C’est avec une mine grise que le ministre des Finances du Québec, Éric Girard, a présenté sa mise à jour budgétaire post Covid-19. Le portrait comptable semble globalement correct et les hypothèses pour le futur, pas exagérément optimistes. Cependant, le discours entourant les présentations budgétaires constitue toujours un exercice de faire-valoir pour le gouvernement en place et celui-ci n’est pas différent. C’est certain que la pandémie est la première responsable de l’énorme déficit de l’exercice en cours mais les gouvernements ont quand même une part de responsabilité. Les coûts exorbitants des équipements de protection, plus de deux milliards de dollars, est sûrement dû aux achats de dernières minutes en situation de crise, et les dépenses exceptionnelles liées à la situation précaire des résidences pour ainés avant la crise peuvent aussi être imputées à la négligence du gouvernement.
À première vue, c’est surprenant de voir qu’une dépense de 6,5 milliards de dollars du gouvernement se traduise par un impact de 28 milliards dans l’économie. C’est un effet multiplicateur hors de l’ordinaire. Quand on découvre que le report des paiements d’impôts, qui ne coûte que des intérêts au gouvernement, générerait 4,5 milliards de dollars dans l’économie on comprend qu’on a gonflé à fond la balloune des retombées. Il y a aura eu 4,5 milliards de dollars de plus dans l’économie durant quatre mois, les contribuables ont sauvé quelques dizaines de millions en intérêts, ce n’est pas rien, mais ils devront payer les 4,5 milliards de dollars dès septembre.
On aime laisser croire que le Fonds des générations permet de réduire la dette publique. Dans un tableau on apprend que la dette publique a augmenté surtout en raison d’un déficit courant de 14,9 milliards de dollars dans le budget et que les 2,5 milliards de dollars du Fonds ont permis de réduire d’autant la dette. Si on a vu le tableau précédent on sait que les 2,5 milliards du Fonds sont inclus dans le déficit du gouvernement, qui serait autrement de 12,4 milliards seulement. Cela démontre bien que le Fonds des générations ne réduit pas la dette publique et que c’est un prétexte pour emprunter et placer l’argent à la Caisse de dépôt. Ces fonds publics pourraient être investis plutôt par Investissement Québec pour soutenir nos entreprises rentables. Cela permettrait de soulager la Caisse du mandat de développement de l’économie du Québec, un mandat qui l’oblige à courir deux lièvres à la fois.
Plus fondamentalement, ce qui peut laisser les citoyens perplexes c’est l’affirmation répétée que l’économie du Québec est très solide, que nous sommes parmi les mieux placés dans le monde pour une reprise forte. C’est que nous nous sommes fait dire pendant des années que nous n’avions plus les moyens de nous payer des services de qualité. La réalité c’est que l’économie du Québec est solide et qu’on a volontairement noirci la situation pour imposer l’austérité et couper exagérément dans les services publics. Cela dit, l’attitude sérieuse et responsable du ministre et du premier ministre devant la situation financière présente du Québec est juste et sûrement appréciée des citoyens.
Au contraire, l’insouciance du premier ministre canadien est irresponsable. C’est toujours avec un grand sourire que Justin Trudeau annonce des dizaines de milliards de dollars de nouvelles dépenses alors qu’on s’attend à ce que ces dépenses accroissent la dette du Canada de quelques centaines de milliards de dollars. Cela signifie que la part du Québec dans la dette fédérale aura augmenté cette année d’au moins 50 milliards de dollars, un endettement beaucoup plus important que celui de 20 milliards annoncé par le ministre Girard pour le gouvernement du Québec.
Les prêteurs internationaux accordent un meilleur crédit au Canada qu’aux provinces parce qu’on s’attend à ce qu’il puisse toujours lever les impôts nécessaires, ou couper les transferts aux provinces, pour rembourser sa dette et payer les intérêts. Les paiements, ce sont quand même les citoyens des provinces qui les font. Alors que le Québec se saignait encore pour atteindre le déficit zéro, Trudeau s’est fait élire en annonçant des déficits de dizaines de milliards de dollars durant son premier mandat. En y ajoutant la pandémie, les prêteurs sont assurés de bons revenus provenant du Canada pour des décennies, ils rient avec Trudeau. En général, on ne peut suivre le cheminement du premier ministre Trudeau qu’en comprenant que son pays c’est le monde, le petit monde des mondialistes.
Le ministre Girard affirme avec raison dans son exposé que si tout va bien on va retourner graduellement vers l’équilibre budgétaire sans qu’il soit nécessaire de couper dans les dépenses ou d’augmenter les impôts. Il y a quand même des risques que tout n’aille pas assez bien et que le gouvernement ait à faire des choix.
D’abord, il existe un risque de crise économique mondiale alors que des déséquilibres persistent depuis deux décennies, comme le montrent des taux d’intérêt au jour le jour qui demeurent obstinément près de zéro.
Le contrôle des dépenses pourrait aussi s’avérer difficile. L’annonce précipitée d’une hausse importante des salaires des préposés aux bénéficiaires aura des effets d’entraînement inévitables pour d’autres groupes d’employés et obligera le gouvernement à soutenir financièrement ou à acheter des institutions privées.
De plus, l’intention du gouvernement de soutenir à grands frais des entreprises peu rentables, dont les employés aussi paient peu ou pas d’impôt, oblige le gouvernement à rehausser les seuils d’immigration, ce qui représente un poids additionnel pour les finances publiques.
Confronté avec la crise dans les ressources pour les personnes âgées le premier ministre doit maintenant comprendre les conséquences des coupures budgétaires. S’il accepte d’ouvrir les yeux il pourra voir aussi des conséquences tout aussi graves chez nos jeunes, en éducation et en services sociaux. Sans attendre de faire face à des décisions budgétaires urgentes le premier ministre devrait chercher les moyens de combattre efficacement l’évitement fiscal sous toutes ses formes, dont l’usage des paradis fiscaux et la taxation inadéquate des géants du numérique.
Cependant, si François Legault veut vraiment répondre aux aspirations des Québécois, il devrait faire le choix du Québec. Après les refus du Canada de fermer le chemin Roxham, les refus de fermer nos aéroports en mars, les refus d’améliorer la CPU, les refus de soutenir adéquatement nos champions nationaux comme Bombardier et SNC-Lavallin, les refus de combattre l’évitement fiscal, le mépris de nos lois sur la langue et la laïcité, le mépris de nos politiques d’immigration et le mépris de nos préoccupations environnementales, il n’y a pas d’autre choix.
Est-ce que François Legault peut sincèrement dire aux Québécois : un jour tout va bien aller dans le Canada?
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec