Le président turc Recep Tayyip Erdogan fait partie des rares dirigeants de puissance mondiale qui, en période de pandémie, non seulement n’a pas réduit l’activité en politique étrangère, se concentrant sur le règlement des problèmes intérieurs, mais en a même profité pour renforcer ses positions.
En l’absence de succès majeurs en Syrie où il a dû concourir avec des adversaires plus puissants militairement, la Russie et les Etats-Unis, Recep Erdogan a largement compensé cet échec sur d’autres axes. Notamment en Libye où les principaux rivaux de la Turquie sont l’Egypte et les Emirats Arabes Unis.
La transformation de la Turquie en califat méditerranée, et Erdogan en son calife, possède une signification économique très concrète. La Turquie, qui ne s’était jamais vantée d’excès de pétrole et de gaz, se voit aujourd’hui offrir une chance de devenir une hégémonie énergétique de la Méditerranée orientale. En mai déjà, Ankara s’est adressé au gouvernement d’entente nationale de Tripoli pour demander une autorisation d’exploration et de production de pétrole et de gaz sur le plateau libyen. Sachant que, selon certaines informations, Turkish Petroleum mène ces travaux depuis plusieurs mois – l’autorisation officielle ne devrait que confirmer la situation actuelle des choses. La lutte de la Turquie contre les rebelles de l’opposition libyenne sous le commandement du général Khalifa Haftar et le soutien du gouvernement d’entente nationale ont un prix pour Tripoli.
Pas étonnant que seulement un mois après le début de l’activité libyenne Recep Erdogan se soit lancé dans une nouvelle aventure autour de l’exploitation des hydrocarbures au large de Chypre. La vive réaction du gouvernement chypriote appelant l’UE à intervenir n’a encore rien donné. La République turque de Chypre du Nord non reconnue mais qui existe de facto sert de prétexte à la Turquie pour participer à la vie économique de l’île, notamment pour extraire du pétrole et du gaz. Et en l’occurrence c’est à chaque partie de décider quel terme a davantage de poids – « non reconnue » ou « turque ». Et ce alors qu’Ankara ne reconnaît pas Chypre du Nord.
Il n’est pas non plus surprenant que la Turquie ait osé réaliser des projets énergétiques à Chypre en ce moment précis. La perspective de l’adhésion de la Turquie à l’UE s’est définitivement dissipée il y a plusieurs années déjà.
Et la sortie du Royaume-Uni de l’UE, la rupture factuelle des accords Schengen suite à la prolifération du Covid-19 et la hausse du protectionnisme dans les puissances de l’UE réduisent au maximum l’attractivité de l’UE pour la Turquie. Or en l’absence de promesses mutuelles et d’aspirations plus rien n’arrête Recep Erdogan. Même la perspective d’affrontements militaires avec la Grèce – à tel point la suprématie militaire de la Turquie est grande.
Les projets énergétiques en Libye et à Chypre ont commencé peu de temps après le lancement du gazoduc Turkish Stream en janvier 2020. Grâce à ce projet Ankara a non seulement assuré ses propres besoins en gaz, mais en a également obtenu un excédent qui peut être acheminé dans le Sud de l’Europe. Le lancement du gazoduc transanatolien à pleine puissance attendu pour cette année permettra d’acheminer en Turquie du gaz depuis le gisement azerbaïdjanais de Shah Deniz. En y ajoutant le gaz libyen et chypriote, Ankara devient un nouveau grand acteur énergétique au Moyen-Orient.
source:http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=1703
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