La tension est montée de plusieurs crans avec la publication, le 28 février dans The New England Journal of Medicine, revue de référence des milieux médicaux, d’une étude précisant les caractéristiques de la COVID-19. Pour cause, le tableau clinique que les chercheurs chinois dressent de la nouvelle pneumonie virale est très éloigné de celui de la grippe saisonnière.
Leur conclusion, fondée sur l’analyse de 1099 dossiers médicaux de patients diagnostiqués positifs à la COVID-19, vient dissiper quelques malentendus. Ainsi, le virus chinois n’est pas seulement dangereux pour les vieux. À l’exception des moins de 15 ans qui ne sont quasiment pas touchés, des formes sévères de la pneumonie virale sont observées dans toutes les tranches d’âge, même si les risques augmentent avec le vieillissement.
Le coronavirus semble plus grave que ce que l’on pensait au départ
Dix fois plus létale que la grippe (1,4 % des personnes infectées en meurent), la COVID-19 peut surtout être fatale bien avant 70 ans. « La relation entre l’âge et la létalité est moins nette avec le coronavirus qu’avec la grippe », confirme le professeur Xavier Lescure, infectiologue à l’hôpital Bichat. « Environ 86 % des personnes qui décèdent de la grippe ont plus de 70 ans mais elles ne sont que 50 % avec le coronavirus. Du point de vue individuel, c’est plus inquiétant. » En revanche, le coronavirus frappe plus durement les personnes fragilisées par des pathologies préexistantes (type hypertension ou diabète) : selon l’étude des chercheurs chinois, la présence d’une comorbidité est plus fréquente chez les patients sévèrement touchés que chez les autres (38,7 % contre 21 %)… Le professeur Pialoux en convient : « Le coronavirus semble plus grave que ce que l’on pensait au départ : 16 % des patients ont besoin d’être hospitalisés, 5 % doivent être placés sous ventilation artificielle et surtout de façon durable : vingt jours en moyenne, c’est très long. »
Autre différence notable par rapport à la grippe : les personnes infectées sont très souvent asymptomatiques (56 % d’entre elles n’ont aucun accès de fièvre dans les premiers jours, et seules 68 % ont des quintes de toux). À l’échelle individuelle, ce peu de symptômes est plutôt une bonne nouvelle : selon l’étude, 84 % des personnes infectées ne vivent qu’une forme bénigne de la maladie. La médaille a toutefois son revers : l’agent pathogène ne se manifestant pas, sa circulation est difficile à contrôler faute de pouvoir repérer les porteurs contagieux. De quoi compliquer aussi la tâche des hospitaliers. « On va avoir du mal à repérer les personnes vraiment à risque parmi celles qui se présentent aux urgences ou dans les unités dédiées, signale le professeur Pialoux. Cela est d’autant plus problématique qu’il peut y avoir une aggravation forte de la maladie entre le 7e et le 10e jour. »
Éviter la saturation des hôpitaux
Dans les hôpitaux parisiens, il n’est déjà plus question d’hospitaliser tous les patients qui se présentent. « On ne prend que les cas graves ou à risques pour éviter de saturer les lits en salle comme en réanimation ; les autres sont renvoyés chez eux, explique l’infectiologue de Tenon. Mais cette règle souffre pas mal d’exceptions. Concrètement, vous faites quoi d’un patient testé positif qui ne parle pas français et vit en promiscuité avec 15 autres personnes dans un logement insalubre ? De celui qui a chez lui un enfant cancéreux ou une femme enceinte ? D’un autre qui présente des comorbidités, type insuffisance cardiaque ou respiratoire ? Pour le moment, on les garde aussi à l’hôpital. »
À ce stade, les capacités des hôpitaux parisiens ne sont pas saturées. Les établissements de référence, à l’instar de Bichat, sont en train de doubler leur nombre de lits disponibles pour les patients du coronavirus en réanimation et en salle. Un impératif pour faire face à un nombre de cas qui, probabilistiquement, double tous les cinq jours, malgré les mesures de confinement. « On fait tout pour étaler au maximum dans le temps le pic épidémique, et éviter une saturation du système de prise en charge, précise le professeur Lescure. Pour y arriver, on bosse déjà de seize à dix-huit heures par jour, week-end compris. On est concentrés et, autant que possible, sereins. Mais personne n’en doute plus : ça va secouer. »
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