-marchandise d’aller vers sa réalisation chosiste absolue.
L’implacable tyrannie économique du marché met actuellement à profit l’organisation économico-narcissique de la sexualité. La prospection publicitaire du Capital réifie les humains en marchandises et mène à une destruction complète de leur vraie jouissance humaine, asservie et retournée en pitoyable plaisir factice du système des images-objets. En parallèle, l’on assiste à l’agressive promotion autistique des industries du sexe marchandise et de la pornographie qui pourvoient ainsi à la sexualité chosifiée des hommes. C’est ainsi que les intérêts de la domination du spectacle moderne de la mutilation individualiste singulière s’ajustent parfaitement à l’économie démocratique de l’échange économico-sexuel général. A partir de là, l’expropriation de la sexualité naturelle des humains au bénéfice des grandes machineries de conditionnement et d’illusion capitalistes s’industrialise et se mondialise. La marchandisation de la sexualité est ainsi une pure libération toujours plus poussée de l’aliénation capitaliste réalisée à tous les niveaux de l’intériorité la plus intime, en tant que la libération du droit sexuel absolu que les hommes réifiés ont sur leur réification humaine permet là l’accumulation mécanique du faux illimité qui entraîne partout l’entière contrefaçon de la vie générique humaine.
La libération sexuelle exprime le stade suprême du Capital qui nous exproprie de notre sexualité véridique. Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent maintenant les conditions modernes de production marchande s’annonce comme une immense accumulation de spectacles sexuels robotiques, névrosés et égotistes. Tout ce qui jadis était directement vécu en jouissance humaine véridique s’est éloigné dorénavant dans une représentation de grotesque faire valoir purement acquisitive et solipsiste. C’est la vie concrète de tous qui s’est dégradée en univers d’angoisse et d’impuissance où la rencontre des corps et des âmes n’a lieu que pour réunir les humains qu’en tant que séparés, séparés de l’autre et séparés de leur propre soi… On assiste en fait à une libération absolutiste du profit et donc à une libération autocratique de l’humanité inversée en tant qu’anti-humanité accouchée. L’humanisme de la marchandise comme circulation triomphante de la réification diffusée dispose de la sorte l’échange économico-sexuel comme le marché mondial de l’organisation des migrations intra et internationales de l’humanité au dehors d’elle-même, dans la monétarisation, le trafic et l’industrialisation d’une mort lente qui appauvrit l’être de l’humain en une abondance misérable de l’avoir, du calcul et de l’épouvante. Les marchandises de ce marché sont produites par l’accumulation capitaliste des chosifications sexistes qui nous re-sexualisent à l’envers en nous dés-humanisant afin de nous rendre disponibles pour l’exploitation, le vol, l’outrage et le viol.
Les embrouillements confusionnistes du chaos n’existent pas en soi… Le chaos qui existe aujourd’hui est le chaos de la marchandise… Comme l’a montré Marx, le temps de la domination formelle du Capital était le temps d’un pouvoir de matérialisation stable fixé autour de la nécessité pour le spectacle de l’argent de définitivement absorber/annuler ce qui l’avait précédé en se posant enfin comme société solide du profit démocratique partout réalisé… En revanche, le temps de la domination réalisée de la capitalisation est le temps liquide et liquéfiant d’un pouvoir de dé-matérialisation globale qui découle de la société dissolue de la baisse du taux de profit sans cesse accélérée et de la crise de l’histoire démocratique du profit dont le seul référentiel ne peut plus être que l’individu narcissique intégré par les flux de sa consommation pathologique. C’est pour cela que Rosa Luxemburg parlait de la décadence capitaliste comme d’une orgie anarchique qui, bien loin de gêner la classe capitaliste mondiale, était devenue le cœur stratégique de l’immanence aliénatoire du mode de production capitaliste universel. Les sciences capitalistes de la gestion policière du renseignement, du management à la cybernétique en passant par toutes les recherches portant sur la modification comportementale de la vie aux fins d’en maximiser la manipulation profitable n’ont évidemment là aucune autonomie historique puisqu’elles expriment la simple nécessité qu’a le mode de production capitaliste de transformer l’homme et la nature en hors nature et en post-humain dès lors que le procès de chosification mondialiste est arrivé à la toute puissance de sa mystification planétaire.
