On a tous eu vent de l’histoire de ce prêtre détroitien qui a réalisé finalement ne pas en être un ; elle a circulé dans toute la cathosphère. Le Soleil a même relayé la nouvelle.
L’abbé Matthew Hood a visionné de vieilles vidéos avec son père au début de la quarantaine, dont celle de son baptême. Arrivé au cœur de la célébration, il entend le diacre qui officiait prononcer : « Nous te baptisons au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit ».
Le commun des mortels n’y voit que du feu (ou de l’eau). Mais les enfants de chœur savent bien que la formule habituelle du sacrement est « Je te baptise » et non « Nous te baptisons ». Ne nous enfargeons pas dans les fleurs du tapis de la sacristie, dira-t-on.
Or, curieusement, le Vatican a publié une note doctrinale le 6 aout dernier. Elle affirme catégoriquement que les baptêmes qui utilisent cette formule sont invalides et que tous ceux qui ont été baptisés de cette manière doivent l’être de nouveau.
Il n’en a pas fallu davantage pour que Matthew Hood comprenne que, non seulement il n’était pas prêtre, puisque non baptisé validement, mais que, par conséquent, il avait également administré des sacrements invalides depuis trois ans (sauf le baptême).
L’archevêché de Détroit a rapidement réagi et le pseudo-abbé a été baptisé, confirmé, confessé, communié et ordonné de nouveau dans la même semaine. On a également invité tous ceux qui avaient reçu des sacrements de sa part à communiquer avec le diocèse pour en faire de même.
Triste, mais providentielle prise de conscience pour les uns et exagération légaliste, voire magique pour les autres : qu’en est-il réellement ?
Couper la branche
Un sacrement, selon la définition classique, est un signe sensible institué par Jésus-Christ pour transmettre la grâce. Bref, une manière concrète d’entrer en relation avec lui avec nos sens (ouïe, vue, toucher, etc.).
L’histoire de l’abbé Matthew apparait grotesque si on ne comprend pas bien ce qu’est un sacrement. Et on ne peut pas bien le comprendre si on ne saisit pas ce qu’est un signe.
Dieu est au-delà de ses sacrements. Mais ils sont des moyens directs et certains que l’Église a reçus pour transmettre Jésus-Christ à toute personne, en tout lieu et en tout temps.
Le signe est une réalité matérielle qui transmet une réalité immatérielle. L’exemple le plus éloquent est le langage : des lettres ordonnées par l’histoire et la culture qui créent des mots qui renvoient à des concepts. Le langage des personnes sourdes est encore plus évident puisqu’il s’agit d’un geste qui signifie une réalité précise.
Tout le monde est d’accord pour dire que les signes sont des produits culturels et qu’ils ne sont pas immuables. Or, leur but est précisément de permettre à ceux qui les utilisent de pouvoir s’inscrire dans leur communauté respective, de partager un sens commun.
Il y aurait quelque chose d’absolument contradictoire à inventer ses propres signes sous prétexte qu’ils seraient plus inclusifs, comme les nouveaux pronoms neutres « iel » ou « lu ».
Non seulement on se coupe du sens partagé en improvisant seul de son côté, mais on s’isole en voulant inclure davantage.
Bref, on coupe la branche sur laquelle on est assis.
Un faux consentement
Aux yeux de l’Église catholique, toutefois, les signes sacramentels sont les seuls à être immuables parce qu’ils nous proviennent du Christ lui-même. Il est tout de même possible d’en changer des éléments dans la mesure où c’est toujours la même réalité à laquelle on réfère.
Ainsi, pas question d’utiliser une galette de riz et du kombucha pour célébrer l’eucharistie ou de la sauce soya pour un baptême. Les mots doivent également correspondre à ce qu’on veut célébrer : les sacrements sont des « mémoriaux », ils actualisent la mort et la résurrection du Christ. Quand on veut faire mémoire, on ne traficote pas le passé.
Dans le cas du baptême, le « Je » de la formule « Je te baptise » renvoie au Christ qui agit dans et par la personne du prêtre. C’est pourquoi « Ego » en latin, « I » en anglais, ou « Je » en français signifie la même chose.
Or, changer le « Je » pour un « Nous » ne renvoie plus à la même réalité.
Imaginez un instant que, dans un mariage, l’époux change la formule de consentement (qui est d’ailleurs la formule qui accomplit le sacrement) pour « Nous, la famille de James, te recevons Pascale comme épouse » sous prétexte que c’est toute la famille qui reçoit l’épouse parce qu’elle s’unit à l’un de ses membres.
Dans un baptême, c’est le Christ-Époux qui reçoit l’Église-Épouse à travers la personne baptisée. C’est toujours à travers une relation personnelle au Christ « Je » que nous entrons dans la grande famille de l’Église « Nous ».
Hocus Pocus
Pour revenir plus précisément au cas de l’abbé Matthew, ce qui peut choquer, c’est l’apparence de rigidité et d’une conception magique à l’égard des rituels chrétiens : un pronom est changé et voilà qu’on doit tout recommencer parce que la « magie » n’a pas opéré.
En effet, les sacrements ne sont pas magiques. Si on ne croit pas un tant soit peu à la puissance des sacrements, ils ne produiront pas l’effet escompté en nous.
Au contraire, la magie produit toujours le même effet, peu importe l’adhésion des personnes, pour autant que les mots et gestes ont été accomplis dans le bon ordre. Mais les fruits que produisent les sacrements dépendent eux en grande partie de nos dispositions de cœur.
On peut communier pour notre sanctification ou notre condamnation (1 Co 11, 23-29) comme on peut être rempli de zèle ou être de marbre le jour de notre confirmation.
Pire encore, dans la magie, on ne peut absolument pas adapter le signe : s’il faut dire Hocus Pocus ou Mellon pour ouvrir la porte de la Moria, pas question d’user de traduction.
Contre la pensée magique
L’Église, elle, au contraire, a toujours fait preuve d’une grande flexibilité et d’adaptation dans sa manière de vivre ses rituels au fil des siècles, mais toujours en préservant les bases immuables qui garantissent la validité de ses sacrements.
Est-ce à dire que la grâce n’agit pas quand même ?
Bien sûr que non. Dieu est au-delà de ses sacrements. Mais ils sont des moyens directs et certains que l’Église a reçus pour transmettre Jésus-Christ à toute personne, en tout lieu et en tout temps. Elle est une continuité de la présence physique du Christ dans le monde, elle doit donc s’assurer que ce qui est accompli dans les sacrements se réalise véritablement.
C’est, à cet égard, plutôt magique de penser que n’importe qui peut faire n’importe quoi au nom de Jésus-Christ.
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Source: Lire l'article complet de Le Verbe