Par The Saker − Le 27 février 2020 − Source Unz Review via thesaker.is
Le meurtre du héros-martyr iranien, le général Soleimani, a créé une situation dans laquelle une guerre entre l’Iran et « l’Axe du Bien » (USA / Israël / Arabie Saoudite) est devenue une possibilité réelle mais, à la toute dernière minute, l’oncle Shmuel a décidé qu’il n’avait pas les cojones pour une guerre à grande échelle contre l’Iran. Sage décision.
Cela n’implique cependant pas du tout que l’Empire anglo-sioniste a décidé de rester les bras croisés, loin de là. La nécessité de prendre des mesures rapides et déterminées est devenue particulièrement aiguë à la suite des énormes manifestations anti-américaines en Irak – bien plus d’un million de personnes dans les rues ! – qui ont directement mis en danger l’occupation américaine – les médias aux ordres l’appelleraient «présence» – à la fois en Irak et en Syrie.
Dans le même temps, le refus du président turc Erdogan de retirer tous les «mauvais terroristes» de la province d’Idlib a finalement abouti à une offensive conjointe syro-russe pour libérer la province. Cette offensive, à son tour, a rendu furieux les Turcs qui ont menacé d’une opération militaire majeure pour empêcher les Syriens de libérer leur propre pays.
Cela soulève la question : la Russie et la Turquie sont-elles vraiment sur une trajectoire de collision ?
Il y a certainement des signes avant-coureurs très inquiétants, dont un certain nombre de déclarations très dures d’Erdogan lui-même, et un regain soudain d’intérêt turc pour les missiles «Patriots» américains.
Sur le terrain à Idlib, les Turcs ont clairement apporté aux «mauvais terroristes» beaucoup de soutien, notamment des équipements, des MANPAD [missiles anti aériens portables], des chars et des véhicules blindés de transport de troupes. Les Turcs sont même allés jusqu’à envoyer des forces spéciales pour aider directement les «mauvais terroristes». Enfin, d’après des images prises par des drones russes et syriens, et par les «mauvais terroristes» eux-mêmes, il semble indéniable que les lance-roquettes multiples (MLRS) turcs et l’artillerie régulière ont fourni un appui-feu aux «mauvais terroristes».
Les deux parties conviennent également qu’un certain nombre de personnels turcs ont été tués – ils ne sont pas d’accord sur le nombre, ni sur ce que ces Turcs faisaient en Syrie.
Enfin et surtout plus sinistre, il y a même une vidéo circulant sur Internet qui semble montrer un «Stinger» [missile anti aérien portable] américain tiré par les «mauvais terroristes» sur un avion russe qui, Dieu merci, a réussi à l’éviter, contrairement à deux hélicoptères de l’armée syrienne qui n’ont pas eu cette chance.
La première conclusion à laquelle nous pouvons arriver est donc que les Turcs sont déjà engagés dans des opérations de combat contre les Syriens. Pour l’instant, ces opérations de combat sont juste en dessous du seuil de «déni plausible », mais pas de beaucoup. Par exemple, si les Turcs avaient abattu un avion russe, vous pouvez être à peu près certain que l’opinion publique russe – qui n’a toujours pas pardonné à Erdogan le Su-24 abattu – aurait exigé que les forces aérospatiales russes ripostent massivement pour tuer des dizaines de Turcs, comme elles l’ont fait à chaque fois que des militaires russes ont été tués.
La position russe est très simple. Elle se présente comme ça :
Les Turcs se sont engagés à expulser tous les «mauvais terroristes» de la province d’Idlib, ne laissant que les «bons terroristes» désireux d’obtenir un cessez-le-feu et un processus de paix politique. Cela ne s’est pas produit. Dans ce cas, les Syriens doivent clairement faire eux-mêmes ce que les Turcs ont refusé, ou ne pouvaient pas faire. La présence militaire russe en Syrie et ses opérations militaires sont toutes absolument légitimes et légales : le gouvernement légitime de la Syrie a invité les Russes et l’ONU a accepté de soutenir le processus de paix syrien. Ainsi, les frappes des Forces aérospatiales russes contre les «mauvais terroristes» sont absolument légales. En outre, la Russie déplore vivement la présence d’unités turques régulières parmi les «mauvais terroristes», ce qui est à la fois illégal et totalement inutile. Enfin, les forces aérospatiales russes n’ont aucun moyen de déterminer qui est assis dans tel char, ou qui fournit une couverture d’artillerie au bénéfice des opérations des «mauvais terroristes». Ainsi, si des militaires turcs sont tués dans des opérations syriennes ou russes, ce sera entièrement la faute d’Ankara.
