Revenons d’abord en arrière, en début d’année. La croissance des marchés boursiers se poursuit après une année incroyable en bourse, avec des gains de plus de 30 % à New York en 2019. Survient alors le coronavirus en Chine et, rapidement, les investisseurs apparaissent inquiets de la propagation des cas dans la deuxième économie mondiale et de l’effet sur le commerce international.
Fin janvier, l’Organisation mondiale de la santé exprime l’espoir que la crise soit confinée à la Chine, qu’on soit en mesure de contenir l’épidémie. Cependant, c’est fragile, prévient l’OMS. Malgré tout, la bourse remonte : hausse de 5 % à New York du 1er au 19 février. Dans l’esprit de bien des investisseurs, le coronavirus est déjà un épisode du passé.
Rapidement, le nombre de cas à l’extérieur de la Chine commence à se multiplier, le nombre de pays touchés augmente et il devient de plus en plus évident que cette affaire n’est plus une crise chinoise, mais un enjeu mondial. Aux États-Unis, les autorités préviennent les Américains qu’il faut se préparer au pire, qu’une hausse importante du nombre de cas est à prévoir.
La panique s’empare des investisseurs : les marchés dégringolent, les indices perdent de 10 à 15 % depuis leur dernier sommet. À titre d’exemple, le Dow Jones, qui a frôlé la barre des 30 000 points, est tombé à 25 000 points en quelques jours. Jamais depuis la Seconde Guerre mondiale n’a-t-on vu plongeon aussi spectaculaire. Et jamais depuis la crise financière les marchés n’ont-ils connu une semaine et un mois aussi négatifs.
Scénario du pire
Maintenant, il faut analyser la chute boursière avec quelques pas de recul. Comme l’a dit vendredi matin Larry Kudlow, le conseiller économique du président des États-Unis, la réaction boursière est excessive. Rien, dans les faits présentés par l’OMS, ne justifie pleinement la descente catastrophique des derniers jours. Toutefois, beaucoup d’informations laissent croire que le pire peut survenir.
Et c’est précisément le scénario du pire qui est reflété dans les marchés. S’il doit se produire, quantité d’opérateurs de marché auront vendu leurs actions à temps à des acheteurs qui voient les choses autrement. Et si, d’aventure, on se rend compte que la crise attendue n’est pas si grave , ils rachèteront leurs actions à meilleur prix en appuyant leur analyse sur de nouvelles bases.
N’empêche qu’avant même l’apparition des craintes sur le coronavirus, certains éléments devaient nous faire réfléchir. Le premier, on l’a répété à plusieurs reprises, c’est la durée du marché haussier et de la croissance économique : près de 11 ans.
Ensuite, comme le nouveau PDG de la Caisse de dépôt Charles Émond nous le rappelait le 20 février dernier, l’indice S&P 500 a monté de plus de 30 % en 2019, mais les profits des entreprises n’ont pas progressé. Ça veut dire que les investisseurs se sont montrés prêts à payer 30 % plus cher pour leurs avoirs américains en 2019.
C’est préoccupant, nous disait Charles Émond, en expliquant que le rendement de la Caisse dans le marché boursier s’était établi à 17 % alors que l’indice de référence, sur le marché mondial, était de 18 %.
La firme Goldman Sachs a déclaré, jeudi, qu’il y aurait encore absence de croissance des profits dans les entreprises américaines en 2020, ce qui soulève de sérieuses questions sur la soutenabilité du marché haussier.
C’est dans ce contexte qu’il faut évaluer la chute boursière. Il y a un terreau fertile pour l’instabilité ainsi que pour l’incertitude face aux événements et à leurs répercussions sur l’économie mondiale et sur les marchés financiers.
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Le Canada à risque
Maintenant, il faut s’attendre à deux choses. La première, c’est une grande volatilité qui rendra tout le monde nerveux. Et la deuxième, c’est une intervention des pouvoirs publics. La Réserve fédérale et la Banque du Canada pourraient baisser leur taux. Les gouvernements, dont celui de Justin Trudeau, pourraient annoncer des mesures spéciales de stimulation de l’économie.
D’ailleurs, l’économiste Clément Gignac, de l’Industrielle Alliance, nous disait en début de semaine que le Canada fait partie des pays les plus à risque d’un ralentissement économique mondial provoqué par une pandémie du coronavirus.
Pour trois raisons, disait-il. La première, c’est que le Canada mise sur les exportations et dépend du commerce mondial. Déjà, au quatrième trimestre 2019, on a vu les exportations baisser de 1,3 % au Canada, en recul pour un deuxième trimestre d’affilée. Les volumes sont en déclin depuis le printemps 2019.
Ensuite, deuxième raison, le Canada dépend grandement de l’énergie et des exportations pétrolières. Encore là, les volumes de pétrole brut et de bitume brut ont baissé de 5,3 % dans les trois derniers mois de l’année. Et un ralentissement mondial a un effet direct sur le prix du pétrole et sur la demande mondiale. La chute boursière des derniers jours s’accompagne d’une baisse des cours du pétrole d’environ 10 $ à New York, soit d’environ 17,5 %.
Enfin, le tourisme joue un rôle important dans l’économie canadienne. La crainte du coronavirus aura un effet sur les déplacements, le tourisme, les voyages d’affaires et d’agrément, et le Canada en ressentira les effets. Déjà, le nombre de visiteurs chinois, qui représente près de 10 % du tourisme au Canada, est en baisse.
Il faut garder à l’esprit que la bourse a monté de 400 % depuis la crise financière. Il faut se rappeler aussi que des corrections boursières, depuis 10 ans, nous en avons connu. Des baisses de 10 ou de 15 %, ce n’est pas anormal. Le contexte actuel, avec tout ce qu’on a décrit plus haut, invite les investisseurs à la prudence.
Profitez bien de la semaine de relâche, si c’est votre cas, et éloignez-vous de tout appareil qui pourrait vous amener à consulter votre portefeuille financier!