Dans une lettre d’opinion parue dans le Devoir du 11 mars dernier, Astrid Aprahamian pose cette question : « valoriser le français, mais pourquoi? ». Cette candide interrogation publiée dans un grand quotidien montréalais constitue sans doute une première. Pour l’auteure, la réponse n’apparaît plus d’emblée évidente. Constatant que nous vivons dans une démocratie libérale semblable à celle de nos voisins nord-américains, elle juge qu’il n’y aurait plus grand intérêt à maintenir un simple particularisme linguistique hérité du passé.
Cependant, selon elle, si nous demeurions fidèles à l’esprit de la québécitude, il en irait bien autrement. En effet, la légitimité du français au Québec résiderait dans le fait que le néonationalisme québécois a élevé notre parler populaire au rang de novlangue d’une société nouvelle, en a fait un outil d’expression d’un peuple défini par son adhésion à la social-démocratie. Et à ce titre, oui, on peut et on doit le valoriser.
En somme, Mme Aprahamian, nous rappelle que la quête identitaire du Québec moderne, incarnée par le néonationalisme québécois, repose sur un a priori idéologique qui fait du progressisme sociétal le but et la justification morale de notre vouloir-vivre collectif. Précisément ce que soutenaient les néo-nationalistes des années ’60 et ce que soutiennent aujourd’hui leurs héritiers : QS et le PQ avec leur projet souverainiste, de même que, dans une version autonomiste, la CAQ au sommet des sondages. Les libéraux restent, quant à eux, les premiers convertis à cette idée que le français trouve sa valeur comme vecteur d’une société progressiste même si, de leur côté, cette promotion idéologique doit se faire dans le cadre du multiculturalisme canadien.
Est-ce satisfaisant? Absolument pas. Tout nationaliste devrait regarder notre rapport au français ainsi instrumentalisé par le néonationalisme québécois comme une déculturation, une dénationalisation inacceptable, un détournement idéologique de notre destin politique.
Car il devrait être évident, comme ce l’a été pour les Canadiens-Français pendant 200 ans, que nous défendons le français parce qu’il est un pilier de notre culture nationale. Eh bien, pour une Québécoise éduquée comme peut l’être Mme Aprahamian, ce n’est plus le cas. Elle n’attend du français qu’une chose, qu’il puisse lui permettre de donner libre cours à sa créativité pluraliste.
Pourtant, demanderait-on aux Polonais de ne parler polonais qu’à la condition que le polonais soit porteur d’un idéal progressiste? Le demande-t-on aux Slovènes, aux Danois, aux Basques, aux Kurdes, ou aux Azéris? Bien sûr que non. Alors pourquoi les néo-nationalistes l’ont-ils imposée aux Canadiens-Français? Pourquoi QS, le PQ, la CAQ et les Libéraux l’exigent-ils encore et toujours de nous pour justifier et pour défendre notre singularité nationale?
Tout nationaliste qui se respecte devrait reconsidérer son allégeance à la québécitude. Car il devient chaque jour plus difficile de ne pas la voir pour ce qu’elle est : un endoctrinement, un reconditionnement idéologique perpétuel qui, après 50 ans, est en train d’avoir raison de notre résilience légendaire.
Voyez Guy Nantel, lui qui, proche des milléniaux, veut renforcer le caractère national de l’anglais pour mieux souligner l’apport fondateur de la « communauté québécoise d’expression anglaise » à notre développement commun. Chez Nantel, il n’y a plus de nation française qui tienne, pas plus que chez cette jeunesse formatée par la loi 101 et la québécitude. Et dire que, comme seule parade à l’anglicisation qui en résulte, nos champions « nationalistes » n’envisagent rien d’autre que d’étendre cette même loi 101 aux cégeps! Encarcanés dans les fumeuses illusions des années ‘70, voilà bien ce qu’ils sont.
La loi 101, n’a jamais nourri notre sentiment national, elle a favorisé une simple pratique du français, qui a certes maintenu une apparente prépondérance de ce dernier, mais de manière à masquer notre rapide déclin démographique et l’aliénation définitive de notre caractère français. La loi 101, comme la loi 99 ou la loi 21, ne sont que des leurres « déculturants » qui nous entretiennent dans une fausse assurance le temps que notre mise en minorité soit devenue effective.
Mais maintenant que le vrai visage de la québécitude se révèle chaque jour davantage, doit-on vraiment mener ce jeu de dupes jusqu’au bout, peut-on décemment servir une imposture qui nous mène ouvertement à l’assimilation? Sommes-nous donc, devenus Québécois, si vains, si cons et si lâches?
Dis Aquin, avais-tu, toi, déjà tout compris?
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