Jusqu’à présent, l’opération militaire turque a été plutôt infructueuse et limitée.
Mais Erdogan promet maintenant une attaque majeure.
Cela se produira-t-il et que peuvent vraiment faire les Turcs ?
D’abord et avant tout, la Turquie n’a pas les moyens d’entrer dans un conflit à grande échelle avec la Russie. La Turquie ne peut pas faire cela pour des raisons politiques, économiques et militaires :
Politique : la simple vérité est que la Turquie, et Erdogan, ont désespérément besoin du soutien politique russe, non seulement face à l’Occident, mais aussi à l’Irak, l’Iran ou Israël. En outre, Erdogan s’est maintenant clairement, et profondément, aliéné les Européens qui en ont marre de ses menaces constantes d’ouvrir la vanne des «réfugiés». Quant aux Turcs, ils savent depuis des années que l’UE ne les acceptera jamais et que l’OTAN ne soutiendra pas la Turquie dans ses opérations très dangereuses en Irak et en Syrie.
Économie : l’économie de la Turquie a vraiment souffert des sanctions introduites par la Russie après la destruction, en 2015, du Su-24 russe par des avions turcs – soutenus par des combattants de l’USAF. Ce qui était vrai à l’époque l’est encore plus aujourd’hui, et l’opinion publique turque le comprend.
Militaire : les dernières années ont été absolument désastreuses pour les forces armées turques qui ont été purgées suite à la tentative de coup d’État contre Erdogan. Cette triste situation est indirectement confirmée par la très mauvaise performance des forces turques en Syrie.
Qu’en est-il d’un conflit limité à la Syrie ?
Encore une fois, la Turquie est en mauvaise position. D’une part, les Syriens et, plus encore, les Russes contrôlent l’espace aérien au-dessus d’Idlib. Les Turcs sont tellement frustrés par cet état de fait qu’ils auraient maintenant demandé aux États-Unis de déployer des missiles Patriot dans le sud de la Turquie. C’est une demande plutôt bizarre, surtout si l’on considère que la Turquie a acheté des S-400 à la Russie et que les Patriot se sont récemment comportés de façon pathétiquement inefficace, en Arabie saoudite, et ailleurs avant. Soit dit en passant, cela pourrait bien être un cas de fausses nouvelles car, apparemment, il n’y a pas de Patriot disponibles pour la Turquie même si les États-Unis ont accepté de les vendre.
Ensuite, il y a la rhétorique belliqueuse que nous entendons d’Erdogan. Par exemple, il a récemment déclaré que :
«Le régime, soutenu par les forces russes et des militants soutenus par l’Iran, attaque continuellement des civils, commet des massacres et verse du sang, (…) Je déclare par la présente que nous frapperons les forces du régime partout dans le monde, quel que soit l’accord de [2018], si le moindre petit mal est infligé à nos soldats aux postes d’observation ou ailleurs.»
Ce type de langage est, bien sûr, très dangereux mais, au moins jusqu’à présent, l’opération turque a été à la fois limitée et infructueuse. Le président syrien Assad n’a pas été impressionné et a déclaré que :
« Cela signifie également que nous ne devons pas rester les bras croisés, mais nous préparer pour les batailles à venir. En conséquence, la bataille pour libérer la campagne d’Alep et d’Idlib se poursuit malgré quelques bulles sonores vides venant du nord (vaines menaces d’Erdogan), tout comme la bataille continue pour libérer tout le sol syrien, écraser le terrorisme et parvenir à la stabilité. »
Entre-temps, en Irak, les États-Unis sont apparemment retranchés et refusent catégoriquement de partir. Concrètement, cela signifie que les Irakiens devront intensifier leur campagne anti-américaine à la fois politiquement – plus de protestations et de manifestations – et militairement – plus d’engins piégés, d’attaques de convois et, probablement bientôt, d’attaques de drones, de missiles de croisière et de missiles balistiques sur des cibles américaines en Irak. Je ne pense pas que les États-Unis seront en mesure de maintenir ce genre de pression à moyen et à long terme, surtout pas pendant une année électorale – qui promet d’être infernale de toute façon. À l’heure actuelle, l‘Idiot en chef semble penser que menacer l’Irak de «très lourdes sanctions» est le moyen de rétablir de bonnes relations. En réalité, tout cela ne fera qu’exacerber les sentiments anti-américains en Irak et dans le reste de la région.
