Au cours de cette année 1967, le Canada fédéral se laissait beaucoup trop bercer par une douce illusion d’unité, au moment où il allait célébrer, avec le plus grand faste, le 100e anniversaire de sa Confédération, le British North America Act ou l’Acte d’Amérique du Nord britannique : « La ferveur nationaliste allait passer, c’était certain, avec l’arrivée des trois colombes à Ottawa » disait-on chez les fédéralistes !
Ils semblaient si grisés par l’atmosphère des célébrations de ce centenaire, qu’ils en oubliaient le problème des deux peuples anglophone et francophone, pensant que la fièvre d’affirmation québécoise allait nécessairement en diminuant, puisque de nouveaux chefs canadiens-français plus conciliants, ayant fait leur apparition sur la scène fédérale, les vieux débats étaient finalement en voie de perdre leur raison d’être.
C’est alors que Charles De Gaulle, président français, avait traversé l’Atlantique ce 23 juillet 1967 sur le navire le Colbert. Il avait voulu venir en bateau pour retracer le voyage de Jacques Cartier en 1534 et comme les premiers Français l’avaient fait ensuite aux 16e et 17e siècles, venus bâtir ce nouveau pays de la Nouvelle France, au nom du roi de France. Il avait désiré venir sur ce sol pour dire aux « Français du Canada » comme il les avait alors appelés, que la France, malgré ces deux longs siècles écoulés, pensait toujours à eux.
Le vaisseau amiral « le Colbert » avait quitté Brest le 15 juillet, avec à son bord Charles de Gaulle. Il fit une escale le 20 à Saint-Pierre-et-Miquelon, dernière possession française en Amérique du Nord, depuis le traité de Paris de 1763, avant de pénétrer dans les eaux du Saint Laurent.
Cela fait cinquante-trois ans de cela, ce 23 juillet 2020 !
Un voyage organisé par Jean Lesage et par Daniel Johnson
Ces ministres avaient été reçus à l’Élysée en 1961 puis, Daniel Johnson avait invité dès le 13 septembre 1966, le général De Gaulle au Québec, au moment même où il devait venir officiellement à Ottawa, lors de cette année 1967 d’effervescence canadienne.
Pourtant le gouvernement fédéral a été loin d’apprécier tout ce rapprochement entre la France et le Québec. Au cours des seize années où l’Union nationale avait été au pouvoir, (1944 -1960), les relations entre le Québec et le gouvernement fédéral s’étaient révélé des plus orageuses. Au nom de l’autonomie provinciale, le premier ministre Maurice Duplessis avait déclaré s’opposer à cette centralisation excessive d’Ottawa. Les autorités fédérales investissaient en effet, de plus en plus de champs de compétence provinciale, principalement depuis qu’elles s’étaient attribué des pouvoirs élargis au moment de la Deuxième Guerre mondiale.
Hors, cette année 1967 est une année marquante pour le Canada, c’est l’anniversaire du centenaire de la Confédération canadienne, Ottawa entend le célébrer avec tous les fastes possibles afin de souligner cet important évènement de leur fédération. Pour cette occasion un grand nombre de chefs d’État étrangers sont invités, l’un d’eux est le général Charles de Gaulle, le président de la République française. Cette année 1967 est aussi l’année de l’Exposition universelle de Montréal, une visite est donc ensuite prévue pour les invités.
Ce programme n’enthousiasme pas Charles de Gaulle ! S’il décide de venir c’est à la condition de commencer sa visite par le Québec.
« Il ne veut pas centrer son voyage sur la capitale fédérale. Il refuse le programme préparé pour tous les chefs d’Etat que le gouvernement fédéral prétend lui imposer : atterrir à Ottawa, dîner chez le vice-roi, le gouverneur général Vanier, être reçu à la Chambre des communes puis aller visiter l’exposition de Montréal, but officiel du voyage, enfin promenade ad libitum dans le Canada, voir les chutes du Niagara, les Rocheuses, l’Arctique… »
Il ne vient pas faire du tourisme, mais de l’Histoire. Effectivement De Gaulle vient au Québec pour faire l’histoire, pas pour en suivre le cours.