À la vieille visibilité extérieure du pouvoir qui fut maintenue et achevée (c’est-à-dire accomplie et terminée !) en domination formelle, le Capital a donc substitué la nouvelle invisibilité intériorisée du pouvoir, laquelle n’est que l’expression totalement désormais réalisée du fétichisme de la marchandise. L’ingénierie sociale de la surveillance et de la transformation de la nature vivante n’est que l’orchestration rationnelle et méthodique de la guerre terminale de la marchandise contre l’humain, c’est le temps crisique exacerbé où le gouvernement du spectacle mondial est lui-même assiégé par le chaos de l’incoercible baisse du taux de profit.
Pourquoi le fétichisme de la marchandise poursuit-il ce développement historique de table rase globale qui entend aboutir à l’absolu hors-sol de l’homme réifié? Tout simplement parce que l’argent n’est pas à l’origine du cosmos de l’Être mais seulement à la genèse de la civilisation de l’Avoir. Il faut donc détruire le monde des vraies sensualismes humains dont l’origine ne doit rien au Capital pour le remplacer par le monde de la marchandise totale qui ne devra son origine qu’au seul Capital. L’argent doit devenir l’origine théologique du monde dans la totale soumission cabalistique de l’homme au monothéisme spectaculaire du fétichisme de la marchandise.
Le fétichisme de la marchandise est le phénomène social aliénatoire par lequel, dans le mode de production capitaliste, la marchandise sert de support universel aux relations entre les êtres de sorte que cette marchandise façonne à la fois la production de leur perception et la perception de leur production donnant ainsi l’apparence que les rapports sociaux de production et de reproduction de la vie finaliseraient de simples rapports chosifiés entre choses chosifiantes. En relation dialectique avec la dialectique du fétichisme, la marchandise attribue ainsi à l’objet une relation sociale supérieure à celle dont les êtres sont directement capables. Les rapports de production sont fondamentalement sociaux, mais leur aspect social n’apparaît plus là que comme une simple relation travestie entre des objets, entre des marchandises marchandisantes. Il en résulte que la marchandise devient le support de ce rapport de production déterminé, la production du marché des hommes. La marchandise est ainsi l’objet fétiche ayant pour fonction d’assurer la synthèse de toute la production matérielle et symbolique de toute la société, et elle le fait en voilant le caractère social réel de la production. Les relations sociales deviennent ainsi fondues et confondues avec la marchandise, qui semble alors empreinte de pouvoirs humains, et qui devient le fétiche de ces pouvoirs. Les hommes, privés de véridique conscience sociale, deviennent aliénés et dépossédés par le travail du fétichisme de la marchandise qui se traduit par un double mouvement: réification des rapports sociaux et personnification des choses.
Toutes les sociétés d’exploitation et d’aliénation antérieures au mode de production capitaliste faisaient la promotion d’un type d’homme domestiqué dans une nature apprivoisée et c’est d’ailleurs avec ce paradigme qu’a composé la domination formelle avant de se retourner en domination réelle lorsqu’ayant enfin tout domestiqué et tout apprivoisé, le capitalisme a pu se matérialiser comme Tout du monde et ainsi entreprendre d’universellement imposer la pure spécificité capitaliste ; celle de la fin de l’humanité transmutée en simple appendice machinique de l’argent comme équivalent général abstrait de toutes les circulations post-humaines effectuables…
Le morcellement marchand du corps de la vie implique forcément celui de la vie du corps. En réduisant la procréation asservie des humains à des champs capitalistes d’investissement où cellules, spermatozoïdes et ovocytes se présentent comme une immense accumulation de fonctions et d’organes capitalistes divisés où les techniques biologiques viennent séparer, découper et réduire puis réunir les humains en de simples parcelles de profitabilité recomposée, ce qui s’aperçoit c’est bien le procès de travail de la chosification en mouvement. Et le mouvement de cette chosification travaille à briser, fragmenter et pulvériser la totalité humaine pour la réduire à un travail à la chaîne d’aliénation sans limite où l’expérience érotique, amoureuse et parentale cesse d’être geste cosmique et unique pour devenir dérisoire fonction gesticulatoire standardisée. On fabrique ainsi des enfants et des parents transformés en morceaux de spectacle-argent, des miettes ridicules de l’équivalent général abstrait de toutes les marchandises en fragments serviles de volupté mercantile.