Ensuite, il y a la situation tactique. Veuillez consulter ces deux cartes
Les forces syriennes, soutenues par la Russie, ont maintenant repoussé la dernière attaque turque conjointe avec les Takfiris au nord et à l’ouest d’Alep et elles attaquent maintenant la pointe sud de la zone d’occupation des Takfiris autour de la montagne et des hauts plateaux de Zawiya, voir ici [Depuis la poche a été totalement prise, NdSF] :
Les Syriens ont des options ici. Ils peuvent soit pousser progressivement vers le nord, soit essayer d’envelopper les forces Takfiris dans un «chaudron». Enfin, les Syriens remporteraient une victoire majeure s’ils parvenaient à reprendre le contrôle de l’autoroute M4 entre Alep et Lattaquié (en bleu en haut de la carte).
Quant aux Takfiris soutenus par la Turquie, ils poussent très fort vers Idlib, jusqu’à présent avec seulement des succès modérés et temporaires, ils prennent généralement un emplacement à un coût énorme en vies humaines et en équipement, mais ne peuvent pas s’y accrocher dès que les Syriens et les Russes bombardent la racaille hors de ses positions nouvellement conquises.
Tout cela se déroule alors que les patrouilles syriennes, russes, turques et américaines se rencontrent régulièrement, souvent dans des situations plutôt tendues qui pourraient rapidement dégénérer en échanges de tirs ou, pire encore, en bataille ouverte. Il y a également le risque d’un incident aérien puisque ces quatre nations mènent également des opérations aériennes au-dessus de la Syrie. Et, tout comme dans le cas des opérations terrestres, les opérations aériennes syriennes et russes sont légales en vertu du droit international, les opérations turques, américaines ou israéliennes ne le sont pas et constituent un acte d’«agression» [Rappel : cet acte est un crime majeur en droit international].
Jusqu’à présent, les différentes négociations entre les parties n’ont donné aucun résultat. Cela pourrait changer le 5 mars lorsqu’une conférence sur la Syrie à laquelle participeront la Turquie, la Russie, la France et l’Allemagne se réunira, probablement à Istanbul, pour essayer de trouver un accord négocié. Étant donné que des soldats turcs sont tués chaque jour et que déjà deux hélicoptères syriens ont été abattus, il est peut-être trop tard pour éviter une escalade.
Je conclurai ici en publiant une traduction automatique (que j’ai corrigée a minima) d’une traduction russe d’un texte écrit à l’origine par un commentateur politique turc et traduit en russe par la chaîne Telegram : (souligné en gras par moi)
La stratégie de la Russie, dès le début, a été de rendre à Assad le contrôle total des territoires syriens. Et Moscou mettait en œuvre ses plans, se rapprochant pas à pas de l’objectif. Tant que Damas ne prendra pas Idlib, l’opération se poursuivra. Vous n’avez pas besoin d’être un expert dans ce domaine pour comprendre cela. C’est évident. Quelqu’un dit que le voyage d’Erdogan en Ukraine a joué un rôle dans les opérations offensives de Damas. En fait, cette visite est le résultat de l’offensive de l’armée syrienne. Le président turc s’est rendu à Kiev juste après la montée des tensions entre les forces armées turques et la partie russe. Erdogan a fait, en Ukraine, des déclarations qui ont provoqué une irritation à Moscou.
La diplomatie turque était dans une impasse. Nous leur avons dit depuis longtemps que nous ne pouvions pas mettre tous nos œufs dans le même panier russe. Et ils ont dit : nous allons acheter le S-400, construire une centrale nucléaire et développer le tourisme. Et Poutine est devenu un héros dans notre pays [le commentateur est turc, NdT]. Et maintenant, le Ministre de la Défense parle d’acheter des systèmes de défense aérienne américains patriotes. Et le président parle d’acquérir Patriot «Nous n’avons pas réussi avec la Russie, nous nous rapprocherons des États-Unis» – ce n’est pas ainsi que se fait la politique étrangère. Nous avons besoin de cohérence. Il n’est pas approprié pour un pays doté d’une forte puissance militaire de changer de camp entre les puissances mondiales d’une semaine sur l’autre.
Nous discutons encore en ce moment de ceci : nous devons nous rapprocher de l’Europe et des États-Unis contre la Russie. Ces discussions inquiètent nos entrepreneurs qui travaillent avec la Russie. Le secteur du tourisme est concerné. Sans touristes russes, notre secteur touristique ne peut pas atteindre ses objectifs et réaliser des bénéfices. Nous n’avons pas encore pu résoudre ces problèmes et nous discutons d’un affrontement avec la Russie. Souvenons-nous de ce qui s’est passé après que la Turquie a abattu un avion russe. Notre secteur touristique n’a pas pu se redresser pendant deux ans. À quoi s’attendre dans un affrontement militaire. Nous devons en parler.