A l’ambassadeur français à Ottawa, le général écrivit à la fin d’un télégramme : « Il n’est pas question que j’adresse un message au Canada pour célébrer son centenaire. Nous n’avons à féliciter ni les Canadiens ni nous-mêmes de la création d’un Etat fondé sur notre défaite d’autrefois, et sur l’intégration d’une partie du peuple français dans un ensemble britannique » Cependant L’ambassadeur français au Canada, François Leduc, avait prédit : « Quoi que fasse De Gaulle, il y a quelqu’un au Canada qui ne sera pas content ».
Pour De Gaulle et pour la France, le Canada n’est pas né en 1867 avec la confédération britannique mais bien longtemps avant eux, en 1534 avec Jacques Cartier, avec les Français et le Roi de France. Tout son voyage sera organisé en fonction de cette symbolique.
Le général De Gaulle traversera Le Québec en voiture par le chemin du Roy où une foule en liesse l’attend, de plus en plus nombreuse tout au long des kilomètres entre Québec et Montréal et enfin son discours au balcon de l’Hôtel de ville de Montréal alors qu’il a sous les yeux une population qui l’acclame brandissant des drapeaux français et québécois avec des panneaux où le mot liberté dominait. Jean Lesage et Daniel Johnson avaient pris entièrement le contrôle de cette visite, ils l’avaient peaufinée, n’épargnant rien pour faire de celle-ci, un voyage grandiose. Mais sans prévoir que l’enthousiasme de Charles De gaulle débordera alors largement du protocole prévu.
René Lévesque n’avait pas hésité, en juillet 1967, à faire connaître ce qu’il pensait par rapport au Général : « La France n’a pas besoin de nous. Lui non plus… C’est nous qui avons besoin de la France » Plus tard, même les plus fervents fédéralistes reconnaitront que « le geste du Général ne manquait pas de courage », puisqu’en effet le président français allait se mettre à dos non seulement les responsables politiques canadiens, les politiques français du même parti de droite que lui, et certainement un grand nombre de diplomates et de chefs d’État. Mais de Gaulle n’était pas homme à se laisser impressionner par l’air du temps. « Se fiant à son jugement, il tenta de se faire l’expression non pas de la majorité silencieuse ou du dernier sondage de popularité, mais de ce qu’il perçut comme les aspirations les plus légitimes et les plus nobles de tout un peuple. » Christian Rioux 27 juillet 2007.
À cet égard, la visite de Charles de Gaulle aura mis en l’espace de quelques secondes, « le contentieux entre Canadiens anglais et Canadiens français sur la mappemonde. » Le premier ministre Daniel Johnson souligna cet incroyable fait : « On assista enfin à une conscience aiguë du problème dans chacune des communautés ».
Chacun a sa propre idée sur la question, mais en définitive personne ne peut nier qu’avec de Gaulle s’il y avait du sport, il était poussé par une haute idée de l’Histoire. Selon André Patry, chef du protocole de Daniel Johnson, le général de Gaulle s’est avéré « un bon instrument de notre émancipation, C’est la France qui nous a sortis de notre isolement sur le plan international. Elle nous a introduits au monde ».
En 1967 bien des Québécois se considéraient encore comme des Canadiens français, de ce fait, le soutien du Général, ses encouragements affichés furent appréciés, redonnant même de l’espoir à un grand nombre d’entre eux.
Pourtant très vite, dès le 26 juillet 1967, le journal Le Devoir (Québec) émet quelques réserves : « … les réactions ont été vives et beaucoup de Canadiens français eux-mêmes marquent une certaine gêne… » mais Claude Ryan affirme : « Rien ne saura effacer la réalité fondamentale qui met en relief l’accueil accordé à De Gaulle par les Québécois : celui de l’existence, au Canada, de deux visions de la liberté, de deux communautés fortement distinctes l’une de l’autre… » C’était le premier coup de pied au derrière qu’on donnait au Canada anglais !
De Gaulle avait agi du fond du cœur, il était convaincu qu’il venait de payer une dette : la journée du 24 juillet 1967 devait effacer la défaite du 13 septembre 1759. Les renforts étaient venus, certes deux siècles plus tard, mais ils étaient venus.
Le Devoir du 27 juillet 1997 : « Ce mot du Général par lequel le monde entier semble avoir été pris de saisissement, fut pour certains le sommet d’une légende épique, pour d’autres le début d’un cauchemar…Il est des souvenirs impérissables. »
La visite du général de Gaulle à Québec à l’été 1967 appartient à cette catégorie d’événements dont la qualité essentielle est une forme de perpétuité qui résiste à l’usure du temps.
