La religion est-elle un service essentiel ?

La religion est-elle un service essentiel ?

Le 26 juillet dernier, l’archevêque de Québec, le cardinal Gérald Cyprien Lacroix, lançait la réflexion sur la place publique. Est-ce que les services religieux, toutes dénominations confondues, devraient être reconnus comme un service essentiel ?

Force est de constater, dans une époque de laïcisation officielle menée par l’État, pour ne pas carrément dire d’athéisme officieux, que la prémisse comme quoi le fait religieux peut être un élément social positif a de quoi déranger les fonctionnaires arpentant les couloirs des ministères. 

Car c’est bien là le sens profond du message des divers représentants des communautés religieuses qui a été véhiculé tout au long de la pandémie : le fait religieux est positif pour des milliards de personnes dans le monde… et particulièrement en temps de crise ! 

Psychologie et religion

Indépendamment de l’appartenance religieuse, le fait d’avoir une pratique spirituelle, même minime et en dehors d’un cadre organisé, apporte par l’expérience vécue une forme de réconfort immédiat au pratiquant. L’élément le plus fort sur le plan psychologique est celui du sens : la religion fournit un sens à l’existence de celui qui la pratique. 

L’idée de progression individuelle soutenue par la communauté est présente dans la plupart, sinon dans toutes les religions. Il est donc difficile d’affirmer que la pratique religieuse en groupe n’est pas un service essentiel ! 

Or, et c’est là tout le problème en temps de pandémie, la pratique religieuse n’est pas qu’une adhésion individuelle à des principes dans le but de donner un sens à son existence propre. Elle n’est pas en dehors de toute interaction avec les autres membres de la société. 

Comme le théorisait déjà en 1902 le psychologue et philosophe américain William James dans The Variety of Religious Experience, nous ne sommes pas face à un phénomène strictement individuel. En effet, le pratiquant est en lien avec sa communauté qui le soutient psychologiquement et socialement dans sa quête individuelle de sens. Soutiens qui sont d’autant plus importants en période difficile comme c’est le cas depuis mars dernier. 

Rassemblement essentiel

En somme, les gens qui partagent une même religion, de mêmes valeurs, vont forcément vouloir se rassembler et échanger. Le groupe aide l’individu à progresser puisqu’il permet à la fois de confirmer ou d’infirmer la réflexion et l’expérience individuelle.

Pour les catholiques, dans les instances institutionnelles, c’est précisément le rôle des conciles au niveau universel et celui de l’assemblée pastorale au niveau local. Le modèle est essentiellement le même pour les diverses dénominations protestantes, chez les orthodoxes et les juifs. 

Pour les bouddhistes, le tout est encore plus explicite, la notion de Sangha, la communauté de pratiquants, constitue l’un des trois refuges sur la voie de l’Éveil. 

Bref, l’idée de progression individuelle soutenue par la communauté est présente dans la plupart, sinon dans toutes les religions. Il est donc difficile d’affirmer que la pratique religieuse en groupe n’est pas un service essentiel ! 

Une annonce en catimini

Pourtant, l’État québécois n’a autorisé qu’en dernier les rassemblements dans les lieux de cultes et sans même se donner la peine d’en faire l’annonce officielle. L’annonce est venue à la suite d’une question des journalistes dans une conférence de presse… 

Au pire, on dira qu’il s’agit de mépris envers les milieux religieux. Ne prêtons pas de mauvaises intentions…

Au mieux, il s’agit d’un manque flagrant de reconnaissance des communautés et d’une ignorance totale du fait religieux.

Évidemment, la réouverture devait se faire en suivant avec la plus grande des rigueurs les normes sanitaires exigées par le contexte actuel. Étaient évidemment de mise distanciation physique, port du masque, lavage des mains, désinfections fréquentes des lieux, etc. Ce qui était, et est toujours, tout à fait possible. 

Si les commerces, restaurants, bars, salles de spectacles et autres lieux publics s’y sont conformés sans trop de problèmes, il serait malhonnête de la part de l’État de penser qu’il en ira différemment pour les communautés religieuses.

Notons d’ailleurs que pour le moment, aucune éclosion n’a été rapportée à la suite de rassemblements religieux depuis la réouverture des lieux de cultes à la fin juin.


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À propos de l'auteur Le Verbe

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