Le but de notre État : vivre en paix sur notre terre et garder tous les ennuis loin de nous, alors que nous faisons tout pour attirer de nouveaux ennuis – ce n’est pas un indicateur d’une bonne stratégie militaire ou d’une stratégie diplomatique bien pensée. Tout le monde devrait comprendre cela.
Le risque pour Erdogan est évident : en cas de confrontation sérieuse avec la Russie – et la Syrie et l’Iran, ne les oubliez pas ! – les conséquences pour la Turquie pourraient être graves, entraînant une forte augmentation des sentiments anti-Erdogan en Turquie, quelque chose qu’il peut difficilement se permettre.
Et cela nous amène à la position actuelle des États-Unis / OTAN / CENTCOM après l’assassinat du général Soleimani que j’ai mentionné au début de cet article. Les risques d’une escalade rapide et dangereuse impliquant les États-Unis et l’Iran sont toujours extrêmement élevés. Il en va de même pour les risques d’une reprise des attaques anti-américaines par les forces chiites irakiennes. Ensuite, il y a les conflits en Afghanistan et au Yémen, que l’oncle Shmuel préférerait probablement arrêter, mais il ne sait pas comment. Dans ces pays, une escalade rapide pourrait survenir à tout moment, notamment à la suite de l’objectif officiellement déclaré par l’Iran de chasser les États-Unis du Moyen-Orient. Et maintenant, il y a un risque d’escalade majeure entre la Turquie, la Syrie et la Russie : une telle escalade aurait un potentiel attractif majeur pour aspirer les forces américaines dans la région, même si personne ne le fait délibérément – ou si les Iraniens le font vraiment délibérément.
En ce moment, l’oncle Shmuel est occupé avec une PSYOP stratégique essayant de faire entrer la Russie et l’Iran dans un conflit – voir ce texte de propagande par exemple. Cela ne fonctionnera pas, car les Russes et les Iraniens sont beaucoup, mais vraiment beaucoup, trop avertis pour tomber dans des pièges aussi primitifs. Les États-Unis ont également tenté de déclencher des émeutes à l’intérieur de l’Iran, mais ils ont rapidement échoué – tout comme les rumeurs selon lesquelles les États-Unis auraient délibérément abattu l’avion de ligne ukrainien en Iran.
Le Moyen-Orient est impossible à prévoir, il est trop complexe et il y a trop de facteurs possibles qui influencent la situation. Pourtant, je suppose que la conférence du 5 mars, en supposant qu’elle ait lieu, forcera Erdogan à reculer et à reprendre son engagement de ramener la sécurité dans la province d’Idlib. C’est, à ma connaissance, le seul moyen pour lui d’éviter une défaite militaire embarrassante avec des conséquences politiques peut-être très graves.
Inversement, en cas de conflit ouvert entre la Turquie et la Syrie, plus la Russie, je ne vois pas l’OTAN intervenir pour soutenir la Turquie. Tout au plus, les États-Unis / l’OTAN peuvent envoyer des forces pour «protéger» la Turquie et de l’équipement, mais dans les deux cas, cela ne serait pas efficace, les problèmes de l’armée turque sont trop importants pour être résolus par des actions aussi symboliques.
Alors que certains pays plus enragés – la Pologne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et, bien sûr, les États-Unis – pourraient être tentés d’obtenir une action majeure de l’OTAN contre la Syrie et, à travers elle, contre la Russie, les pays de l’UE, mentalement plus sains, n’ont absolument aucun désir d’être embringués dans une guerre contre la Russie, ni en Ukraine, ni en Syrie.
Ainsi, alors qu’Erdogan tente désespérément de dresser les États-Unis contre la Russie, cela ne fonctionnera pas, d’autant plus que ce dernier «zig-zag» pro-américain ne fera qu’aliéner davantage l’Iran – et le reste de la région. Je prédis qu’après la conférence du 5 mars, Erdogan sera contraint de reprendre son «amitié» avec Poutine et de céder, tout simplement.
Si cela ne se produit pas, quelle qu’en soit la raison, une escalade sera quasiment inévitable.
The Saker
PS : Le colonel Cassad (alias Boris Rozhin) a publié sur son blog un article intéressant qui examine une théorie qui, apparemment, est populaire au Moyen-Orient et en Russie. Cette théorie dit que ce qui se passe est un gigantesque cirque, une tromperie, dans laquelle la Russie et la Turquie semblent être en désaccord, mais en réalité travaillent main dans la main pour désarmer les Takfiris et échanger des territoires. Voici, à son avis, les indications éventuelles d’une telle collaboration : (traduction automatique et correction minimale)
- Après quelques formalités, la Turquie a repris ses patrouilles conjointes avec l’armée russe au Rojava, qui se déroulent de manière routinière.
