Les migrants voulant obtenir l’asile au Canada peuvent toujours traverser indûment le désormais célèbre chemin Roxham, devenu ces dernières années le symbole même de l’immigration illégale. Relayée par Radio Canada le 17 mars dernier, la nouvelle a causé une vive polémique un peu partout dans le pays, mais particulièrement au Québec, où est situé ce chemin.
Une fois entrés au Canada, les migrants ne sont même pas tenus par Ottawa de se mettre en quarantaine, alors que les citoyens canadiens au retour de voyage doivent s’isoler pendant 14 jours. Jusqu’à présent, les migrants en provenance États-Unis –un pays durement touché par la pandémie– ne font l’objet d’aucun examen de santé. Aux dires de Jean-Pierre Fortin, président du syndicat des douanes et de l’immigration, 60 à 80 migrants traversent quotidiennement le chemin Roxham.
60 à 80 migrants illégaux par jour, aucun contrôle sanitaire
Selon Stéphane Handfield, avocat spécialisé en immigration, «il y a une incohérence» dans les mesures mises en place par Trudeau pour contrer la pandémie. Après avoir beaucoup hésité et essuyé de nombreuses critiques pour cette raison, Trudeau a fermé les frontières le 16 mars aux citoyens d’autres pays, à l’exception des Américains.
«D’un côté, on impose des mesures contraignantes aux Canadiens, et de l’autre, on permet encore à des gens de passer la frontière comme si de rien n’était. […] Il n’y a qu’une façon de mettre un terme aux entrées irrégulières au chemin Roxham: suspendre immédiatement l’Entente sur les tiers pays sûrs. Le gouvernement Trudeau ne semble pas le comprendre», souligne l’avocat au micro de Sputnik.
Avocat bien connu, maître Handfield est loin d’être le seul à prôner la suspension de cet accord conclu entre le Canada et les États-Unis, lequel définit les règles des demandes d’asile et le statut de réfugié dans ces deux pays. Plusieurs politiciens, comme Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois, approuvent cette proposition. L’entente devrait empêcher les migrants de demander l’asile au Canada, mais les États-Unis ne sont plus considérés comme «sûrs» depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche. Une fois en territoire canadien, les migrants se livrent directement aux autorités dans l’espoir d’y rester.
«Pour l’instant, il est difficile de dire si les migrants représentent un risque élevé ou modéré pour la santé des Canadiens, puisqu’il n’y a aucun contrôle particulier! Le risque peut donc être faible, modéré ou même élevé. Cela dit, compte tenu de la situation, il y a assurément un risque que seul le gouvernement Trudeau semble prêt à assumer», s’indigne l’expert en droit de l’immigration.
Dans la Belle Province, la gestion de Trudeau suscite tellement de mécontentement que des acteurs nationalistes incitent Québec à prendre le contrôle de ses frontières et des aéroports sur son territoire.
Québec prié de remplacer Ottawa aux frontières
La récupération par Québec de champs de compétence fédéraux pourrait plonger le pays dans une nouvelle crise constitutionnelle. De fait, la gestion des postes frontaliers et des aéroports est du domaine de compétence exclusif d’Ottawa. La mesure a tout de même été proposée par Paul Saint-Pierre Plamondon, l’un des candidats à la direction du Parti québécois, principale formation souverainiste au Québec.
«Non seulement les actions tardives et partielles de Trudeau pourraient nous coûter des vies humaines, mais elle pourrait avoir des conséquences économiques extrêmement graves. […] Dans les circonstances, nous devons reprendre le contrôle de nos aéroports et de nos frontières le plus rapidement possible», tranche M. Saint-Pierre Plamondon dans un texte paru le 16 mars dans le Journal de Montréal.
Professeur de droit à l’Université de Sherbrooke, Guillaume Rousseau estime que Justin Trudeau est «complètement dépassé» par la crise du coronavirus et que la poursuite de l’immigration illégale est représentative de sa «gestion déficiente» de la pandémie. Auteur de plusieurs ouvrages de droit, maître Rousseau est l’un des architectes de la célèbre loi sur la laïcité du Québec.
«Le chemin Roxham est un problème qui dure depuis des années: c’est loin d’être une récente découverte. Les Libéraux n’ont presque jamais rien fait pour régler la situation. Avec la crise du coronavirus, le problème devient beaucoup plus réel. C’était surtout un problème de principes sur le plan du droit et c’est maintenant un danger concret pour la santé publique. Ça prend des proportions beaucoup plus importantes, mais le gouvernement Trudeau ne démontre pas pour autant sa volonté d’agir. Il n’y a toujours pas d’action à l’horizon», déplore-t-il au micro de Sputnik.
Dans la soirée du 17 mars, presque 600 infections au coronavirus avaient été recensées au Canada, dont 74 dans la Belle Province, et huit Canadiens en étaient décédés à la suite de complications. Alors que la gestion du Premier ministre québécois François Legault est saluée quasi unanimement au Québec, celle de Trudeau continue d’y faire l’objet de sévères critiques, ce qui n’est pas toujours le cas hors de la Belle Province.
«Les Québécois et les Canadiens anglais sont très différents. Mais principalement, c’est le bon travail, il faut l’admettre, du Premier ministre Legault, qui explique cette perception différente de la gestion de la pandémie. Le contraste est très fort entre Justin Trudeau et François Legault sur la façon de gérer publiquement cette crise», estime maître Handfield.
Selon M. Rousseau, si la gestion de Trudeau représente un «échec de relations publiques», son obstination à ne pas fermer les frontières était aussi liée à sa «hantise du populisme».
«Justin Trudeau n’a plus l’air confiant. Il a l’air éteint. Quand Justin Trudeau est arrivé au pouvoir en 2015, on sentait qu’il était beaucoup plus à l’aise. Il paraissait positif et énergique. Ce moment d’histoire est terminé. […]
Le mépris du sentiment populaire explique en partie pourquoi le gouvernement Trudeau a été extrêmement lent à réagir. La fermeture des frontières a été associée par des membres du gouvernement Trudeau à la xénophobie. […] Enfin, on ne peut pas s’empêcher de penser que le refus de suspendre l’entrée aux Américains vise aussi à protéger certains intérêts économiques», conclut maître Rousseau.
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