« Bien sûr, certains parmi les nôtres ont dénoncé la hardiesse du président de la République française, qui dérangeait les élites traditionnelles. Les règles de la diplomatie ont été bousculées par un homme qui en avait la capacité politique et le pouvoir moral. Ce chef d’État savait ce que c’était que l’occupation étrangère. Il savait de plus quelles en étaient les néfastes conséquences pour tout peuple colonisé. C’est pourquoi son audace a réjoui non seulement les indépendantistes mais également tous les autres, tous ceux qui n’ont jamais cessé de s’identifier à la langue et à la culture, françaises. » Gilles Rhéaume 24 juillet 1997
De Gaulle a agi ainsi pour aider le Québec après tout ce qu’il avait fait pour la France, son redressement, son prestige et sa puissance. Cet homme avait refusé lui-même la défaite, il portait valeur d’exemple pour les militants politiques qui apprenaient ainsi que les défaites ne sont pas définitives et que les victoires ne sont pas impossibles pour ceux qui sont déterminés à vaincre.
Cet « homme debout » (Pierre Bourgault), cet homme de la victoire, cet homme venu de France « une France à nouveau redevenue elle-même après d’immenses épreuves » était la promesse, le garant de notre propre redressement […] cela a concouru à redonner aux Québécois confiance en eux-mêmes.
Cette identité que de Gaulle contribuait si fortement à faire reconnaître, c’était bien celle du Québec. Mais par ses origines, sa langue, son appartenance au monde francophone, cette identité était aussi française. C’est cela qu’avait affirmé avec enthousiasme une bonne partie du peuple, à l’étonnement même d’un Pierre Bourgault : « Malgré l’histoire, malgré l’anglais, malgré les notables et un peu aussi malgré nous hélas, le peuple québécois était resté français. J’en fus violemment retourné. Ce peuple n’avait pas eu besoin de directives pour affirmer la fierté de son origine française à la face du monde entier »,
Il aura suffi d’une journée, d’un discours, pour faire triompher la vérité fondamentale de deux identités – Canada anglais et Québec français – telle que la faisaient apparaître les réactions diamétralement opposées de ces deux entités. «Nous savons maintenant qu’encore en 1967, le monde anglo-canadien ne nous aime pas, ne nous accepte pas, ne veut pas qu’il nous arrive quoi que ce soit de bien qui soit selon notre volonté propre», écrira F.-A. Angers, selon qui, grâce au général de Gaule, «il ne pourra plus être dit que nous avons fêté le Centenaire [..] le monde entier a pu vérifier la réalité du mensonge».
Cette journée du 24 juillet a eu un effet considérable sur les indépendantistes mais aussi sur les Québécois en général. « Il a rempli de joie le cœur d’une nation trop souvent tenue dans l’ombre », écrira Réginald Chartrand Il a donné au Québec une fête « gigantesque et explosive » (Camille Laurin), inespérée en plein cœur des célébrations du centenaire du Canada fédéral.
Le président Charles De Gaulle consacre ensuite tout à fait sereinement sa journée du 25 juillet à l’Expo 67 où il inaugure les pavillons de la France, ceux du Québec et du Canada. La journée se termine avec un dîner d’État donné par la France. Au même moment, le premier ministre canadien, Lester B. Pearson, par voie de communiqué, qualifie le discours de l’hôtel de ville d’inacceptable : « Certaines déclarations du président tendent à encourager une minorité de notre population dont le but est de détruire le Canada et comme telles, elles sont inacceptables »
Il n’en faut pas plus au Président français pour annuler sa rencontre prévue avec lui, il décide de ne pas se rendre à Ottawa, préférant déjeuner avec le maire de Montréal. Il ne fera rien pour désamorcer les tensions entre le Canada et la France… La journée du 26 est très chargée. À 9h45, le Général visite la régie centrale du métro à la station Berri-De Montigny (devenue Berri-UQAM) il prend le métro jusqu’à la Place des Arts qu’il parcourt tranquillement. À 11h10, il est accueilli à l’Université de Montréal par le recteur Roger Gaudry, il prononce une allocution de huit minutes, ovationnée par les étudiants et les professeurs. Puis il se rend au belvédère du Mont Royal où se trouve une compagnie Franche de la Marine et il adresse à nouveau quelques mots. Vient finalement le dîner où le maire Jean Drapeau va répondre aux propos du 24. Le repas a lieu à l’hôtel de ville dans la salle du conseil. Le maire Jean Drapeau entame un discours improvisé où il exprime sa gratitude au Général, Il souligne le rôle que le Canada français moderne est appelé à jouer au Canada et même en Amérique du Nord et termine son discours par ces mots visionnaires : «Nous avons appris à vivre seuls, pendant deux siècles… Après l’explosion de joie et de fierté que vous avez allumée, le Québec reprendra sa marche mais plus conscient que jamais de sa vocation particulière. » De Gaulle en réponse au maire dira « qu’il pense avoir été au fond des choses » il évoque les échanges futurs entre le Québec et la France dans tous les secteurs d’activités.