- La Russie a augmenté le quota pour la fourniture de tomates turques, malgré sa menace de bloquer l’approvisionnement.
- Les États-Unis n’ont pas donné de missile Patriot aux turcs, selon des médias turcs faisant référence à des sources anonymes du gouvernement turc. Aucun soutien réel n’est venu des États-Unis et de l’OTAN.
- Malgré le fait que l’Armée syrienne n’a pas arrêté l’offensive et a continué à encercler les postes d’observation turcs, la Turquie a donné carte blanche à Assad pendant tout le mois de février, déclarant qu’aucune opération de combat majeure ne serait lancée avant début mars.
- La ligne principale des nouveaux postes d’observation a été déployée par la Turquie au nord de l’autoroute M-4. Le sud n’est pas réellement renforcé. Aucune tentative de couvrir Kafr will Sagna ou Kafr Nabl n’a été entreprise, bien que ce soit des points plus importants que Nairab.
- La majeure partie des militants pro-turcs ont été attirés vers Idlib et Carmine, tandis que le front sud était exposé à une intervention de Assad pour libérer une douzaine de villes et villages.
- La bataille de Niravam s’est transformée en un hachoir à viande d’une semaine, où les militants d’al-Qaida se sont lancés dans des assauts frontaux stupides contre des positions syriennes avec de lourdes pertes pour capturer Neirab où il n’y a pratiquement rien sur le plan opérationnel, ils ont perdu beaucoup de combattants, et surtout du temps.
- Les militaires russes et turcs conservent tous les canaux de communication et échangent des informations, y compris sur le mouvement des colonnes turques. L’armée russe aide à approvisionner les points d’observation turcs encerclés sur les arrières de l’Armée syrienne.
- Moscou et Ankara ont souligné à plusieurs reprises qu’il ne fallait pas rechercher un conflit militaire entre eux, préférant essayer de résoudre les différends par des moyens diplomatiques.
Et Rozhin ajoute :
Pourquoi tout cela peut-il faire partie d’un accord en coulisse ? Parce qu’un tel scénario permettrait à la Turquie de passer pour une protectrice d’Idlib en forte opposition aux plans d’Assad et de Poutine. Du moins apparemment. Quant à Assad et Poutine, ils peuvent prétendre avoir libéré une partie de la province d’Idlib. La bataille de Niravam dans cette logique permet à Erdogan de sauver la face «dans l’intérêt de la paix et de la sécurité», de signer un nouvel accord avec la Russie avec une nouvelle ligne de démarcation, qui a déjà été officiellement discutée lors des négociations à Moscou le 17- 18 février. Officiellement, les Turcs l’ont rejeté. Mais c’est officiel. Et si l’on suppose que l’accord existe déjà et vient de fixer l’horizon au 5 mars, alors qu’Assad aura libéré un autre morceau d’Idlib et que les militants d’al-Nusra seront partiellement éliminés dans les batailles avec l’Armée syrienne à Idlib et dans l’attaque frontale sur Niranam. En faveur de cette version, on peut indiquer l’expérience précédente des transactions entre la Russie et la Turquie, quand Ankara a grogné bruyamment contre Assad, mais de facto n’a pas empêché le régime Assad de nettoyer les enclaves et de gagner la bataille d’Alep. Contre cette version peut jouer le fait que les Turcs eux-mêmes subissent des pertes de combattants, et que de nouvelles concessions à la Russie peuvent saper les positions d’Erdogan à Idlib, alors il essaie de négocier.
Personnellement, je doute de cette version, ne serait-ce que parce que c’est une façon très délicate et dangereuse de faire avancer les choses, et en raison des nombreuses menaces et même des ultimatum qu’Erdogan éructe constamment. Une explication plus probable de tout ce qui précède est que, d’une part, les Takfiris sont désespérés et s’essoufflent, d’autre part que les Turcs ont peur d’une confrontation sérieuse avec la Russie.
Rozin conclut :
Je pense que le 5 mars, la question de savoir s’il y a eu ou non un accord secret sera finalement clarifiée, car les menaces d’Erdogan se concentrent toutes sur le début du mois de mars, date à laquelle il devra soit attaquer, soit choisir de jouer le rôle du pacificateur, qui «diplomatiquement» aura arrêté l’avance d’Assad.
Ici, je ne peux qu’être d’accord avec lui.
Traduit par jj, relu par Kira pour le Saker Francophone
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