Par Marc Rousset.
L’argent bon marché des banques centrales et les aides des États en milliards ne peuvent que soulager les effets de la crise ; ils ne combattent pas la cause de l’épidémie. On est en présence d’un choc économique de l’offre et d’un choc partiel de la demande (tourisme, transports aériens) tout à fait comparable, par son intensité, à celui de 2008, même s’il est de nature complètement différente. La réponse monétaire des banques centrales n’est pas appropriée : les baisses de taux ne sont faites que pour enrayer l’effondrement des marchés boursiers. La Fed – signe de pessimisme à long terme – a surpris, mardi, en réduisant ses taux de 0,5 % et programme une baisse supplémentaire de 0,5 % pour la mi-mars ; mais seul un vaccin de l’Institut Pasteur serait efficace. La Fed tire ses dernières munitions, tout comme la BCE, et n’aura plus aucune marge si la crise empire.
Les banquiers centraux renvoient la balle aux gouvernements en leur demandant d’utiliser l’arme budgétaire, mais cela n’est valable que pour l’Allemagne et la Hollande, des pays sérieux, pas pour des États hyper-endettés comme la France, l’Italie, le Japon ou les États-Unis. Nous vivons dans un monde où les dettes (produits dérivés bancaires inclus) représentent 1,5 million de milliards de dollars.
Le secteur bancaire est déjà touché de plein fouet : Société générale, Crédit agricole et BNP Paribas accusent des baisses de 30 % depuis le début de l’année. Le chômage partiel a, aussi, déjà fait son apparition en France, puisque 400 entreprises ont déposé un dossier pour 6.000 salariés. Les faillites vont se multiplier. La seule façon de se sortir du guêpier sera un immense QE de création monétaire et des prêts long terme TLRO par la BCE, les gouvernements italien et français étant exsangues. Ce sera, alors, le début de l’hyperinflation et de la perte de confiance dans la monnaie. La BCE pourrait commencer par doper de 10 milliards d’euros supplémentaires son programme de rachats d’actifs plafonné, depuis octobre, à 20 milliards mensuels. On risque d’entrer dans une spirale infernale avec une économie à l’arrêt et des clients qui n’achètent plus (absence de commandes pour Airbus en février). La récession a, en fait, déjà commencé.
En Chine, le redémarrage est difficile et 55 % des PME chinoises sont toujours à l’arrêt. La conséquence directe d’une catastrophe sanitaire est le confinement inévitable, ce qui entraîne une dépression économique durable. Thierry Breton parle déjà de récession pour l’Allemagne et l’Italie, tandis que l’OCDE ajuste à la baisse les taux de croissance mondiale. Selon l’économiste Simon Wells, « il est peu probable que l’assouplissement monétaire ramène les gens dans les magasins ou au travail s’ils ont peur de tomber malades ».
Mais le plus préoccupant, au-delà de la dégringolade des Bourses, signe de krach à venir, c’est que le taux de l’obligation du Trésor américain à 10 ans s’est replié sous celui, inimaginable, de 0,7 % ! L’achat d’obligations correspond à une fuite du marché des actions vers la sécurité. C’est un renversement provocateur de la courbe des taux, annonciateur de dépression économique et de chômage.
Malgré la correction en cours, les actions sont toujours aussi chères qu’en 2000, au pic de la bulle Internet. La dégringolade devrait donc se poursuivre comme en 1929, 2000, et 2008. Les obligations à taux négatifs ont atteint le chiffre de 14.000 milliards de dollars, dont 3.700 milliards d’emprunts d’État, et les stocks d’or des ETF ont grimpé à 2.700 tonnes. Goldman Sachs voit l’or à 1.850 dollars l’once, si le coronavirus ne peut être maîtrisé d’ici la fin du deuxième trimestre ; selon Jeff Curie, l’un de ses dirigeants, « l’or, à l’inverse des êtres humains et des économies, est immunisé contre le virus ».
Le coronavirus a fait sortir de sa cachette le monstre caché dans ce Système de pacotille. Les banques centrales et les gouvernements ne peuvent rien contre lui dans des économies sous respiration artificielle qui ne tiennent plus, aujourd’hui, que par des bouts de ficelle. Comment va évoluer l’épidémie, avec quel impact économique dans la durée, c’est toute la question. Le pire n’est pas certain mais très probable. Il faudra bien que ce cycle d’expansion artificiel, de onze ans de hausse, trouve son terme d’une façon ou d’une autre. Le seul élément positif d’espoir, c’est que la situation semble s’améliorer globalement en Chine.
Source: Lire l'article complet de Les 7 du Québec