Si l’asservissement du corps humain est une grande tradition de la longue histoire de l’oppression puisque l’instrumentalisation du corps d’autrui a existé tant dans l’esclavage, le servage que dans l’ancienne domesticité, il a toujours pris des formes où le sexe et la procréation même soumis ou tributaires ne pouvaient s’enfuir d’eux-mêmes en une déportation des intériorités biologiques qui aurait placé l’humain intégralement hors de lui-même. Désormais, la démocratie totalitaire de la marchandise nous positionne dans une situation complètement inédite : c’est la première fois dans l’histoire de l’humanité emprisonnée qu’un système de domination a la capacité de produire des procédures susceptibles de sortir les ovocytes du corps d’une femme en trans-férant des embryons d’un corps à l’autre. De la sorte, un nouvel usage capitaliste des humains est techniquement possible car le temps irréversible unifié de la vie captive est désormais celui du marché mondial de la génétique servilisée et corollairement du spectacle mondial de la transmutation des hommes en appendices du grand automate mondial de la matérialisation infinie de la vérité inversée.
En domination formelle, le Capital se soumet donc de l’extérieur un procès de travail de la vie asservie préexistant et déterminé. C’est à partir de là que la production capitaliste tend à conquérir toutes les branches des industries du commerce de la culture du monnayer et tous les espaces-temps d’existence où elle ne dominait pas encore et où ne régnait qu’une soumission formelle. Dès qu’elle s’en est emparée, elle peut alors gagner cette temporalité universalisée où sa soumission étant devenue réelle, elle peut se créer de l’intérieur de son soi planétarisé un monde à son image, la marchandise-monde en réalisation totalitaire.
Le savoir-faire limité, rudimentaire et borné des esclavagistes de jadis est de cette façon recyclé actuellement dans le monopole scientifique élaboré que veulent exercer les multinationales du commerce de la naissance en matière de reproduction humaine… L’encouragement systématique des interventions dites médicales ou scientifiques pour réglementer l’accès à la vie et à la mort est ainsi comparable à la gestion sans limite d’un élevage qui aurait pris la dimension mondialiste du devenir capitaliste contemporain. La castration réelle et métaphorique des mâles y est d’ailleurs là une condition allégorique sine qua non de la docilité généralisée du troupeau tout entier puisqu’elle met en pièces les liens génériques naturels premiers à partir desquels s’engendrent dans l’inconscient collectif des maturations, les complémentarités sexuelles masculin/féminin telles que celles-ci tissent les liens originaires de l’intelligence synthétique de l’intérieur et de l’extérieur à partir de laquelle s’énonce la possible résistance humaine aux diktats de la passivité marchande. Comme Marx aimait à le dire, l’antiquité esclavagiste avait produit d’un côté, les esclaves et de l’autre, les citoyens. L’histoire contemporaine de la démocratie du présent perpétuel de l’argent en mouvement réussit, elle, l’impeccable et implacable synthèse domesticatoire des deux termes puisque l’homme de la dictature démocratique du profit y est justement citoyen esclave.
À l’heure de la domination réalisée de la marchandise, la vieille bourgeoisie propriétaire et moraliste a disparu, liquidée par la classe capitaliste anonyme et graveleuse et la mafia est devenue l’un des cœurs stratégiques du développement policier par lequel l’État est le centre de toutes les manipulations terroristes et carambouilles financières… L’argent dit propre et l’argent dit sale sont parvenus à cette fusion très spéciale où économie officielle et économie souterraine se combinent partout en une harmonie supérieure qui voit les banquiers distingués côtoyer de manière obscène les racailleux du trafic… Quoi donc de plus normal que ceux qui se retrouvent au carrefour des marchés de la drogue soient donc aussi au confluent des énigmatiques et déguisées circulations d’organes et d’enfants… La robotique de la marchandise totale est arrivée, l’homme machinique neutral en est le centre spectaculaire et délibérément neutralisé.