Puis il s’en ira le lendemain pour retourner dans son pays, après avoir largement secoué les structures de l`État canadien.
N’est-il pas effarant que cette phrase propagea une telle fureur dans certains milieux ? A moins qu’il ne faille y voir un aveu ? On soulignera ce fait qu’après des siècles, ce mot de liberté puisse marquer une telle dichotomie, une explosion de joie et d’enthousiasme pour les uns, et pour les autres, notables ou politiques, malaise, irritation, jusqu’à la fureur d’Ottawa ! Rien d’exceptionnel pour de Gaulle. Entre la France et le Québec, les relations ressemblaient à celles qui ont cours entre Etats étrangers, mais cette notion de communauté francophone ajoutait en quelque sorte la dimension d’une seconde patrie pour tous les peuples de langue française. De Gaulle par son sens profond de l’histoire avait toujours trouvé sur sa route les institutions établies, les hommes en place, les notables. Ici, plus qu’ailleurs, dans cette terre fécondée par ce peuple issu de France, n’était-il pas naturel qu’il apportât un message d’espoir ? Compte tenu de tout cela, compte tenu aussi du caractère triomphal de la visite préparée avec autant d’enthousiasme par le Québec lui-même, la phrase de « Vive le Québec libre» lancée du balcon de l’hôtel de ville de Montréal « surgit tout naturellement dans ce contexte » Quand il rentre en France après sa déclaration controversée, le général de Gaulle trouve plusieurs de ses ministres atterrés, il dira simplement : « Il fallait bien que je parle aux Français du Canada. Nos rois les avaient abandonnés ».
C’est pourquoi, à la suite de son discours fracassant, lorsque les manipulateurs d’opinion publique se sont manifestés, à la fois au Canada et en France, De Gaulle eut cette phrase restée célèbre depuis : « Tout ce qui grouille, grenouille ou scribouille, n’a aucune importance ! »
Philippe Seguin en juillet 1997 en visite au Québec dira dans son discours :
« A peine revenu à Paris, le général de Gaulle s’en expliqua. Il le fera le 10 août, à l’Elysée, devant un vaste parterre de journalistes, avec micros et caméras. […] Il rappelle d’abord l’histoire des deux peuples séparés par un traité cruel, puis par l’immense, longue, très longue Atlantique qui semble ne jamais finir – et cela, certes n’était rien moins que nécessaire pour un peuple qui, à la différence du vôtre, ne se souvenait pas, ne se souvenait plus, ne voulait probablement plus se souvenir… Puis, il parle de vos magnifiques efforts, tous victorieux, pour relever les uns après les autres les défis de deux siècles, jusqu’à faire de votre terre, envers et contre tout, l’une des contrées les plus prospères, les plus modernes et les plus dynamiques qui fût jamais, et cela, chose absolument magnifique, tout en restant vous-mêmes, en protégeant votre personnalité et votre langue ! »
Puis, le 27 novembre, Charles de Gaulle donne une grande conférence en France, au cours de laquelle de nombreuses questions vont lui être posées, tels les conflits d’Orient, la candidature de l’Angleterre au marché commun, la politique économique de la France, son voyage en Pologne, et bien entendu son tout dernier voyage au Québec au mois de juillet dernier. La question sera posée par le journaliste Pierre St-Germain, alors correspondant de La Presse à Paris. Lorsque nous visionnons aujourd’hui cette conférence, c’est particulièrement émouvant de remonter le fil du passé en écoutant ses propos… Il rappelle en effet l’arrivée des Français en 1534, comment ils ont bâti cet immense pays à la force de leur courage, mais aussi comment par la suite des étrangers s’en sont emparés, il y détaille également toutes les raisons qui pouvaient expliquer alors cette éventuelle souveraineté du Québec.
