Dans le cas du Vietnam, la précédente guerre futile et coûteuse de la grande puissance déclinante, il s’est passé près de trois ans entre les accords signés avec le Nord-Vietnam et l’effondrement du régime fantoche sud-vietnamien à la solde de Washington. Le secrétaire d’État de Nixon, Henry Kissinger, voulait qu’il y ait un «intervalle décent» afin de permettre aux Américains de sauver un peu la face.
C’est aussi ce qui a toutes les chances de se passer en Afghanistan. La plus longue guerre de l’histoire des États-Unis (19 ans) aura coûté la vie à près de 2500 militaires américains et à près de 3500 mercenaires à leur solde. Des civilian contractors (entrepreneurs civils), pour employer l’euphémisme utilisé par le Pentagone. Aussi partis en fumée, près de 2000 milliards de dollars. Autant en emporte le vent.
Allié des Américains dans cette guerre, le Canada y a perdu 159 soldats et elle nous a coûté quelque 15 milliards de dollars, selon certaines estimations. Pour rien, absolument rien.
En Afghanistan, la seule chose qui fonctionne bien et qui enregistre des progrès considérables depuis l'intervention occidentale des années 2000, c’est la production et le trafic de stupéfiants faisant du pays le premier véritable narco-État de la planète.
Comment en est-on arrivé là? Après la chute du régime prosoviétique, une guerre civile éclate en 1989. Après s'être multipliée par vingt pendant l’occupation soviétique des années 80, la récolte d'opium fait plus que doubler durant la guerre civile des années 90.
Lorsqu’il s’empare du pouvoir à Kaboul en 1996, le régime taliban encourage la culture de l'opium. Il offre une protection gouvernementale au commerce, à l’exportation, et perçoit des taxes sur l'opium et l'héroïne. Selon l'ONU, pendant les trois premières années des talibans au pouvoir, la récolte d'opium en Afghanistan représentait déjà 75% de la production mondiale.
À l’été 2000, le gouvernement des talibans fait marche arrière. Il décrète une interdiction totale de la culture de l’opium, alors que le commerce de la drogue représente la majeure partie de ses recettes fiscales, une grande partie de ses revenus d'exportation et une part importante des emplois. Les trafiquants et les producteurs de drogues passent à l’opposition. La CIA va en profiter.
Pour l’invasion de 2001, elle s’appuie dans le nord du pays sur les Tadjiks qui dominent le trafic de drogue dans cette région. Le long de la frontière pakistanaise, la CIA se tourne vers des chefs de guerre pachtous, des passeurs de drogue actifs. Après la chute des talibans, les Américains placent au pouvoir des individus qui ont des liens avec des producteurs et des trafiquants de drogues. La CIA et l’armée américaine ferment les yeux sur les activités liées à la drogue pour se concentrer sur la lutte contre les talibans, tout en affirmant avoir dépensé près de neuf milliards de dollars pour la lutte anti-narcotique. Je me demande où cet argent est allé…
Aujourd'hui, l'Afghanistan est de loin le plus grand producteur d'opium de la planète. Au moins la moitié de l'opium afghan est transformée en morphine ou en héroïne. 90% de l'héroïne mondiale est fabriquée à partir d'opium cultivé en Afghanistan. Il constitue 95% du marché en Europe; 90% au Canada. L'opium représente actuellement environ le tiers du PIB de l'Afghanistan et il fournit près de 600 000 emplois à temps plein.
Dans leur guerre contre le terrorisme en Afghanistan, les Américains et leurs alliés ont perdu la guerre contre la drogue en s'alliant avec bon nombre des mêmes personnes qui ont fait du pays la plus grande source d'héroïne au monde.
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