Cette dialectique générale de déconstruction/reconstruction/absorption de tous les aspects de la vie, Marx l’appelait la domination réelle totalement réalisée du spectacle du fétichisme de la marchandise pour dénoncer le fait que cela aboutirait finalement à une totale indistinction chaotique et technologique du monde réel puisque tout serait là « indifférencié dans une permutation universelle qui réécrirait tout à l’envers dans l’indistinction et l’inversion de toutes les qualités naturelles et humaines » (Manuscrits de 1844). Dans cette théologie constructiviste de l’argent, l’univers entier est une vaste manufacture mondiale de l’intelligence artificielle où les processus bioniques, de numérisation des espaces et du cerveau et de re-constructions génétiques s’imposent comme gigantesque usine comportementale de la quantité et du nombre planétairement standardisés dans la pathologie de l’inversion complète du vivant comme champ de développement de l’in-humain spectaculaire.
L’argent qui possède la spécificité de pouvoir tout s’approprier est par son universalité advenue la toute-puissance spectaculaire d’un pouvoir sans bornes, celui du cosmopolitisme de la marchandise démocratique qui peut tout commercialiser ; les rêves, les peurs, le sang, le sperme, la vie et la mort. Ceux qui s’en étonnent ou s’en effraient et qui sont encore tellement aveuglés qu’ils croient qu’il pourrait en être autrement n’ont décidément rien compris et sont finalement les meilleurs alliés de ce à quoi ils prétendent s’opposer. La perversion et la confusion de toutes les qualités humaines et naturelles sont inhérentes à la nature déterministe de ce qu’est l’argent en son mouvement historique incoercible. Et le fétichisme de la marchandise en tant que nature générique aliénée et aliénante de l’humain n’est rien d’autre que la puissance aliénée de l’humanité.
Ceux qui espèrent pouvoir arrêter la folie de l’argent en demeurant sur le terrain de l’argent et en prétendant le contenir ne voient précisément pas que son identité est d’être expressément irrépressible et ingouvernable. En fait, il n’y a bien sûr pas d’argent propre car celui-ci est par essence la puissance de corruption qui déporte l’être dans une abjection générale qui confond et échange tout dans une dégradation absolue où toute activité se voit emprisonnée dans les infections du paraître et de l’avoir. Par là même, on en revient au vieux et seul vrai débat qui compte : celui de Misère de la philosophie rédigé en 1847 qui nous a clairement montré que l’argent n’a pas « un bon et un mauvais côté » et que la pensée défectueuse et rudimentaire qui récuse les effets abominables de la loi du fétichisme marchand tout en entendant préserver les catégories capitalistes du système des objets, fait montre d’un cynisme d’emmuré.
Que certains qui entendent pourtant demeurer dans la civilisation du travail du profit bougonnent contre la réforme capitaliste du mariage et de la filiation en s’alarmant que l’enfant y deviendra assurément une marchandise, illustre merveilleusement toute la perfidie d’un univers où le citoyen est constitutionnellement un consommateur d’illusions. La marchandise est cette illusion en tout lieu effectivement réalisée et le spectacle du monde de l’argent inéluctable sa manifestation générale. En effet, il y a bien longtemps que le spectacle du pécule est devenu l’autre face de la vie arraisonnée par l’artifice : l’équivalent général abstrait de toutes nos existences monétisables.
On ne peut à la fois vouloir sauvegarder l’argent et préserver l’humain… Il faut choisir et il convient de se défaire de ce mythe qui nous conditionne à pouvoir envisager d’accepter l’absurdité d’une économie et d’une politique qui ne seraient pas ce qu’elles ont toujours été par nature et non point par accident ; le long et douloureux arrachement des hommes à la vie cosmique et sacrale de la communauté d’antan, jetés dans des sociétés de profanation croissante dont le monothéisme de la marchandise est le stade suprême dorénavant accompli pendant que le temps des monarchies fut, lui, cette longue étape de transition indispensable qui permit aux spéculations du sacré de liquider graduellement les traces résistantes de l’immonayable sacral à proportion du profane qui s’étendait de plus belle.
La théorie vraiment critique est ennemie de toute idéologie de l’argent amendé, épuré, purgé, purifié ou réaménagé, et elle sait qu’elle l’est parce qu’elle est avertie que la réalisation toujours plus poussée du fétichisme de la marchandise à tous les niveaux, en rendant toujours plus difficile aux humains de reconnaître et de nommer l’in-humanité de leur propre abaissement, les place dans l’alternative de refuser la totalité de ce déchoir, ou rien. La pensée qui pense en vérité a dû dès lors apprendre que l’on ne peut pas combattre l’aliénation de la monnaie et ses aboutissements sous des formes monnayant encore l’aliénation.
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