Son voyage au Québec s’est inscrit dans l’Histoire et a donné un élan immense aux Québécois.
Le 28 juillet, l’ambassadeur français à Ottawa fait rapport de l’impact de la déclaration sur le gouvernement fédéral. Il constate « une profonde blessure et il restera à savoir combien de temps elle mettra à se cicatriser ». Mais De Gaulle annote de sa main ce rapport : « La question n’est pas que la blessure de M. Lester Pearson soit cicatrisée. La question est que le peuple français du Canada ait la pleine disposition de lui-même. »
En avril 1968, lui-même écrivait dans une note, qu’il n’avait aucune concession ni amabilité à faire à l’endroit de Pierre Trudeau, nouvellement devenu premier ministre, qualifiant celui-ci d’adversaire du fait français au Canada.
Marcel Masse – plus tard ministre fédéral – jugea que le général De Gaulle avait donné un extraordinaire coup de pouce au Québec lui-même, plutôt qu’aux souverainistes ou aux indépendantistes en 1967. L’interprétation de la célèbre phrase, aurait masqué, d’après lui, ce désir d’aider la relation du Québec et du Canada. En effet, dès cet instant les rapports Québec-Canada furent internationalement connus. « De Gaulle a vraiment permis l’émergence internationale du Québec. En quelques minutes, le Québec a été connu sur toute la planète. Et nul n’aurait pu le faire comme il l’a fait. » Cf. Claude Morin.
Le Devoir, par la voix de son directeur Claude Ryan, s’il trouve un peu excessifs les propos du chef d’état français, souligne totalement injustifiable «la vague de fureur qui s’empara en quelques heures d’à peu près tout le Canada anglais».
Un détracteur avait alors titré un article d’un grand quotidien québécois « De quoi je me mêle, mon général? »
La réponse Québécoise fut rapide : « De rien de plus que de nous protéger de notre assimilation à l’hégémonique bouillie anglo-saxonne ! Triste celui qui, aujourd’hui, peine à prendre acte de ce simple fait. Bien plus triste encore le personnage du haut de son estrade médiatique, écrivant dans cette langue si chère au Général que l’élan qu’il souhaitait nous donner n’était rien d’autre qu’un regrettable cas d’ingérence dans les affaires intérieures de la fédération ! Faut-il manquer de hauteur pour ne rien voir de l’incroyable perspicacité de l’homme d’État, qui avait senti venir une décennie d’avance le goût, partagé par la vaste majorité des québécois de souche française faut-il le rappeler, de s’affranchir politiquement de la création britannique qu’est le Canada ? Quelle poutre doit-on avoir dans l’œil pour ne pas voir qu’aujourd’hui cette même fédération nous met lentement mais sûrement en danger de dépossession culturelle ? »
Le message amené de France par le Président français sur le pont du Colbert était non seulement un message fort d’amitié, mais de complicité politique. Que pouvait-on reprocher à cela, d’autant plus que Daniel Johnson, Premier ministre du Québec d’alors, avait voulu cette visite et avait souhaité, dans la foulée de son livre Égalité ou indépendance, que De Gaulle lui donne le levier politique nécessaire pour négocier comme il se doit les conditions d’un nouveau pacte fédéral avec Ottawa qui soit plus avantageux pour le Québec ? Sans cette perspective de la sécession du Québec, toute négociation avec Ottawa s’avérait d’avance stérile.
Pour ce cinquante troisième anniversaire des retrouvailles de la France et du Québec – après deux cents quatre ans d’abandon jusqu’à la venue de Charles de Gaulle, – laissons de côté les différents et rappelons-nous la grandeur de celui qui hissait les événements et les Hommes au-dessus de lui.
Plus tard, bien plus tard, le 5 septembre 1985, quinze ans après la mort du Général, le gouvernement du Québec donnera le nom de Charles de Gaulle au pont de l’autoroute 40 qui enjambe la rivière des Prairies, entre Repentigny et l’île de Montréal. Trente ans après ce voyage l’émission d’un timbre-poste français en mars 97 et l’élévation de la statue du Général avenue Montcalm, qui suivit en juillet 97 sur le sol du Québec, feront couler encore beaucoup d’encre du côté d’Ottawa dont la fureur n’était pas retombée !
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec